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Comment Şahin s’est nourri de son expérience à Antalya

Par Victor Fièvre

Nommé coach du Borussia Dortmund à seulement 35 ans, Nuri Şahin a d’abord dirigé Antalyaspor, en 2021, où il finissait sa carrière de joueur. C’est en Turquie qu’il s’est révélé, malgré des résultats en demi-teinte. Récit de ces débuts atypiques sur un banc professionnel, auprès de son ancien club.

Comment Şahin s’est nourri de son expérience à Antalya

Dans le bureau d’Aytaç Altay, outre une réplique du Soulier d’or aux couleurs d’Antalyaspor, un maillot du club est accroché au dossier du siège, floqué « Nuri Şahin ». « C’est moi qui ai suggéré qu’il devienne coach », s’enorgueillit-il à plusieurs reprises au sujet de l’actuel entraîneur du Borussia, qu’il considère comme « un frère ». L’homme au crâne dégarni gère une boîte d’évènementiel à Antalya et a longtemps été le directeur sportif de ce club de Süperlig, la première division turque. C’est là que Nuri Şahin a fait ses armes en tant que coach, de 2021 à 2023, avant de rejoindre Dortmund en adjoint, puis d’être propulsé entraîneur principal cet été, à 35 ans. Alors que s’est-il passé à Antalya pour qu’un novice se révèle potentiel coach d’un club finaliste de la Ligue des champions ?

En 2021, l’ancien du Real Madrid, de Liverpool ou encore du BvB termine sa carrière de joueur à Antalya, la principale station balnéaire turque, connue pour ses plages et ses immenses hôtels de luxe. La saison démarre mal, et la direction décide de limoger son coach, dès octobre. Elle peine à trouver un remplaçant. Vient alors l’option Nuri Şahin, ce milieu de terrain expérimenté, en dernière année de contrat. « Il a pris un ou deux jours de réflexion, et puis il a accepté, rejoue Sinan Boztepe, l’actuel président du club. C’était un gros risque, et il aurait pu continuer à jouer. »

Du grand frère au professeur

Le binational germano-turc au physique d’acteur hollywoodien a des prédispositions pour le rôle. Au milieu de terrain, il aboie et encourage ses coéquipiers comme le ferait un coach. Il a dirigé son club d’enfance, le RSV Meinerzhagen et suivi des cours à Harvard aux côtés d’Edwin van der Sar ou encore Kaká. Surtout, il parle beaucoup de ses ambitions. « Il disait toujours qu’il deviendrait coach », se souvient Veysel Sari, actuel capitaine d’Antalyaspor, qui a partagé le ballon avec lui en fin de carrière. La manœuvre reste incertaine, car le néo-retraité des pelouses va devoir diriger ses anciens coéquipiers.

Nuri adapte la semaine d’entraînement à l’adversaire. C’est une mentalité européenne, assez novatrice pour le championnat.

Sam Larsson

Bunyamin Balci, joueur de 24 ans formé au club, se souvient bien de cette transition. « Du jour au lendemain, on ne pouvait plus l’appeler abi (grand frère), mais hocam (mon professeur, surnom donné aux coachs en Turquie) », se marre-t-il. Forcément les relations dans le vestiaire ont changé. « Il a mis une bonne distance entre lui et les joueurs, et a reçu leur plein soutien, rejoue Koray Geçgel, journaliste et spécialiste du club. Même si certains étaient plus âgés que lui. »

Nuri Şahin parvient alors à imposer sa patte. « Les entraînements étaient d’une qualité supérieure avec lui », assure Balci. Pour diriger son groupe, le tacticien s’appuie sur une culture footballistique héritée de ses anciens entraîneurs, de Mourinho à Tuchel. De l’avis de tous, Şahin place Jürgen Klopp en exemple suprême. « C’est comme un père pour lui », souligne Aytaç Altay. Il aimerait mettre en place son fameux gegenpressing à Antalya, mais il fait avec les outils en sa possession. « Nuri adapte la semaine d’entraînement à l’adversaire. C’est une mentalité européenne, assez novatrice pour le championnat, témoigne Sam Larsson, international suédois arrivé en 2022 à Antalya. Au début, je ne me voyais pas venir dans une autre ville qu’Istanbul en Turquie, mais il m’a fait changer d’avis parce qu’il avait un plan en tête. »

Un maître de la persuasion

Le natif de Lüdenscheid, au sud de Dortmund, détient la formule magique pour faire signer un joueur en une visio. Il a exercé son pouvoir de persuasion l’an passé sur Jakub Kałuziński, un Polonais de 21 ans. « C’était la première fois que je quittais mon pays, donc ce n’était pas facile pour moi. Il était joueur il y a peu donc il a su exactement comment me parler », raconte le milieu de terrain. Kaluzinski se retrouve propulsé en numéro 6 dans le 4-3-3 de Şahin, le système qu’il utilise aussi à Dortmund. « En tant que joueur, vous voulez jouer pour lui. On a beaucoup parlé de foot ensemble. » Les eaux cristallines d’Antalya, Nuri en a très peu profité. Tous ceux qui l’ont côtoyé louent ses qualités de travailleur acharné, peut-être même trop. « Il n’avait quasiment pas de vie à côté du foot et on s’est embrouillé plusieurs fois à ce sujet, narre Altaç Altay, alors que sa propre conjointe traverse son bureau en coup de vent. Pourtant, je lui disais de passer plus de temps avec sa femme et ses deux enfants. »

