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Ligue 1 : où sont les fans ?
Paradoxe : alors que rarement le spectacle offert sur les terrains de Ligue 1 n’a été aussi excitant, toutes rencontres confondues, les tribunes de nos stades demeurent largement dégarnies, sauf exception(s). Une tendance inquiétante alors que nous sortons de deux années de crise sanitaire et d’une longue période de huis clos. Après l'expérience Mediapro, le foot tricolore sait pourtant qu'il a impérativement besoin de sa billetterie.
Qui n’a pas entendu l’accueil de Paquetá à Lyon quand il a débarqué en sauveur face à Monaco ? Qui n’aurait pas aimé s’enjailler devant les prouesses dignes d’un deus ex machina du milieu de terrain brésilien de l’OL ? Sauf que depuis le début de la saison, le Groupama Stadium affiche une baisse de fréquentation de plus d’un tiers, en comparaison de la même période en 2019-2020. Ce samedi soir, pour la première fois, la barre des 50 000 était franchie dans une enceinte qui peut, et finalement qui doit si on garde une âme de comptable pour un club privé de Ligue des champions cette saison, accueillir presque 60 000 spectateurs et spectatrices. Le constat reste cependant préoccupant.
En moyenne, à se fixer sur les chiffres rassemblés par L’Équipe, la chute serait de 14% pour l’ensemble des 16 clubs, déjà en baisse voici deux ans. Il existe bien sûr des exceptions : Marseille en progrès (+11%), le PSG toujours proche des 100% de remplissage ou un temple comme la Meinau, à Strasbourg, qui ne dégarnit jamais à l’heure de la messe. Mais pour d’autres, le plongeon s’avère vertigineux, de Brest à Nice, avec souvent des raisons conjoncturelles particulières. De quoi s’interroger désormais, et soulignons-le encore, alors que l’argument de la faiblesse ou la mauvaise qualité du jeu proposée par les pensionnaires de notre élite à crampons, pour une fois, n’est guère recevable.
Pass sanitaire et nouvelles habitudes ?
Parmi toutes les raisons qui peuvent être invoquées, le pass sanitaire vient évidemment en premier à l’esprit. On sait qu’il éloigne de la pratique un certain nombre de footeux amateurs, y compris chez les plus jeunes depuis son extension aux plus de 12 ans. Il a forcément un impact sur la fréquentation des gradins de Ligue 1. Une réalité qui va s’accentuer avec le non-remboursement des tests antigéniques et PCR depuis le 15 octobre. Si la couverture vaccinale progresse, elle fluctue selon les régions et les niveaux sociaux, des paramètres qui se répercutent aux guichets. Sans compter les groupes ultras qui le refusent par conviction, y voyant un énième mode de flicage de leurs membres. En outre, la Covid-19 et les diverses mesures de restrictions qu’elle a imposées (confinement, couvre-feu, etc.) ont modifié les habitudes de vie et de consommation.
Les mois à apprivoiser le streaming ou l’IPTV (sans parler de l’arrivée d’Amazon et le retour de Canal) ont forcément étiré la distance du canapé moelleux au siège inconfortable en plastique. Combien de pertes sur ce front de la Uber dépendance, un peu comme ces joueurs du dimanche matin passés au padel durant les longs mois de fermeture des stabilisés de la petite ceinture. Faute d’études, difficile de tirer des conclusions, tout comme au sujet de toutes les craintes ou doutes (variants, etc.) qui refroidissent les ardeurs devant l’abonnement en tribune. Sans parler du coût de ce dernier, pas toujours orienté, malgré la conjoncture, à la baisse.
La Covid a bon dos
Tous les problèmes ne sauraient cependant pas être balancés trop schématiquement sur le dos de la Covid-19. Il en existe des plus profonds, plus anciens, qui se sont finalement amplifiés durant la crise sanitaire avant d’exploser de nouveau depuis ce retour relatif à la normale. La problématique de la relation avec le public in situ demeure bien un des points faibles de la gestion des clubs français. La multiplication des incidents de diverses natures, les tensions entre ultras, les conflits avec certaines directions, etc. ont conduit à des fermetures de tribunes (à Montpellier par exemple), des retraits d’associations (à Nantes) ou bien des mises en sommeil (à Rennes). Sans être directement liée à la pandémie, cette détérioration du climat a contribué, parfois mécaniquement (virages fermés), à entamer les taux de remplissage. Un effet boule de neige : un stade dépourvu de l’ambiance et de la dynamique insufflée par les groupes ultras perd aussi de son attractivité pour le supporter lambda. Si la violence effraie le quidam, l’ennui d’une enceinte qui sonne creux produit un résultat assez similaire auprès du potentiel bon client.
N’oublions pas non plus par exemple les horaires de diffusion, de plus en plus inadaptés ou ignorant les impératifs de la vie de famille et la culture du foot hexagonal, et souvent inventés pour satisfaire les diffuseurs, au détriment des petites affiches. Or, s’il est bien une leçon que peuvent tirer les clubs de la saison passée, c’est qu’il ne leur est plus possible de construire leur modèle économique sur la promesse d’une flambée perpétuelle des droits télé. Et qu’il leur faudra en conséquence réinventer un nouveau type de relation avec leurs supporters, aiguillons inestimables de leur rayonnement et finalement « actif » de leur valeur économique.
Par Nicolas Kssis-Martov