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Ligue 2 à 18h45 : la colère ne faiblit pas
Alors que beIN Sport impute à la LFP la responsabilité de l'horaire des matchs de Ligue 2 le vendredi à 18h45, les patrons de Ligue 2 sont tiraillés entre une manne financière bienvenue et la colère de leurs fans. Le collectif d’associations de supporters « SOS Ligue 2 » tente d’élargir la contestation.
Jeudi 12 juillet 2012, le Havre Athletic Club (HAC) inaugure en grande pompe son tout nouveau stade Océane de 25 000 places « qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme » . De Valérie Fourneyron, ministre des Sports, à Frédéric Thiriez, président de la LFP, tout le gratin du football français s’est déplacé en Haute-Normandie. Mais tout le monde n’est pas seulement occupé à admirer le nouvel écrin azuré. Certains supporters havrais ont apposé, à l’entrée de l’enceinte scintillante, une banderole : « 18h45 : la mort de la Ligue 2 » . Lors de son discours, le président de la LFP est chahuté par des « Thiriez démission ! » qui s’élèvent de la foule. En cause, la décision de faire débuter les matchs à 18h45 le vendredi, validée par le conseil d’administration de la LFP. Les présidents des clubs ont certes obtenu un horaire un peu plus tardif que celui de 18h initialement prévu, mais pour les contestataires ces trois-quarts d’heure de rab ne sont pas suffisants.
Compromis entre les clubs, la LFP et beIN Sport sur l’horaire ?
Dans le collimateur des critiques, la chaîne qatarie a réagi, la semaine dernière, par la voix de son directeur général, Charles Biétry. « Il n’y a vraiment aucune raison pour que beIN Sport soit pris en otage, c’est la Ligue qui a décidé de cet horaire-là » , a confié l’ancien président du PSG sur le site de RMC Sport. Une sortie qui renforce la défiance des associations de supporters à l’égard de la Ligue de Football Professionnel. Interrogée par So Foot, la LFP ne souhaite pas faire de commentaires : « La décision a été actée par le conseil d’administration de la LFP, on ne communique pas sur les contrats signés avec nos diffuseurs » , précise-t-on du côté de la LFP. Alors, qui a choisi l’horaire tant décrié ? Un compromis, intégrant les inquiétudes des présidents de Ligue 2 tout autant que les préoccupations financières des clubs et de la Ligue a vraisemblablement conduit à cet horaire hybride. Car les clubs n’étaient apparemment pas très chauds à l’idée de jouer le samedi à 14 h. Maintenir les matchs de Ligue 2 le vendredi soir, c’est s’assurer l’enveloppe de départ proposée par beIN Sport d’environ 12 millions d’euros, mais aussi, aux yeux des présidents, maximiser les entrées VIP. À voir les succès du rugby, on peut cependant douter que le samedi après-midi soit un si mauvais horaire, tant pour les télés que pour les supporters et les occupants des loges.
Si le conseil d’administration de la LFP – qui compte trois présidents de clubs de Ligue 2 – a entériné la décision, certaines voix discordantes se sont toutefois fait entendre chez les patrons de Ligue 2. Claude Michy, président du Clermont Foot Auvergne 63, a dénoncé dans un communiqué « l’absence de respect pour le public » , s’interrogeant sur les éventuels coûts supplémentaires pour les clubs si l’horaire venait à décourager les bénévoles et intermittents du spectacle sportif. Dans ces conditions, les clubs risquent de ne pas beaucoup profiter, après répartition, des millions de beIN Sport… Des inquiétudes également partagées dans un communiqué par le président d’Angers, Saïd Chabane. De son côté, Bertrand Desplat, président de l’En Avant Guingamp, interpellé par les supporters du Kop Rouge lors de l’assemblée générale du club le 22 juin dernier, a plaidé pour une rencontre entre beIN Sport, la LFP et le collectif SOS Ligue 2. Mais aucune date n’est encore fixée et le communiqué dont s’est fendu Frédéric Thiriez le 13 juillet à l’encontre du collectif augure peu d’espoir pour les supporters.
