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Greenwood, le temps de la rédemption ?
Parmi tous les joueurs recrutés cet été par l’Olympique de Marseille, un cristallise particulièrement les tensions : Mason Greenwood, sous le feu des projecteurs depuis son arrivée dans la capitale provençale, et dont les performances ont eu tendance à éteindre toute contestation naissante contre le joueur (accusé par sa compagne de violences conjugales et sexuelles). Reportage au cœur de la cité phocéenne.
L’attente était considérable ce samedi 14 septembre, jour de derby face au rival niçois. Les Marseillais affrontaient les protégés de Franck Haise, et la suspension de la Ligue 1 pendant deux semaines pour cause de trêve internationale a eu le temps de faire grimper l’effervescence dans toute la ville. L’affiche en elle-même suffisait à susciter l’intérêt de l’ensemble de la planète Marseille, mais les festivités annoncées par le club pour le 125e anniversaire de sa fondation ainsi que les 30 et 40 ans des MTP et du Commando Ultra ont enflammé encore davantage les cœurs.
Après plusieurs semaines d’attente, le jour J est enfin arrivé. Les bourrasques de mistral moindres par rapport aux jours précédents, le jaune de retour dans le ciel comme dans le verre et un Vélodrome à guichets fermés : tout est réuni pour un match spectaculaire. Du Vieux-Port au boulevard Michelet en passant par les plages du Prado pour les plus téméraires, la tunique immaculée est sur de nombreuses épaules. Avec, pour une écrasante majorité, le mythique numéro 10 surplombé du nom Greenwood.
« Depuis Nasri, on n’a pas connu meilleur joueur ici »
Mason Greenwood, exfiltré de Manchester United et mis au ban de la sélection anglaise depuis la publication sur les réseaux sociaux par sa compagne d’images glaçantes avec accusations de violences conjugales et de tentative de viol, est arrivé à Marseille sous l’écrasante chaleur du mois de juillet. Si la procédure judiciaire a été arrêtée outre-Manche à la suite de la rétractation de témoins clés, plusieurs voix se sont élevées parmi les supporters olympiens lorsque son transfert a été annoncé.
Ces contestations ne se sont pourtant pas traduites lors des premiers pas de l’ailier sous la tunique olympienne, dont le début de saison n’a d’égal que le nombre de maillots floqués à son nom dans les boutiques du club. Acclamé plus que de raison lors de sa présentation à l’annonce de son nom dans les haut-parleurs du Vélodrome et sur l’explosion de joie qui a suivi son premier but à domicile face à Reims (2-2), Greenwood est en train de conquérir Marseille.
@so_foot Visiblement, l’Anglais a déjà été adopté par son nouveau public… #footballtiktok #sportstiktok #fyp #foryou #pourtoi #greenwood #om #omreims #marseille #olympiquedemarseille #ligue1 #masongreenwood #CapCut
Aux abords du Vélodrome, les voix semblent unanimes. L’esplanade Bernard Tapie affichait déjà une belle affluence trois heures avant le coup d’envoi du match, et le constat est sans équivoque : les tuniques Greenwood 10 dominent largement les débats. Venu du Nord pour la rencontre et tout juste âgé de 22 ans, Kévin n’a pas boudé son plaisir de passer à la boutique du Vélodrome récupérer le maillot au nom de l’ancien de Manchester United : « Greenwood, c’est une pépite. Pour l’instant, il nous régale ! Niveau extrasportif, il a été jugé. Après, ça ne nous regarde pas. » Pas toujours très loquaces pour parler de l’ex-joyau des Red Devils, les supporters qui acceptent de témoigner mettent en avant son niveau stratosphérique affiché depuis le début de la saison. Un avis que partage Pijert, bien conscient que Greenwood serait très loin de la capitale provençale sans les accusations portées en 2022.
