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- Rennes-Lyon (0-1)
Le Stade rennais, à la défaveur de l'automne
Encore battu en championnat après s'être tiré une balle dans le pied contre l'OL, le Stade rennais inquiète, déçoit et confirme un début de saison proche du catastrophique. Le recrutement est pointé du doigt, notamment en défense, et les prochains jours vont devoir déterminer si Rennes a besoin d'une tempête ou de stabilité pour rebondir.
C’est une scène rare et qui dit beaucoup de la situation du Stade rennais après trois mois de compétition. Ce dimanche, une vingtaine de minutes après la défaite contre Lyon (0-1), Benjamin Bourigeaud s’est présenté devant les micros avant même que les deux entraîneurs ne se pointent dans la salle de conférences de presse. Le capitaine rennais a dressé les premiers constats implacables sur son habituel ton monocorde, puis le cœur a pris le dessus sur tous les exercices de communication. « Vous croyez que c’est facile tous les jours ? a-t-il lâché au bord des larmes, laissant un silence peser sur la zone mixte du Roazhon Park. C’est dur aussi, nous aussi on est mécontents, on aimerait rentrer avec la victoire à la maison. C’est compliqué, on donne tout, on fait les efforts, je pense que c’est la fatigue qui fait ça. On est fatigués de faire les efforts et de ne pas être récompensés. (…) Croyez-moi qu’on ne lâchera pas, je vous le promets. On va continuer de travailler et la fermer. On est ensemble, c’est tout un club. On s’est mis dans la merde ensemble, on va en sortir ensemble. » C’est ce qui s’appelle mettre les doigts dans la crise, et ça faisait longtemps — trois ans pour être précis — que l’automne n’avait pas été aussi déprimant sur les bords de la Vilaine.
Benjamin Bourigeaud au bord des larmes après cette défaite face à Lyon : " On va se battre, on ne lâchera pas…" #SRFCOL #J12 pic.twitter.com/nHXxu4rSVh
— Christophe Penven (@PenvenC) November 12, 2023
Déprime à la jeunesse
Après 12 journées, Rennes compte seulement 12 points et deux victoires (contre Metz et Nantes à domicile) et les trois succès européens dans sa poule de Ligue Europa ne permettent pas d’atténuer cette impression, qui n’en est plus une, que le club breton a raté dans les grandes largeurs le premier tiers de sa saison. Battu quatre fois lors de ses cinq dernières sorties en Ligue 1, le SRFC a pris la mauvaise habitude d’être plombé par des erreurs individuelles grossières ne venant rien arranger au collectif défaillant. Quand ce n’est pas Warmed Omari qui sombre à Lorient, c’est Lorenz Assignon qui se troue face à Nice ou bien Jeanuël Belocian qui voit rouge contre le Panathinaïkos. Cette fois, c’est Guela Doué, 21 ans depuis un mois, qui a fauté en étant logiquement expulsé dès la 5e minute de jeu pour sa première titularisation dans l’élite. « Je ne lui en veux absolument pas, insistait Bruno Genesio après le match. Ça arrive pour un jeune joueur qui débute, je sais que c’est un garçon qui va en tirer les leçons. C’est l’apprentissage du haut niveau. »
Ce constat d’une jeunesse plus pénalisante que rafraîchissante ces dernières semaines pose question sur la stratégie adoptée par les dirigeants rennais lors du dernier mercato estival, notamment celle de ne pas recruter dans le secteur défensif en faisant confiance à neuf jeunes joueurs, dont six formés au club. Aucun d’eux n’a plus de 23 ans, et le plus expérimenté s’appelle Arthur Theate, international belge et une centaine de matchs au niveau professionnel (comme Adrien Truffert). Un pari assumé par le board cet été, tout comme celui de ne pas avoir remplacé l’ancien capitaine Hamari Traoré, parti à la Real Sociedad, pour permettre l’explosion de Lorenz Assignon, dont la doublure est donc l’aîné des frères Doué. « Si on parle de Guela, je ne regrette pas. Je pense que là-dessus, on ne s’est pas trompés, estime Genesio. On peut tout analyser a posteriori, mais quand on prend des décisions, c’est en pensant que ce sont les meilleures pour l’équipe. Je n’aime pas le mot pari, ça voudrait dire qu’on a été négligents, ce n’est pas ça. On a pensé que ces joueurs avaient beaucoup de qualité, et je le maintiens. Les jeunes, on sait tous que dans des périodes plus difficiles, ils ont besoin d’être accompagnés. Et ce n’est pas le seul problème de notre équipe actuellement. »
La tempête ou la stabilité
Les tauliers Nemanja Matić et Steve Mandanda ne suffisent pas, pour l’instant, à régler les problèmes, même si l’association entre le Serbe et Enzo Le Fée au milieu est peut-être la seule satisfaction de la défaite contre Lyon. Les problèmes sont un peu partout sur le terrain au Stade rennais, derrière comme devant, où le meilleur buteur s’appelle Ibrahim Salah (4 buts, à égalité avec Ludovic Blas), ce qui veut dire beaucoup de la petite forme des autres attaquants. Arnaud Kalimuendo et Amine Gouiri, qui pèsent près de 50 millions d’euros à eux deux, sont très décevants, quand Martin Terrier n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant sa blessure. Les joueurs le savent, ils ne sont jamais les premiers fusibles en cas de mauvaise passe. Genesio en est conscient aussi : « Lorsque vous avez 12 points en 12 journées dans un club qui a pour objectif de jouer la Ligue des champions, évidemment que le coach est le premier responsable et qu’il y a des interrogations sur son cas, c’est normal. Il y a une trêve internationale, on espérait énormément gagner ce match, on l’a perdu. Je suis entraîneur, je ne suis pas décideur de mon sort ou des questionnements qu’il peut y avoir sur mon avenir. » Le groupe qui avait passé une soirée ensemble en début de semaine n’a pas spécialement lâché l’entraîneur, soutenu publiquement par Bourigeaud ce dimanche soir.
Les prochaines heures, les prochains jours seront consacrés à la réflexion à Rennes, où on assurait après la défaite contre Lyon qu’aucune décision ne serait prise à chaud dans la soirée et que des discussions auraient logiquement lieu cette semaine. L’actionnaire François Pinault, présent au Roazhon Park il y a quinze jours contre Strasbourg, tient en haute estime Genesio, mais le foot reste le foot et il n’y a pas toujours de place pour les sentiments dans les affaires. Il faudra surtout savoir si le coach rennais se sent capable de trouver des solutions pour redresser la barre. « J’espère, sinon ce serait inquiétant », répondait-il dimanche. Florian Maurice, le directeur technique, n’est pas venu devant la presse, et le règlement de comptes avec les journalistes et les suiveurs en juin dernier paraît très loin. Son recrutement est au centre des interrogations, alors que le Stade rennais a beaucoup dépensé depuis l’été 2022-2023 (environ 142 millions d’euros), mais aussi très bien vendu (238 millions d’euros). Une prise de parole des dirigeants rennais pourrait intervenir pendant la trêve, sans que l’on ne sache encore si le club breton va choisir la tempête ou le calme pour remédier à l’un de ses pires débuts de saison depuis son retour dans l’élite en 1994 (Rouge Mémoire). Le podium, l’objectif annoncé, est déjà à 12 points, les places européennes à 4 longueurs et la place de barragiste à une petite unité. Le Stade rennais ne sait plus trop s’il doit regarder en haut ou en bas, et c’est déjà un problème.
Par Clément Gavard, au Roazhon Park