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Will Still : « Dans le foot, tu ne peux pas juste être un mec comme tout le monde »

Propos recueillis par Timothé Crépin, aux Pays-Bas

Will Still a accepté un très gros défi : prendre la succession de Franck Haise à Lens. Le nouvel entraîneur du Racing n'a que 31 ans, mais en moins de deux ans en Ligue 1 du côté de Reims, il a déjà vécu beaucoup de choses. Le Belgo-Britannique se retourne pour un premier bilan, sans se cacher sur son départ de la cité des sacres, ou sur sa communication qui fait tant parler. Entretien vérité, comme toujours avec ce spécimen.

Will Still : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Dans le foot, tu ne peux pas juste être un mec comme tout le monde<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Si tu devais résumer ta carrière d’entraîneur en un seul mot ?

(Il réfléchit) Folle ! Au-delà d’une aventure footballistique, ça a été une aventure humaine dingue. On a vécu beaucoup, beaucoup d’émotions qui sont folles. Et que je souhaiterais à tout le monde. J’ai 31 ans et je suis entraîneur du Racing Club de Lens. Si tu m’avais dit ça il y a dix ans, je t’aurais demandé de me mettre une claque en plein visage. Je n’y aurais jamais cru.

Parfois, tu repenses à Lierse, ton premier match comme entraîneur en 2017 ?

Souvent. Très, très souvent. J’avais 24 ans, à l’époque. Quand le président me dit, la veille : « C’est toi qui reprends l’équipe ». Je n’avais pas la moindre idée de ce que je faisais. Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais dire aux joueurs. Je n’avais pas la moindre idée de comment j’allais jouer. On était derniers du classement. Et je ne comprenais pas pourquoi c’était moi qui reprenais l’équipe. Ce n’est pas que j’en aie besoin, mais ça permet de me remettre les pieds sur terre, une fois de temps en temps. Et de me rendre compte de la distance parcourue.

Tu avais même vécu une grève de joueurs…

J’ai tellement appris de cette période-là. Humainement aussi, c’était quelque chose d’incroyable. On a tissé des liens de par ces conditions. J’étais un bébé, à l’époque. Par la force des choses, je suis devenu un adulte très vite. Je suis devenu un entraîneur très vite. Mais ça m’a aussi appris à gagner, à enchaîner les matchs, car je crois qu’on en a fait huit sans défaite. C’était ridicule, ça n’avait aucun sens ! C’était ma première, c’était incroyable. Avec le club qui faisait faillite, sans eau chaude pour prendre une douche, des dingueries comme ça…

En quoi le Will Still de juillet 2024 est-il diamétralement opposé au Will Still nommé entraîneur de Reims en 2022 ?

Il ne l’est pas du tout. C’est le même mec, qui a beaucoup, beaucoup appris, surtout sur les six ou sept derniers mois, qui a grandi, pris en maturité, compris ce que le monde attendait de lui… et ce que le monde n’attendait pas de lui (Il sourit). Dans le fond, je suis toujours le même gars, le même entraîneur qui a envie de jouer et de gagner d’une certaine façon. Quand j’ai repris l’équipe il y a deux ans, j’ai dit : « Je vais faire des erreurs ». J’en ai fait. Beaucoup. Mais je suis, entre guillemets, fier de les avoir faites. Je sais aussi que je vais continuer à en commettre. C’est très bien aussi. Mais le moins possible, j’espère.

Qu’est-ce que « le monde » ne veut pas voir de Will Still ?

Ma communication. Ça en fait rire certains. Ça fait beaucoup parler. Trop parler, par moments. Je ne suis qu’un mec totalement normal. Si tu me prends en-dehors du foot, je suis juste un gars comme tout le monde. Mais malheureusement, dans le foot, tu ne peux pas juste être un mec comme tout le monde. Car sinon tu te fais pendre devant tout le monde et, parfois, tu te fais humilier.

Vraiment ?

Oui, oui. Il y a des gens qui veulent t’humilier. Il n’y a pas de doute là-dessus.

Tu l’as été ?

Je ne me suis pas senti le plus à l’aise, par moments. On a fait des résultats incroyables avec Reims, donc tu es mis en avant, on parle super bien de toi. Et dès que les résultats sont un peu moins bons, dès que tu dis un truc qui ne plaît pas à certains… ça va vite. On m’avait prévenu. Je savais très bien que ça allait arriver. D’un côté j’étais préparé, mais ce n’est jamais agréable. Mais je suis content d’en être là où j’en suis aujourd’hui. J’ai avancé, j’ai vu, j’ai appris, j’ai entendu.

Tu parlais des six-sept derniers mois lors desquels tu avais encore plus appris : quel moment a forcément pu te changer ?

Tout ce qui s’est passé en décembre-janvier dernier, avec les rumeurs de départ et les gens qui racontent ce qu’ils veulent de toi. Qui ont une perception de toi alors qu’ils ne te connaissent pas. Ça n’a pas été facile. Beaucoup, beaucoup de choses bêtes et dommageables ont été dites. Mais je suis toujours resté assez franc, moi-même. Je peux me regarder très tranquillement devant une glace et me dire : « Tu as fait les bons choix et les bonnes choses au bon moment ». Même si forcément, j’aurais voulu éviter certains trucs. C’est comme ça.

On peut dire que tu es célèbre désormais ?

Oui, malheureusement.

C’est quoi, ton rapport à la célébrité ?

Je vois ça comme une partie du boulot que je fais.

On s’y fait ?

Le truc, c’est que ça a été tellement vite. Je vois mes potes vivre leur quotidien parfaitement normalement. Tu ne peux plus faire ça, tu ne peux plus être un mec lambda de 31 ans qui vit sa vie. Tout le monde a un avis sur toi, tout le monde veut savoir ce que tu fais, tout le monde te suit.

