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- Liverpool-Real Madrid (2-0)
Ancelotti, un chef de chantier en perdition au Real Madrid
Après une troisième défaite en cinq matchs de Ligue des champions, le Real Madrid, tenant du titre, est 24e du classement et semble plus que jamais à la portée d’adversaires en pleine bourre. La faute de Kylian Mbappé ? Pas vraiment. Sur le banc, un certain Carlo Ancelotti tâtonne et fait douter tout un club et ses certitudes.
Au lendemain d’une nouvelle déconvenue pour le Real Madrid en Ligue des champions face à Liverpool, la presse madrilène n’a qu’un nom à la bouche : celui de Kylian Mbappé. C’est d’ailleurs la galipette du Français avant son penalty raté qui fait la une de tous les journaux, qui n’ont pas attendu six mois avant de le dézinguer. Mais dans sa sagesse habituelle, Jorge Valdano prend l’antenne sur Movistar avec ces mots : « De tous les problèmes du Real Madrid, celui de Kylian Mbappé est le moins important. » Celui qui a été joueur de la Maison-Blanche entre 1984 et 1987 avant d’en devenir l’entraîneur entre 1994 et 1996 a lui très bien vu les innombrables sauvetages de Thibaut Courtois ou d’Antonio Rüdiger, symbole même d’une équipe merengue en souffrance face aux vagues rouges, qui finiront par permettre à Liverpool de s’imposer.
CarlOUTcelotti ?
Jamais le Real Madrid n’avait perdu trois de ses cinq premiers matchs de Ligue des champions – défaite 1-0 contre Lille, 3-1 face à l’AC Milan et donc 2-0 contre Liverpool. Une première même, pour un club tenant du titre. Pire encore, le roi de la compétition est même 24e au classement, tout juste qualifié pour les barrages donc, mais derrière des clubs comme le Dinamo Zagreb ou le Celtic. Et tous ces tristes records ne sont pas que de la faute de Mbappé, qui certes peine à trouver ses marques depuis son arrivée dans la capitale espagnole. En Liga aussi, le Real Madrid est à la traîne malgré sa deuxième place, à quatre points du Barça : trois matchs nuls face à Majorque, Las Palmas et l’Atlético de Madrid et une défaite 4-0 face au rival dans le Clásico.
Au milieu de tout ce marasme, un homme semble garder le cap : Carlo Ancelotti. Mais en assurant après la claque reçue face à Liverpool mercredi qu’il fallait « continuer ainsi » et que c’était « le chemin à suivre », le technicien italien s’est plutôt illustré en capitaine d’un bateau en train de sombrer qu’en grand chef de guerre. À 65 ans, « Carletto » n’a jamais été autant critiqué par la presse madrilène, pourtant si prompte à le défendre et à le supplier de rester malgré les sirènes brésiliennes. Elle se fait l’écho de nombreuses critiques en interne : des jeunes joueurs prometteurs comme Arda Güler ou Endrick avec très peu de temps de jeu malgré les blessures, une confiance aveugle en Aurélien Tchouaméni questionnée et surtout un plan de jeu bancal.
Des certitudes déconstruites
Lui qui avait su révolutionner le Real Madrid la saison passée après le départ de Karim Benzema vers l’Arabie saoudite en mettant Jude Bellingham en 10 derrière la paire Vinícius-Rodrygo n’a toujours pas trouvé son schéma tactique idoine après trois mois de compétition. L’arrivée de Kylian Mbappé l’a obligé à revoir ses plans. Carlo Ancelotti s’est d’abord obstiné à le mettre en numéro 9, assurant qu’il attendait de lui un jeu comme celui de KB9, avant de l’aligner dans une attaque à deux aux côtés de Vinícius pour finalement lui laisser le couloir gauche de l’attaquant brésilien. Un replacement constant sans vraiment de résultats, qui en plus fait peser sur le milieu de terrain des responsabilités et compensations différentes.