« Obtenir le soutien du staff, des joueurs, mais aussi des collectivités locales »
Depuis plus d’un mois, ces derniers ont réactivé le collectif SOS Ligue 2, pour organiser une riposte commune et réfléchie. « Une réunion s’est tenue à Orléans le 30 juin en présence de quasiment tous les groupes de supporters de Ligue 2. Ce qu’il en est ressorti, c’est qu’il faut élargir notre mouvement et intensifier sa médiatisation en obtenant le soutien du club, du staff, des joueurs, mais aussi des collectivités locales, parce que notre intérêt est le même » explique Yann Simon, un des leaders des Barbarians Havrais. Premier objectif atteint, puisque Jean-Pierre Louvel, président du Havre et de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF) a signé la pétition du collectif. Conscients des difficultés à renforcer le mouvement de contestation dans une période estivale où la Ligue 2 fait peu parler d’elle, les supporters s’apprêtent à lutter « à moyen, voire long terme » , selon Yann Simon. Autrement dit, pendant toute la saison. Par les symboles, une rengaine – « non aux matchs à 18h45 » – serinée et déclinée sur différents supports, mais sans aller jusqu’à la confrontation. « On veut se tourner vers des relais institutionnels plutôt que vers la contestation agressive. Ce combat n’est pas seulement celui des associations de supporters, il est celui de tout le public fidèle de Ligue 2 » , soutient Yann Simon.
Avant même l’inauguration du stade Océane, la bataille des symboles a commencé sur les terrains, dès le 7 juillet, lors d’un match amical entre Auxerre et Angers à Saumur. Quelques minutes avant l’entrée des joueurs, plusieurs supporters des groupes des deux équipes (Kop de la Butte et Brigade Ouest pour Angers, Ultras Auxerre), envahissent le terrain derrière une banderole « Non aux matchs à 18h45 » . Laurent, président du Kop de la Butte, se félicite de cette initiative : « Il n’y a eu aucun problème avec la sécurité et nous avons été agréablement surpris par la réaction du public qui n’a pas hésité à applaudir, ce qui n’est pas vraiment courant lors de nos actions ! Cela montre bien que les gens sont opposés à cet horaire. » Du côté des supporters guingampais, disséminés dans toute la Bretagne, l’horaire chagrine plus qu’ailleurs. En réaction, le Kop Rouge, association de supporters qui pèse au stade du Roudourou, a décidé de se mettre en sommeil. « Il n’y aura pas d’animations en tribune, ni de chants pour toutes les compétitions organisées par la LFP, c’est-à-dire le championnat et la Coupe de la Ligue, détaille Damien, président du Kop Rouge, par solidarité pour tous ceux qui ne pourront pas venir au stade parce qu’ils habitent trop loin et que le match commence trop tôt. » Les supporters rouge et noir s’activent aussi du côté de la ville : « On a commencé à faire tourner une pétition papier dans la ville et on a déjà recueilli 2 000 signatures » , indique Damien. Dont celle, de poids, de la députée-maire PS de Guingamp Annie Le Houérou.
Un horaire qui dérange aussi les radios
L’horaire ne déplaît pas seulement aux supporters. Selon France Football, les radios Europe 1 et RMC devraient arrêter les multiplexes de Ligue 2 le vendredi soir. Au profit, pour la première, d’une tranche d’information et, pour la seconde, du maintien du Moscato Show animé par l’ancien rugbyman. Un moyen en moins, pour ceux qui ne pourront pas aller au stade, de suivre leur équipe. Si l’on en croit des sources bien informées, les campagnes d’abonnements de plusieurs clubs de Ligue 2 sont en reflux par rapport à la saison dernière. Seules les journées de championnat à partir de début septembre – les journées d’été biaisent l’affluence des stades en raison des vacances – permettront d’apprécier l’impact de l’horaire sur le remplissage des stades. Romain, membre de la Brigade Loire, groupe de supporters du FC Nantes, redoute : « Le boycott va se faire naturellement quand les gens vont se rendre compte à quel point c’est compliqué de se rendre au stade à cette heure-là. Mais justement, il faut que les choses changent avant que les gens ne se résignent et décident de passer à autre chose. »
Crédit photo : http://www.sos-ligue2.com/wp-content/uploads/2012/07/2012-07-14-Guingamp-Vannes.jpg
Anthony Cerveaux, avec Antoine Aubry