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Rennes : monter l’escalier quatre à quatre
Le Stade rennais, 4e au bout du suspense, sera européen pour la sixième année d'affilée la saison prochaine. Une régularité historique pour le club breton, qui tente de se faire une place dans le gratin hexagonal. Ce lundi, les dirigeants rennais ont fait le bilan, et Florian Maurice a vidé son sac, tout en confirmant les ambitions du SRFC.
Dans le haut du tableau, le Stade rennais s’est posé comme le grand gagnant du dernier week-end de la saison de Ligue 1, en s’imposant dans le derby à Brest pour s’installer sur le gong à la 4e place, comme l’année dernière. Un dénouement franchement inespéré quand on sait que les Bretons comptaient 8 unités de retard sur Monaco à l’issue de la 34e journée. Un soulagement, aussi, pour tout le monde au club, et cela s’est ressenti dans les attitudes et dans les discours samedi soir à Francis-Le Blé. « C’est fantastique de finir deux fois de suite 4e », jubilait le président Olivier Cloarec. Même le défenseur Arthur Theate, forfait pour la rencontre, mais présent avec ses copains dans le Finistère, avait tenu à s’arrêter en zone mixte pour remettre quelques pendules à l’heure : « On nous a enterrés beaucoup trop vite. On a tiré trop de conclusions hâtives. Trop de gens ont douté. Le club mérite d’être là, et il prend une place importante dans le foot français. Je n’ai pas l’impression qu’il soit jugé à sa juste valeur. » Il est vrai que Rennes a changé de dimension et ne cesse de grandir depuis quelques années. À Brest, le club breton a décroché une sixième qualification européenne d’affilée, la meilleure série en cours dans l’Hexagone derrière le PSG. Ce n’est pas rien et c’est même historique pour le SRFC, qui aimerait voir encore plus haut et qui doit aussi apprendre à devenir un club qui compte dans le paysage footballistique français, avec ses avantages et ses inconvénients.
Jeu médiatique et exigences
Deux jours après la soirée parfaite vécue à l’autre bout de la Bretagne, les dirigeants rennais ont dressé le bilan face à la presse, ce lundi, dans la Galerie des légendes du Roazhon Park. Silencieux dans les médias depuis la mi-février, le directeur technique Florian Maurice est arrivé très tendu, en colère contre les critiques formulées tout au long de la saison dans la presse ou sur les réseaux sociaux, notamment Twitter qu’il scrute tout particulièrement, avant de développer son sentiment de manière plus posée. « Peut-être que je les ai plus lues et que je n’étais pas habitué aux réseaux. Mais je vous ai trouvés très sévères, même méchants parfois, certains se prenant pour des entraîneurs, des directeurs sportifs, des recruteurs. Ce n’est pas votre métier, a-t-il déroulé. Vous avez le droit de critiquer, mais pas semaine après semaine. J’ai trouvé que c’était disproportionné. » Un avis partagé par le président Olivier Cloarec : « C’est à l’image de la société, il faut tout, tout de suite. Malheureusement, ça ne marche pas comme ça. Un tout petit peu de mesure, un tout petit peu de recul, aujourd’hui je pense que ça ne ferait pas de mal. Encore une fois, on n’est pas là à fanfaronner, on n’est pas contre tout le monde, ce n’est pas notre façon de voir les choses, mais on réclame un peu de mesure. »
Fond noir, chemise noire et yeux noirs, Florian Maurice était remonté hier au moment d'entamer le bilan de la saison devant les journalistes suiveurs du SRFC @TVR35 pic.twitter.com/CxS7sdAerF
— Christophe Penven (@PenvenC) June 6, 2023
Reste qu’avec la croissance vient l’exigence, des observateurs, des supporters, et les critiques sont le lot des meilleures équipes, l’OL, l’OM et le PSG, à leurs niveaux respectifs, pourront le confirmer. Certaines photographies, qui ne sont pas forcément des bilans, pouvaient légitimement être plus dures, surtout quand l’équipe de Bruno Genesio semblait avoir perdu la flamme, notamment à l’extérieur, pendant l’hiver après la Coupe du monde et la blessure de Martin Terrier. « L’exigence, c’est bien que les personnes extérieures nous la mettent, mais on se la met aussi, sincèrement, répond Olivier Cloarec. On s’investit beaucoup, on ne triche pas. Après, ça fait partie des règles du jeu, et c’est plutôt bon signe, ça veut dire qu’on vise de plus en plus haut. Plus on va haut, plus c’est difficile de faire mieux, même si ça reste l’objectif. »
Les gens heureux
Sur le terrain, le Stade rennais a battu son record de points historique (68), avec la troisième meilleure attaque (69) et troisième meilleure défense (39), et a su profiter des occasions manquées par Monaco et Lille, malgré douze défaites au compteur en championnat, comme la saison passée. Il y a aussi eu une élimination en Coupe d’Europe contre le Shakhtar Donetsk, « une déception ». La suite de l’histoire devrait s’écrire avec les mêmes hommes, dont Bruno Genesio – « On repart ensemble à 100% à l’instant T », dit Maurice –, dont l’équipe a inscrit la bagatelle de 186 buts sur les deux derniers exercices toutes compétitions confondues. Ce samedi soir, cette stabilité était présentée par l’état-major comme la principale raison du redressement rennais dans le sprint final. Au moment de faire le bilan, Florian Maurice a rappelé que le technicien était son « ami depuis 30 ans » et que leur relation, personnelle comme professionnelle, était saine. Le trio formé avec Olivier Cloarec semble fonctionner, chacun restant à sa place et se limitant à son champ de compétences.
Une osmose – même si le mot est peut-être fort – qui doit donner un temps d’avance au Stade rennais quand Monaco devrait tout chambouler cet été, Marseille trouver un nouvel entraîneur, le LOSC se battre pour retenir Paulo Fonseca, Lens composer avec la perspective de jouer la Ligue des champions, l’OL poursuivre sa reconstruction et Nice redonner un nouveau souffle au projet Ineos. La dynamique est du côté de Rennes, qui peut compter sur la famille Pinault, propriétaire du club, pour donner les moyens des ambitions, malgré un plafond structurel et un budget toujours loin derrière celui de Marseille, Lyon ou Monaco, par exemple. Les investissements sont importants depuis trois ans (environ 230 millions d’euros), mais les ventes aussi (environ 200 millions d’euros), alors que Maurice a donné une ligne directrice pour le mercato à venir, celle d’attirer des joueurs plus expérimentés, sans chambouler l’effectif actuel ni oublier les jeunes du centre de formation. La saison prochaine, la 4e place sera qualificative pour le tour préliminaire de la Ligue des champions, et ça peut compter. La Coupe d’Europe sera aussi un enjeu majeur pour continuer à s’installer sur la scène européenne, et celle-ci reste le meilleur moyen de marquer les esprits et d’enrichir son histoire. « On n’a pas tout bien fait, on le sait, a admis Maurice. Mais quand les gens regardent le Stade rennais, ils sont contents, ils sont heureux, ils voient du football. » Pourvu que ça dure, alors.
Par Clément Gavard, à Brest et à Rennes
Tous propos recueillis par CG