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Lille, le feu au cul
Interdit de recrutement par la DNCG, le LOSC se retrouve dans une position embarrassante. Car ses atouts disparaissent à une vitesse inquiétante.
Le domaine de Luchin est-il en train de se transformer en donjon ? La question peut commencer à sérieusement se poser, moins d’un an après le rachat du LOSC par Gérard Lopez. D’abord, il y a eu les fessées : à Strasbourg, contre Monaco, à Amiens, à Montpellier… Puis est venue « l’humiliation » subie par le suspendu Marcelo Bielsa, selon son avocat. Et enfin, le bondage : mardi en fin de journée, la DNCG a soumis le LOSC avec interdiction de recrutement qui risque d’entraver ses mouvements dès cet hiver. Un nouveau coup – de tonnerre ? – porté à un club dont les fidèles vont devoir serrer les fesses aussi sûrement que pour une visite de courtoisie à la Fistinière.
Drague et bluff
Souviens-toi l’été dernier. Gérard Lopez faisait l’acteur, tout sourire dans les salons de sa nouvelle conquête. Un entraîneur débarquait précédé de sa renommée internationale, l’ambition affichait le top 5, le projet était unlimited. Mais il faut croire que tout va très vite, dans le football : six mois plus tard, il ne reste plus rien. L’entraîneur, pierre angulaire d’un projet vendu comme un roman-fleuve, a été sacrifié sur l’autel des échéances à court terme. La Ligue 2 semble plus réaliste que le top 5, et le plan apparaît désormais très limité. Parce que l’idée de départ – emprunter pour acheter, acheter pour former, former pour revendre, revendre pour rembourser – vient de prendre un méchant plomb dans l’aile avec cette interdiction de recrutement. Juste au moment où le LOSC aurait eu bien besoin de prendre un peu d’altitude pour retrouver de l’air.
Ce qui est reproché à Gérard Lopez ? Un plan de financement alambiqué dont les circonvolutions ne suffisent plus à cacher les risques, selon la DNCG. En juin déjà, elle avait sursis à statuer, réclamant par la voix de Didier Quillot « un certain nombre de garanties,(…)des engagements écrits qui permettent de garantir l’équilibre économique du club » . Fin novembre, pour justifier le report d’une audition, Marc Ingla avait lui évoqué « un projet encore jamais vu en France » . Mais, dans la journée de mardi, la DNCG en a eu marre de ne jamais voir la couleur de l’argent, le vrai, celui qui ne prend pas seulement en garantie tout ce que le club compte d’actifs qui font sa valeur. Alors elle a décidé de mettre un coup de frein à cet emballement potentiellement nocif. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait dès le départ ? Peut-être parce qu’elle y a cru. Ou qu’elle a voulu y croire.
Plan à trois
Au rythme où vont les finances du football européen, le défi d’accrocher le bon wagon pour ne pas se retrouver largué ne connaît pas mille solutions. L’une est d’avoir un actionnaire puissant (Paris, Monaco, Marseille dans une moindre mesure). L’autre est de travailler un business rentable sur le long terme. (Lyon et son stade, option qui nécessite par ailleurs quelques financements solides.) La troisième est de prendre des risques élevés. C’est la voie choisie par Gérard Lopez : à savoir trouver des investisseurs prêts à miser dans un environnement économique fragile, rendu encore plus incertain par l’aléa sportif. Du côté de la DNCG, l’objectif est double : faire venir l’argent dans le football français (feu vert cet été), mais arrêter les frais lorsque la compétition dans son ensemble risque d’être touchée (interdiction de recrutement pour s’assurer que le budget du club lui permette d’aller au bout du championnat). Avec, entre ces deux bornes, beaucoup d’incertitudes.
S’il est sûrement trop tôt pour savoir si le gendarme a pris les bonnes décisions quant aux comptes, la situation sur le terrain apparaît nettement plus claire : le LOSC a besoin d’investir cet hiver. Sur les côtés de la défense, dans l’axe de l’attaque, et dans l’expérience un peu partout. Dans un entraîneur, aussi, mais l’interdiction de recrutement ne concerne pas ce poste. Par un communiqué, le club a jugé la décision « inattendue » et les dirigeants ont affirmé être « déterminés à étudier les recours existants,(…)convaincus de pouvoir apporter, face aux exigences de la DNCG, les réponses complémentaires nécessaires afin de faire une nouvelle fois la démonstration de la solidité du projet économique du club et de poursuivre les plans de croissance et d’investissement souhaités pour le LOSC. » Sauf qu’au bout, la crainte est réelle de voir un club prendre des allures de Titanic, « déterminé » à suivre sa route insensée au risque de finir par le fond. Ce qui ferait quand même mal au cul à pas mal de monde.
Par Eric Carpentier