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Laissons l'arbitre respirer !

Par Nicolas Kssis-Martov

La Ligue 1 a repris, et avec elle, forcément, les discussions autour de l’arbitrage. Largement réformé à l’intersaison, avec un réel effort de dialogue reconnu par tous, le corps arbitral affronte toujours le même problème : le comportement des joueurs. La manie incessante et stérile de l’attroupement autour de l’arbitre en est la pire expression.

Laissons l'arbitre respirer !

Le match entre Nice et Lyon s’est inscrit dignement dans la grande tradition des purges du dimanche soir qui fonde la légende de la « Ligue 1 à un milliard ». Puisqu’il n’y a pas eu beaucoup de spectacle, on a pu constater le retour en force de l’insupportable tradition de l’attroupement autour de l’arbitre, dès que ce dernier sort son sifflet. Ce rituel, qui aux dernières nouvelles n’a jamais retourné la moindre décision, offre toujours le même panel d’attitudes tragicomiques. Il est fort probable qu’une partie des footballeurs pensent même que ces rassemblements étouffants et ridicules autour d’un monsieur qui tente de contrôler cette petite foule hostile relèvent de leur devoir professionnel. Comment expliquer, sinon, que des gars incapables d’effectuer un repli défensif sur 20 mètres puissent en parcourir 50 pour donner leur avis sur une action qu’ils n’ont certainement pas pu voir ni comprendre. Nous retrouvons aussi le héros qui arrive les mains dans le dos pour signifier que, pour le moment, il contient sa colère et qu’il ne compte pas asséner de coups vengeurs (à deux doigts de demander une prime pour son fair-play). N’oublions pas le martyr qui pour un coup franc s’adresse à l’autorité sur le terrain comme si les déclarations des droits humains de l’ONU avaient été bafouées. Enfin, l’envahisseur d’espace colle si près l’arbitre qu’il semble vouloir l’inviter à danser.

Une prise de conscience attendue chez les joueurs

Pourtant, une réelle volonté d’améliorer l’environnement autour de l’arbitrage s’est manifestée ces derniers mois, en particulier depuis l’arrivée d’Antony Gautier à la direction nationale. Nous sortons en effet de longues saisons de complaintes quasi unanimes (joueurs, entraîneurs, présidents, consultants de plateaux télé, etc.) envers des arbitres égocentriques, hautains, incapables de reconnaître leur faute capitale. On se rappelle également le discours d’Adil Rami aux trophées UNFP qui suintait la haine et le mépris contre ces scélérats qui refusaient de lui donner le temps de jeu restant. Pour 2023-2024, des mesures ont été adoptées pour faciliter les relations entre les arbitres et le reste des acteurs du foot. Un système a été proposé où seul le capitaine (ou un porte-parole désigné au sein de l’équipe avant le match si le gardien de but porte le brassard) puisse être l’interlocuteur de l’arbitre. La volonté de pédagogie avait été soulignée, face à des personnes qui ne maîtrisent pas forcément toutes les subtilités du règlement ou des interprétations des lois du foot. Le quatrième arbitre a désormais pour mission d’expliciter régulièrement les décisions à l’entraîneur. Enfin, pour alléger ses prises de décision, l’arbitre ne sera plus systématiquement sanctionné dans sa notation s’il change d’avis après visionnage des images.

Bruno Genesio a noté cette évolution positive, comme ce dimanche : « Plus globalement dans l’arbitrage, sur ce que je lis et entends, on va plutôt dans une bonne direction. » Il se réjouit autant de l’état d’esprit que de la prise en compte du temps de jeu effectif. Pour le moment, on ne note aucune prise de conscience chez les joueurs, ni de volonté de fluidifier le déroulement de la rencontre. L’arbitrage ne peut pas seulement reposer sur les arbitres. Cette formule semble paradoxale, mais au cœur du théâtre de cette œuvre sociale et culturelle en construction permanente qu’est un match de 90 minutes, les joueurs ont aussi un rôle essentiel et une responsabilité lourde à endosser. Hormis le ralentissement et la tension ajoutée sur le terrain, les attroupements maintiennent l’illusion, y compris auprès des jeunes dans les clubs amateurs, que mettre la pression sur l’arbitre s’avère aussi important que de casser les lignes sur une passe en profondeur. Plutôt qu’une soumission à une autorité hautaine et incontestable (il est normal de critiquer, et la triche persistera, car d’une certaine façon elle reconnaît la règle), il faudrait présenter cet aggiornamento presque comme une démarche citoyenne, une appropriation afin d’assumer collectivement la lourde charge de la sanction.

Dans cet article :
La révolution du football viendra t-elle d’une start-up ?
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Par Nicolas Kssis-Martov

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