- Billet d'humeur
Ligue 1 : les ravages du temps additionnel
Ce vendredi, Pascal Dupraz a soulevé une question légitime sur la gestion du temps additionnel dans le championnat de France. Un problème qui ne concerne pas seulement l'Hexagone et une routine qui mériterait d'être bousculée, quitte à ce qu'un rab de huit, neuf ou dix minutes ne choque plus personne.
C’est un moment qu’il ne faut pas louper. Pour les acteurs et les spectateurs, il peut être synonyme d’espoir ou de stress intense quand Stéphane Guy préfère, lui, parler de « minutes de bonheur en plus ». Le temps additionnel peut bouleverser le scénario d’un match de foot, ce n’est pas exagéré que de l’écrire. Ce vendredi soir, il n’a eu aucun impact sur l’histoire d’un tristounet 124e derby entre Lyon et Saint-Étienne. Il a néanmoins eu le mérite de susciter une réflexion légitime de Pascal Dupraz à l’issue de la rencontre. « Pour ma curiosité et pour que je comprenne un point du règlement, j’aimerais poser cette question : comment peut-on donner six minutes de temps additionnel contre Lens (défaite des Verts 2-1 la semaine dernière, NDLR), avec un maximum de remplacements et des incidents de jeu qui contraignent les soigneurs à entrer sur le terrain, et mettre deux minutes d’arrêt de jeu ce soir ?, s’est interrogé le technicien stéphanois en s’adressant à Pascal Garibian, le directeur technique de l’arbitrage à la FFF. Il y a eu neuf changements, logiquement ça doit faire plus de deux minutes, même si ça n’aurait certainement rien changé au résultat final. Je ne veux surtout pas me réfugier derrière ça, mais je veux comprendre. » Il n’est pas le seul.
Un match dure 55 minutes
Un match ne dure pas vraiment 90 minutes, c’est bien connu. Si le chronomètre ne cesse de tourner pendant les deux périodes de 45 minutes, le temps de jeu effectif d’une partie de foot tourne plutôt autour d’une heure, n’en déplaise à Andrea Agnelli. Au printemps dernier, une étude du CIES, basée sur 37 compétitions analysées entre juillet 2019 et mars 2021, révélait que le temps de jeu effectif oscillait autour de 61,3%, soit environ 55 minutes sur les 90 (62,4% en Ligue 1). Beaucoup de chiffres, mais une conclusion très simple énoncée par l’organisme de recherche et d’enseignement indépendant à la fin de son rapport : « Un des constats intéressants est l’absence de corrélation entre le temps de jeu effectif et la durée totale des matchs. Cela signifie donc que la fluidité du jeu n’a qu’une petite influence sur le choix des arbitres d’ajouter, ou non, du temps supplémentaire.(…)Le fait que les temps d’arrêt n’ont pas beaucoup d’influence sur le prolongement de la rencontre pourrait donc encourager les joueurs des équipes en difficulté ou ayant pris l’avantage à casser le rythme de jeu. » Comprendre : peu importe si une partie est hachée ou perturbée par de multiples temps morts, le temps additionnel n’en sera pas nécessairement plus conséquent. La victoire des malins, des vicieux voire des truqueurs ? En partie.
Dialogue et cohérence
Le chiffre indiqué sur le panneau lumineux brandi par le quatrième arbitre n’aurait sans doute pas changé grand-chose au résultat final du derby OL-ASSE tant les deux équipes ont été désespérantes, mais il convient de mettre le sujet sur la table : pourquoi le temps additionnel semble-t-il parfois décidé au doigt mouillé, en Ligue 1 comme ailleurs ? Le constat est flagrant ces derniers mois dans le championnat de France, où il ne faut surtout pas aller au-delà des traditionnelles quatre ou cinq minutes supplémentaires (même s’il faut préciser que la moyenne est étrangement estimée à 6 minutes 22 en France ces dernières années, toujours selon le CIES). Un autre exemple ce week-end lors de Nantes-Lorient à la Beaujoire, où les 5000 fidèles posés en tribunes ont eu le droit à seulement trois minutes de rab au bout d’une seconde période rythmée par cinq buts et leurs célébrations ainsi que neuf changements.
Dans d’autres cas, quand les rencontres sont plus serrées et le résultat indécis, la façon mécanique voire aléatoire de décider du temps additionnel peut logiquement provoquer l’incompréhension chez les entraîneurs comme les joueurs. Même chose quand un score fleuve incite les arbitres à ne pas prolonger la fête ou le calvaire, c’est selon, en zappant le temps additionnel. Comme si les places européennes ou le maintien ne pouvaient pas se jouer à la différence de buts à la fin du bal. Au-delà de son agacement, Pascal Dupraz appelle, à sa manière, l’arbitrage français à s’ouvrir au dialogue avec les différents acteurs du ballon rond dans l’Hexagone. Pour plus de compréhension, et donc moins de tension. La gestion du temps additionnel n’est qu’un problème parmi tant d’autres, comme en témoigne l’utilisation incompréhensible de la VAR à Saint-Symphorien ce dimanche après-midi. Plus que la vidéo, le véritable progrès consisterait peut-être à revoir la communication entre ceux qui font vivre les matchs et à s’obliger à sortir d’une routine dans laquelle nous sommes enfermés depuis trop longtemps.
Par Clément Gavard