« Dix buts marqués en trois matchs, c’est pas mal. C’est très bien, même. En partie grâce à Greenwood, même si c’est surtout le collectif. On sait tous que Greenwood est un joueur de classe mondiale, on connaît tous les problèmes qu’il a eus. Mais à part ça, c’est un talent. J’espère que les choses vont se tasser un peu, ce serait dommage de ne retenir que l’extrasportif alors que le joueur est exceptionnel. » Le nouveau numéro 10 olympien a, en effet, soigné ses débuts avec les Ciel et Blanc. Cinq buts et une passe décisive en trois rencontres plus tard, Greenwood s’est même adjugé le droit de porter le badge de Top Scoreur de la Ligue 1 face à Nice. Un talent hors normes, qui force déjà l’admiration de ce groupe d’amis marseillais venu passer un moment tous ensemble à l’occasion du match : « Depuis Nasri, on n’a pas connu meilleur joueur ici. Il a réussi à s’imposer tout de suite dans l’équipe, et à être décisif. »
Un amour sans condition… en apparence
Si tout est fait du côté de l’OM pour que les performances de Mason Greenwood prennent le pas sur ses affaires passées, des voix – certes minoritaires – continuent de s’élever pour dénoncer la présence de l’Anglais dans les rangs marseillais. Pour Eric Florentino, directeur adjoint de Solidarité Femmes 13, les tentatives du club d’entraver la parole des journalistes lors des conférences de presse ou les coups de pression envers certains journalistes locaux révélés par L’Équipe démontrent que « la communication de l’OM consiste à dire que rien n’existe, en fait. C’est du privé et de l’extrasportif, je pense que la communication est désastreuse. Je trouve ça incroyablement lâche, parce qu’ils misent tout sur le fait que ça va s’éteindre avec le temps. En plus, il marche sur l’eau… Donc évidemment, ça va finir par s’éteindre. »
𝐌𝐚𝐬𝐨𝐧 𝐆𝐫𝐞𝐞𝐧𝐰𝐨𝐨𝐝 😮💨🎯 pic.twitter.com/fMbdKxLLn0
— Olympique de Marseille (@OM_Officiel) September 8, 2024
Très critique de l’arrivée de Greenwood sur la Canebière, l’association tient à réaffirmer sa position sur le sujet en dénonçant avant tout la stratégie émise par le club. « On a déjà exprimé notre étonnement durant le recrutement de Greenwood, d’autant plus que le club s’était engagé avec nous à faire des actions de sensibilisation et même d’hébergement des femmes victimes de violences au moment du confinement, rappelle Eric Florentino. Ce qui nous occupe aujourd’hui, ce n’est pas Mason Greenwood, mais c’est la position du club qu’on interroge. Manchester United a eu manifestement la volonté de l’exclure du club, en vertu de la perception morale des événements. Et nous, on se retrouve dans la situation où cette perception morale des évènements n’a visiblement aucune prise. C’est-à-dire que le club de l’Olympique de Marseille ne voit que la bonne opportunité, dans cette histoire. »
Des voix sans résonance
Dans quelques pans des tribunes olympiennes, une certaine gêne continue de se faire sentir, comme le raconte cet habitué du Virage Sud : « Lors du premier match à domicile face à Reims, au moment de sa présentation et de l’annonce de son nom dans la composition, beaucoup ont refusé de l’applaudir. Certains, certes rares, l’ont sifflé. Malgré tout, lorsqu’il marque, tout le monde célèbre. C’est l’OM qui marque plus qu’un joueur qui fait polémique, mais plusieurs refusent toujours de l’acclamer même lors de l’annonce de son nom après les buts. En revanche, quand il a marqué son doublé en deux minutes à Toulouse, il a été acclamé par le parcage. » Les groupes avaient, d’ailleurs, fait le choix de ne pas aller accueillir le joueur à l’aéroport de Marignane lors de son arrivée. D’autres supporters olympiens ont annoncé qu’ils feraient des dons aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes, dont Solidarité Femmes 13, à chaque but inscrit par Greenwood.
« On a été contacté par des supporters, donc après chaque match depuis le début du championnat, on a 15-20 mails de dons qui ont été faits par le biais de la plateforme Helloasso où les gens donnent 10-15-20 euros, détaille Eric Florentino. C’est intéressant que ce ne soit pas nous qui nous agitions parce qu’à force d’être impliqués sur le sujet, on devient inaudibles. Mais là, ça provient de citoyens et des supporters lambda. » Le directeur adjoint de Solidarité Femme 13 assure que, du côté de l’association, la communication autour de cette affaire continuera : « On va communiquer dans nos réseaux habituels par rapport à ce genre de choses (les dons de supporters, NDLR). Et puis, je pense qu’on réagira à chaque Une un peu déplacée ou à chaque tweet malheureux. Ça ne va pas s’arrêter à ce niveau-là, surtout s’il continue de briller. » Signe du destin, Mason Greenwood a traversé la rencontre face aux Aiglons comme un fantôme. Sporadique, il a finalement été remplacé par Bamo Meïté dans le temps additionnel. Si le Vélodrome a été impitoyable pour la première à domicile d’Elye Wahi face à Reims, le sera-t-il moins pour Mason Greenwood ? Pour l’instant, l’aura dégagée par l’Anglais sur chaque prise de balle montre bien que l’histoire d’amour risque de durer encore.
Par Léna Bernard, à Marseille
Propos recueillis par LB à Marseille