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Ligue 1 : la Ligue des talents porte bien son nom
Trois ans après son lancement sous des quolibets parfois légitimes, le slogan « la Ligue des talents » pour désigner le championnat de France ne fait plus rire personne en ce début de saison de Ligue 1, marqué par l'avènement d'esthètes comme Lucas Paquetá, Téji Savanier ou Dimitri Payet. Sans oublier les autres.
Nous étions à l’aube de la saison 2018-2019 quand l’annonce de la nouvelle signature du championnat de France par la LFP avait légitimement entraîné des moqueries faciles et quelques sourires gênés. « La Ligue des talents », telle était la trouvaille des dirigeants de l’époque pour développer la renommée de la Ligue 1 en Europe (la Farmer’s League, ça dégage) et plus globalement à l’international. Il était question de faire rayonner l’élite hexagonale en mettant en avant l’intégralité de ses acteurs, ou plutôt de ses talents. Une drôle de stratégie à une époque où seuls les habitués légèrement chauvins pouvaient expliquer sans sourciller que le multiplex hebdomadaire était de qualité. Il y avait en vérité le Paris Saint-Germain et les autres, avec des hypes passagères pour animer des week-ends souvent déprimants en matière de jeu. Oui, mais trois ans plus tard, ce slogan finalement prémonitoire ne fait plus rire personne : les artistes ont pris le contrôle d’une Ligue des talents — aucune ironie là-dedans — plus excitante que jamais.
Paquetá, Savanier, Payet : l’avènement des artistes
Les deux premiers mois de cette cuvée 2021-2022 ne sont pas seulement passionnants parce que cinq points séparent le deuxième (Lens) du quatorzième (Clermont) au classement. Le suspense est toujours un élément bienvenu pour donner de l’intérêt au championnat, mais l’effervescence se trouve ailleurs en ce début de saison. Au-delà des ambitions dans le jeu de nombreuses équipes, dont celles a priori destinées à voguer en bas de tableau, l’avènement des artistes sur les pelouses de France et Navarre donne du crédit à la Ligue 1. Ce n’est pas l’histoire d’un week-end par-ci, par-là, c’est une ritournelle : les esthètes ont pris le contrôle de la Ligue 1 et dirigent leurs équipes respectives de main de maître.
Cette dixième journée en a été l’illustration, entre l’entrée électrisante de Lucas Paquetá contre Monaco, le règne de Dimitri Payet au Vélodrome ou la virtuosité de Téji Savanier face au RC Lens de l’impressionnant Seko Fofana. Trois hommes pour gouverner un championnat et séduire tout le monde, à commencer par leurs adversaires, comme Franck Haise, lui aussi ébloui par la prestation du blond peroxydé de la Paillade : « Savanier est un joueur magnifique et je n’ai pas attendu ce soir pour le savoir. Il joue avec beaucoup d’intelligence, de finesse, c’est un top joueur. » La phrase balancée par Savanier en zone mixte après le succès de Montpellier et rapportée par L’Équipe est également révélatrice d’un état d’esprit : « Comme vous le savez, je ne pense pas qu’à moi. » Ces gars-là jouent pour les autres avant de jouer pour eux, c’est-à-dire pour leurs partenaires, mais également pour le public.
Les autres avant le PSG
Ceux qui craignaient de voir la Ligue 1 vampirisée par les stars parisiennes après l’arrivée de Lionel Messi aux côtés de Neymar et Kylian Mbappé cet été peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Si le PSG dispose d’un excellent bilan comptable au quart de la saison (27 points sur 30) — c’est d’ailleurs la petite tache sur ce début de saison, un Paris aussi médiocre ne devrait pas être aussi loin devant —, seul l’international français rivalise avec les véritables étoiles depuis le mois d’août. À eux deux, les compères sud-américains pèsent un petit but (un penalty), soit six de moins qu’au tableau de chasse du seul Gaëtan Laborde, actuel meilleur artilleur du championnat, du Stade rennais et de… Montpellier (à égalité avec Valère Germain, c’est vrai).
Bref, Paris n’est plus seul, même si le classement pourrait nous faire croire le contraire. Paris n’est en tout cas plus la seule équipe à faire rêver, que ce soit collectivement ou de par ses individualités. Les amateurs de la ligue domestique peuvent piocher ailleurs pour se régaler : à Lorient pour déguster les coups francs d’Armand Laurienté ; à Nice pour admirer Amine Gouiri ; à Angers pour se poser devant l’association soyeuse Boufal-Cho ; à Rennes pour découvrir l’incroyable Kamaldeen Sulemana ; à Nantes pour constater les progrès de Ludovic Blas ; à Lille pour se réjouir de l’efficacité retrouvée de Jonathan David ; à Clermont pour le Pascal Gastien ball ; à Troyes pour la polyvalence extraordinaire de Renaud Ripart ; à Strasbourg pour trouver Ludovic Ajorque ; ou même à Bordeaux pour rester bouche bée devant les bijoux de Hwang Ui-jo. Soyons-en sûrs, la Ligue des talents porte désormais très bien son nom.
Par Clément Gavard