Un milieu lui-même en manque de certitudes depuis le départ de Toni Kroos, pas vraiment remplacé par un Tchouaméni inconstant et souvent blessé, et le déclin relatif de Luka Modrić. Manque de créativité, d’équilibre, de compensations… Le chantier d’Ancelotti est presque plus important dans l’entrejeu que sur le front de l’attaque, où la qualité intrinsèque de ses éléments suffit dans la majorité des rencontres à faire la différence. Bellingham, pièce maîtresse d’un Real Madrid champion d’Espagne et d’Europe la saison passée, n’est plus que l’ombre de lui-même, trimballé à tous les postes d’un système parfois en 4-3-3, parfois en 4-4-2 à plat ou en losange. C’est là où Carlo Ancelotti fait fort : réussir à déconstruire les certitudes qu’il avait lui-même fondées la saison passée.
Cascade de blessures et planification sportive ratée
Ce qui fait dire à Pedja Mijatović, joueur du Real Madrid entre 1996 et 1999, puis directeur du football du club merengue entre 2006 et 2009, qu’il a la sensation que « l’entraîneur n’est plus le même que celui de l’année dernière » : « L’équipe lui échappe. […] On a l’impression qu’il veut plaire à tout le monde et qu’il écoute un peu les voix extérieures. Quand, dans une équipe aussi importante que le Real Madrid, tu fais des compromis, il se passe ça. » Mais si Carlo Ancelotti, pas vraiment adepte des remises en question, doute, c’est aussi parce qu’en interne, Florentino Pérez et d’autres tentent de décider à sa place et d’influer sur les compos pour essayer coûte que coûte de relancer ce Real Madrid moribond et en manque d’idées.
Jorge Valdano: "De todos los problemas que tiene el Real Madrid, el de Mbappé es el menor. Es un supercrack y está en la plenitud de su carrera".
Lo que yo les decía… Mbappé está mal pero el problema colectivo y 0 trabajo en el equipo es aún peor. pic.twitter.com/TlV7fX7k8F
— MT2 (@madrid_total2) November 28, 2024
Là où l’entraîneur italien ne peut rien en revanche, c’est sur la pluie de blessures qui frappe le Real Madrid. Si son préparateur physique Antonio Pintus est lui aussi critiqué en interne après les rechutes de Rodrygo et Militão, ou encore les croisés de David Alaba et Dani Carvajal, Ancelotti paie très cher une planification sportive manquée, qui devrait forcer le Real Madrid à recruter cet hiver pour la première fois depuis 2019. Sa ligne défensive est totalement décimée, avec seulement quatre joueurs défensifs de l’équipe première encore sur pieds : Antonio Rüdiger, Ferland Mendy, Fran Garcia et Jesus Vallejo, sur lequel Ancelotti ne compte absolument pas. Lucas Vázquez, reconverti définitivement comme latéral, revient tout juste de blessure. Une hécatombe malheureusement prévisible, Nacho n’ayant pas été remplacé après son départ, David Alaba ayant repris la saison à l’infirmerie et le reste de l’arrière-garde prenant de l’âge sans jamais être challengée par des plus jeunes.
Une pouponnière pas au niveau
Un ensemble de facteurs qui ont encore obligé Ancelotti à s’adapter et à lancer un jeune comme Raúl Asencio en défense, malgré son accusation de diffusion d’une vidéo sexuelle d’une mineure. Pas vraiment fan des jeunes pousses de la cantera merengue, il s’était encore fait violence en convoquant le jeune Joan Martinez, défenseur central de 17 ans annoncé comme très prometteur, lors de la présaison. Mais là encore, rien ne s’est passé comme prévu pour le technicien : le gamin s’est fait les croisés lors d’un entraînement avec l’équipe première le 9 août dernier. Face à Liverpool, cinq joueurs de la réserve – en plus de Raúl Asencio, titulaire – ont été convoqués pour faire le nombre, sans qu’il n’y ait par exemple de latéral droit suppléant dans la liste, forçant Ancelotti à titulariser Fede Valverde à ce poste. De sévères carences au sein de l’effectif qu’il ne devrait pas oublier de mentionner cette semaine, lors d’un tête-à-tête déjà planifié selon Marca avec son boss, Florentino Pérez.
Par Anna Carreau