Sur le papier, le bilan de Şahin à la tête d’Antalyaspor est mitigé. La première saison, il finit septième, puis treizième la seconde, et flirte avec la relégation. À son départ, en décembre 2023, il a laissé l’équipe en bonne position, qui a fini la saison dixième. « S’il n’était pas parti, on se serait battus pour l’Europe. Il avait un système qui marchait bien, que les joueurs aimaient », regrette Cesur Akar, vice-président d’Antalyaspor, intarissable à l’égard de son ancien coach. Le dirigeant à l’allure adolescente a vécu son départ pour Dortmund comme une véritable rupture amoureuse. « J’étais totalement perdu pendant deux, trois jours. Je n’étais plus moi-même. Quand on parle de football à Antalya, on pense inévitablement à Nuri. »

Une bouteille d’eau dans l’arcade

Le coach a laissé le souvenir de sa technique de travail méticuleuse, et de son caractère bien trempé. Altay se souvient d’une mi-temps à Ümraniyespor particulièrement houleuse. « Il hurlait et a tapé dans une bouteille d’eau pleine, qui a frappé l’arcade d’Haji Wright (avant-centre américain, NDLR). Il ne s’est pas excusé et à continuer à crier sur les joueurs. » À ce moment-là, le directeur sportif sent que le groupe risque d’imploser. « Mais qu’est-ce que tu fous ? », lance-t-il à celui qu’il a placé en tant que coach. Heureusement, le même joueur inscrit un but en deuxième acte, et les hommes de Nuri rentrent aux vestiaires avec la victoire (0-1). « Il est parfois tellement déterminé qu’il en oublie que tout le monde n’est pas comme lui », relève Sam Larsson. Le vestiaire a certainement tremblé d’une de ses soufflantes après la défaite cuisante du BvB contre Stuttgart (5-1), dimanche 22 septembre.

Nuri Şahin a rapporté 200 000 euros au club et a permis la levée de l’interdiction de transferts.

Koray Geçgel

D’après Balci, le coach sait aussi bien s’énerver que soutenir ses joueurs. Le natif de Samsun garde en tête un derby contre Alanya, gagné 3-0. « Le match d’avant, j’avais fait une grosse erreur et on avait perdu. Mais il m’avait quand même titularisé. J’ai marqué le premier but et on a célébré ensemble. C’était un moment très fort. » Quand le coach a quitté le sud de la Turquie au beau milieu de la saison dernière, l’ensemble du club a été aussi surpris que triste. Pour autant, difficile pour Nuri Şahin de refuser une offre d’entraîneur adjoint au BvB, dans son équipe de cœur, avec la possibilité de devenir numéro un. Et les Allemands ont payé une indemnité, chose assez rare pour un entraîneur turc. « Antalya était interdit de transfert avant qu’il parte, retrace Koray Geçgel. Nuri Şahin a rapporté 200 000 euros au club et a permis la levée de cette sanction. »

La fierté de la Turquie, par procuration

À la faveur de la démission d’Erdin Terzić cet été, l’ancien d’Antalyaspor s’est retrouvé propulsé à la tête du club finaliste de la Ligue des champions. « C’est allé vite, mais je ne suis pas surpris. En six mois, il les a convaincus qu’il avait les épaules », analyse Altaç Altay. Veysel Sari et les autres suivent désormais leur ancien coach depuis leur canapé, lors des soirées LDC. « Il joue de la même façon qu’avec nous, estime le défenseur central. Je sais déjà ce qu’il va se passer quand je regarde Dortmund, parce qu’il contrôle tout. »

Nuri Şahin a vu de près la coupe aux grandes oreilles, vaincu en finale de la compétition en tant que joueur (2013), puis en tant que coach adjoint (2024), les deux fois avec Dortmund. « Son objectif est clairement de la remporter. Ce serait la première fois pour un coach turc », s’enthousiasme déjà le vice-président d’Antalyaspor. C’est aussi la deuxième fois qu’un Turc dirige une grande écurie européenne, après Fatih Terim à l’AC Milan, en 2001. Certains le verraient bien reprendre un jour la Mili takim, la sélection nationale turque. Son histoire avec la Turquie est contrastée. Ce fils d’ouvriers immigrés en Allemagne a battu des records de précocité en sélection, mais a aussi très vite pris sa retraite internationale, dès 2017 après 52 rencontres seulement, pour se « concentrer sur (s)on avenir » et « laisser la place aux jeunes ». Il a été approché pour être l’adjoint de Vincenzo Montella à la tête de la Turquie, mais ses proches ne le voient pas revenir au pays dans un avenir proche. À défaut, il pourra faire briller le pays par ses performances en club. Antalya ne cessera jamais de mettre en avant que, pour Coach Nuri, c’est là que tout a commencé.

Nuri Şahin fait son retour au Borussia Dortmund

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