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Milan à t'attendre
Respectivement absents du dernier carré de la Ligue des champions depuis 2007 et 2010, le Milan et l'Inter se retrouvent ce mercredi en demi-finales de C1, pour un derby lombard taille continental.
La dernière fois qu’ils avaient croisé le fer à ce stade-là de la compétition, c’était il y a 20 ans. L’exercice 2002-2003 de la Ligue des champions avait alors des airs de glorieux chant du cygne pour le football de club italien, qui envoyait trois de ses représentants en demi-finales de la C1. Alors que la Juve de David Trezeguet et d’Alessandro Del Piero s’offrait le scalp du Real Madrid, le Milan et l’Inter s’affrontaient pour une autre place en finale, arrachée aux forceps par les Rossoneri. Cette année-là, le Diavolo remportait sa sixième coupe aux grandes oreilles, dans le sillage d’une équipe de rock stars vieillissantes mais inoxydables : Pippo Inzaghi, Andriy Shevchenko, Andrea Pirlo, Alessandro Nesta, Paolo Maldini, Clarence Seedorf, pour ne citer qu’eux.
Un amour de Milan
Deux décennies plus tard, c’est une tout autre histoire que raconte le football transalpin en Europe. Une histoire de déclassement, d’abord, alors que le portefeuille de ses grands clubs historiques ne peut plus concurrencer les bourses des clubs anglais, du duo Real-Barça et du Bayern. Une histoire, aussi, de résilience, où la grandeur passée reste palpable, entretenue par des formations qui ont lentement mais sûrement entamé leur mutation. La Juve a un temps donné l’exemple, en réduisant sa voilure financière pour déployer ce qui fut pendant longtemps la politique sportive la plus intelligente du pays, sinon du continent. D’abord désarmés face à une Vieille Dame hégémonique sur ses terres et double finaliste de la C1 en 2015 et 2017, les clubs lombards se sont transformés, chacun à leur façon. Sous la houlette successive des fonds américains Elliott et Redbird, Milan a rigorisé ses dépenses, pour devenir un modèle européen de scouting et de détection des talents. Quelques vieux briscards y encadrent un effectif de jeunes premiers, le seul qui ne dépasse pas les 25 ans de moyenne d’âge parmi les 10 actuels premiers clubs de Serie A. Propriété depuis 2016 du géant de l’électroménager chinois Suning, l’Inter a emprunté une trajectoire moins iconoclaste, plus traditionnellement italienne dans l’esprit : son effectif – le plus âgé de Serie A – convoque intuitivement plus de talent, plus de brillance, plus d’ambition, aussi. Aucun autre club de la Botte ne peut aligner un milieu aussi dominant techniquement que le trio Barella-Brozovic-Çalhanoğlu, un duo offensif Lukaku-Lautaro, ou encore un défenseur de la qualité de pied d’Alessandro Bastoni.
En miroirs inversés
Toutes compétitions confondues, trois des quatre derniers derbys lombards ont par ailleurs été remportés par l’Inter. Autant de matchs que les Nerazzurri ont globalement abordés dans une position dominante, en assumant davantage de possession. Rien de surprenant ici : le monolithique 3-5-2 de Simone Inzaghi repose sur une architecture tactique sophistiquée, qui peut parfois accoucher d’actions et de matchs virtuoses. On aura notamment vu l’Inter délivrer de grandes prestations collectives cette saison en Ligue des champions : d’abord face au Barça – battu puis tenu en échec lors de la phase de poules – ensuite face à Benfica en quarts de finale, un adversaire que les Bleu et Noir ont sereinement dominé. L’équilibre des Interisti reste néanmoins fragile : inégaux en championnat, ces derniers ont prouvé qu’ils pouvaient s’emmêler les pinceaux face à des adversaires qui savent intelligemment cibler leurs points forts. Neutraliser la relance d’Alessandro Bastoni, diminuer l’activité de Nicolò Barella au milieu et couper la connexion des pistons avec les attaquants est chose faisable. Beaucoup de clubs modestes de Serie A – face à qui les Lombards ont perdu un nombre incalculable de points – ont d’ailleurs parfaitement réussi à le faire cette saison.
Le football déployé par Milan est lui moins identifiable, mais aussi plus liquide et adaptable. Face à un adversaire réputé supérieur, les Lombards peuvent s’accommoder d’abandonner la tenue de la gonfle, pour alterner bloc bas et phases de pressing haut, en fonction des circonstances du match. Le cas échéant, le jeu long de Sandro Tonali, les enjambées supersoniques de Rafael Leão (incertain pour le match de mercredi) et Théo Hernandez comme la finition de Giroud sont absolument déterminants pour les Rossoneri. Polymorphe, Milan gagne aussi souvent en souplesse ce qu’il perd en ambition. Balle au pied, le onze de Stefano Pioli n’est pas sans qualité, mais il n’a pas le brio que démontrent usuellement les équipes qui se savent prédestinées à dominer le jeu. Les récentes sorties du club lombard en attestent : lors des 6 dernières journées de Serie A, on l’aura notamment vu incapable de l’emporter face à Empoli, Bologne et la Cremonese. Plus que deux frères ennemis, ce sont donc deux modèles, deux visions différentes qui s’affrontent ce mercredi, en demi-finales de C1. On se souviendra aussi que les jumeaux lombards étaient encore sportivement moribonds il y a quelques saisons, Milan ne parvenant plus à se qualifier pour la Ligue des champions entre 2014 et 2021, une compétition dont l’Inter avait été aussi absente de 2012 à 2018. Leur retour conjoint au premier plan européen est l’énième émanation d’un football italien qui raconte toujours la même histoire : celle d’une résurrection.
Par Adrien Candau