C’est quoi la dernière chose normale que tu as faite ?

Je suis partie en vacances avec ma compagne. J’ai été reconnu deux fois en douze jours. C’était merveilleux. On a juste passé douze jours à être nous, à faire des choses complètement normales : aller au resto, jouer au tennis, faire du sport… Ça fait beaucoup de bien.

Quelle a été ta plus grosse claque sur un terrain ?

Deux me viennent à l’esprit. Le match contre Marseille (défaite 2-1) il y a deux ans, qui met fin à notre série de dix-neuf matchs sans défaite (entre le 2 octobre 2022 et le 19 mars 2023). Celle-là a vraiment fait mal. Et l’autre, c’est le dernier match que j’ai joué avec Reims. On va à Clermont, on perd 4-1 (le 29 avril dernier) et tout ce qui aurait pu mal se passer dans ce match s’est mal passé. Ça a mis une note un peu suret sur mes trois années à Reims, qui ont été dans l’ensemble incroyables.

À quel point le fait de ne pas finir la saison avec Reims peut être une tâche sur ton CV ?

Ce n’est pas du tout une tâche. Je le dis en âme et conscience : c’était la meilleure décision à prendre pour moi-même, déjà. Mais aussi pour le club et les joueurs. Les trois derniers résultats (deux victoires, un nul) l’ont prouvé. Je ne suis pas content d’avoir pris cette décision, mais je ne l’aurais pas fait différemment.

Comment sont les nuits de coach Still ?

Je ne dirais pas courtes, mais irrégulières. La nuit après un match, c’est catastrophique. C’est impossible de dormir. Généralement, avant un match, je suis plutôt tranquille, je ne me prends pas trop la tête. En semaine, ça varie. Hier, il était 2h30, alors que je suis parti au lit à 23 heures. Mais le temps que tu penses à la séance, au match qui arrive…

C’est une cogitation permanente.

Ça ne s’arrête jamais, en fait. Tu as une responsabilité par rapport au club, aux joueurs, aux supporters, mais aussi par rapport à toi-même : je suis exigeant vis-à-vis de moi-même. Parfois trop. Mais tu as envie que tout soit carré, propre. C’est pour ça que c’est parfois agréable d’avoir un jour de repos où tu fais des choses complètement normales. Car tu sors de cette frénésie du « Je suis coach, tout doit être parfait ».

Comment on fait en sorte que les gens ne puissent pas utiliser contre moi des choses qui, quand tu les sors de leur contexte, sont complètement débiles ?

Après deux ans de coaching en France, comment gères-tu la communication avec les joueurs ?

C’est être moi-même. J’ai 31 ans. Je sais quel langage ils utilisent, dans quel monde social ils vivent. J’arrive à m’identifier à la musique qu’ils écoutent. Chacun est différent. Cinq personnes différentes vont entendre le même message complètement différemment. Donc, c’est parvenir à toucher les joueurs individuellement, tout en le faisant dans un message collectif.

On peut avoir de l’empathie à ce niveau ?

Si tu n’en as pas, tu es mal barré. Surtout avec la génération actuelle de joueurs. Le monde social dans lequel on vit a complètement changé. Quand je compare le contexte social quand j’avais 24 ans… C’est le jour et la nuit. Tu t’adaptes constamment. Tu apprends, tu regardes.

Repenses-tu à un moment qui a complètement changé ta façon de coacher ?

Mon dernier match au Beerschot (en 2021-22). C’était la fin de la saison. On remontait, on a terminé neuvième. Pour le Beerschot, c’était incroyable. Mais si on avait gagné ce match au Standard, on aurait atteint les play-offs, et ça aurait été quelque chose d’extraordinaire. Ce n’est pas un regret, mais on était peut-être un peu trop passif. Et c’est à partir de ce moment que je me suis dit : « Je ne veux plus jamais jouer un football passif. Je ne veux plus regarder les autres équipes jouer. Je ne veux plus m’adapter aux autres. » Il faut avoir une totale confiance en soi et en l’équipe. Et se dire : « Ok, on va faire ça. Et même si ça foire, on continue, car on est sûr que ça peut être le bon truc sur la durée. » Je crois que c’est à partir de ce moment-là que je me suis dit : « J’ai envie de presser, j’ai envie d’attaquer le plus souvent possible, j’ai envie de dominer, d’avoir le ballon… »

Quelles facettes du football n’as-tu pas encore complètement explorées ?

C’est ma onzième saison dans le monde pro. J’ai vu énormément, mais j’ai encore tellement de choses à voir et à prendre. La conception de séances, la façon dont je donne des consignes d’avant-match, comment je présente des vidéos… J’ai envie de me dire : est-ce qu’il y a moyen de faire mieux, d’améliorer ça ? Il y a par exemple eu des discussions très longues avec Hugo (Georgel, responsable de la communication au Racing) pour savoir comment on améliore ma communication. Comment on fait en sorte que les gens ne puissent pas utiliser contre moi des choses qui, quand tu les sors de leur contexte, sont complètement débiles ? Il y a encore tellement de choses à prendre et à voir que j’espère avoir une carrière de 25-30 ans devant moi. Pas 2-3 ans.

Claudio Ranieri a dit adieu aux bancs après 40 ans de carrière : tu te vois vivre dans cette frénésie pendant autant de temps ?

Tant que je suis heureux, tant que je prends du plaisir à gagner les matchs, tant que je déteste autant perdre… Tant que j’arrive à associer ça avec une vie normale en dehors et à considérer ma compagne, il n’y a aucune limite.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Timothé Crépin, aux Pays-Bas

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