- C4
- Quarts
- Lille-Aston Villa (2-1, 3 TAB 4)
À Lille, une désillusion grande comme l’Europe
Le plan des Dogues était parfait. Ou presque. Qui, jusqu’à la 87e minute de ce quart de finale retour, aurait pu penser à autre chose qu’une issue favorable ? Personne, ou seulement ce diable d’Emiliano Martinez, venu se rappeler ce jeudi soir aux bons souvenirs des Français et des 50 000 Lillois dont le rêve de sacre continental s’est évaporé aussi vite qu’il est apparu.
La mine défaite, Jonathan David n’esquive pas la question, une demi-heure après avoir été mis sous l’éteignoir par Aston Villa. Certes, « la vie continue », jure l’attaquant canadien du LOSC, « mais c’est la plus grande déception de la saison. Nous avions la chance d’accéder à une demi-finale, ce que le club n’avait jamais connu… » Le Lillois, le seul à s’être présenté en zone mixte après-match, dit beaucoup de la hauteur du mur duquel les siens sont tombés ce jeudi soir. Parce qu’il y avait tout et pas un grain dans la machine, durant les 87 premières minutes de jeu, pour enrayer ce que devait être cette soirée européenne.
🔥🔴⚪️ Le LOSC rattrape déjà son retard grâce à Yacizi. Gudmunsson centre depuis le côté gauche et trouve le Turc qui trompe Martinez. Début idéal pour Lille. pic.twitter.com/bhV4DOEZwK
— RMC Sport (@RMCsport) April 18, 2024
Un soir au presque parfait, où Yusuf Yazıcı, meilleur buteur européen de l’histoire lilloise, et Benjamin André avaient donné, de deux buts léchés, le relief idéal à un plan de jeu millimétré made in Paulo Fonseca : « Ils (Aston Villa, NDLR) ont eu des difficultés à trouver les espaces qu’ils souhaitaient, à jouer à l’intérieur, et nous, on attendait le bon moment pour presser, analyse le technicien portugais. Aston Villa ne se créait pas d’occasion. » Jusqu’à cette « petite chance », glisse Jonathan David, « où ils égalisent. Nous voulions finir ce match en 90 minutes ». Matty Cash est passé par là au milieu d’une forêt de jambes et conduit le peuple claret and blue à une prolongation qu’il n’osait plus imaginer.
L’instant frisson
Le LOSC y était presque. Et les coutures de Pierre-Mauroy aussi, proches de l’explosion dans un printemps où l’escapade continentale avait enfin pris du relief. Jusqu’ici, Klaksvik, Ljubljana, Brastislava et Graz (en 8es) avaient surtout été une occasion de se « marrer pour prononcer le nom de ces équipes », glissait, juste avant la rencontre, Julien. Un stade plein, une première en Ligue Europa Conférence cette saison (la meilleure affluence n’avait alors pas dépassé les 20 000 spectateurs), Lille mettait la main sur ces soirs d’excitation.
Bière en main face au bar La Pause, devant l’imposante enceinte nordiste, l’informaticien livrait ce « frisson naissant » en ce jour de printemps ensoleillé dans les Flandres. « C’est la première fois où l’on peut commencer à penser à une épopée potentielle. On peut déjà imaginer la finale à Athènes. En début de saison, la priorité c’était le championnat, mais là on peut croire au rêve européen. » Son pote Thomas rapplique, « si on était Liverpool, on pourrait n’en avoir rien à foutre de cette compétition, mais pour Lille, c’est juste du kif. Quand on voit comment Marseille, Lyon ou Rennes se battent pour la septième place en Ligue 1, c’est bien que cette compétition a un intérêt. »
Martinez le « fantastique »
Le supporter avait malheureusement omis Emiliano Martinez du programme. Ce bon vieil Emiliano, encore envoûté de la finale de Coupe du monde, fier comme un paon sur chaque touche de balle où Pierre-Mauroy n’attendait qu’une chose, le renvoyer à Buenos Aires. Jonathan David a beau se réfugier derrière le « coup de chance » de la séance de tirs au but, la réalité est tout autre. Et elle porte le sceau de l’international argentin qui « aime déconcentrer, reconnaît David. On l’a vu quand il a couru vers le ballon sur le premier tir alors qu’il devait juste aller dans son but ».
Trente secondes plus tard, Nabil Bentaleb flanchait et catapultait le cuir dans les tribunes, juste après son tir stoppé, avec une rage monstrueuse. La machine infernale s’était mise en place, Benjamin André, inconsolable, en sera l’ultime victime. Pas de doute pour Unai Emery le coach des Villans, Martinez « a de la personnalité et je l’accepte comme il est. C’est un leader, un joueur brillant ». Tête à claques pour l’adversaire, seigneur pour flirter avec la ligne rouge, il « gère ses émotions, enfonce Emery. Il parvient toujours à se contrôler et ce soir (hier soir), il a été fantastique ». Et mis la tête dans le seau aux Lillois. Un seau dont il faudra se sortir dès dimanche face à Strasbourg, pour s’assurer rapidement de renouer avec le vertige de l’Europe à l’automne prochain.
Par Florent Caffery, à Pierre-Mauroy