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- Portrait du vendredi
Mahdi Camara, vent dans le dos
Auteur d’un triplé le week-end dernier à Strasbourg, Mahdi Camara continue de s’affirmer au sein d’une formation brestoise qui n’est plus vraiment une surprise. Une belle récompense pour celui qui n’a eu de cesse de faire parler sa forte personnalité pour devenir une référence à son poste en Ligue 1.
Kylian Mbappé, Alexandre Lacazette, Jonathan David et donc Mahdi Camara. Sur la pelouse de Strasbourg samedi dernier, le Brestois a glissé son nom dans la liste des joueurs ayant inscrit un triplé cette saison en Ligue 1 (sans oublier son coéquipier Kamory Doumbia, auteur d’un quadruplé fin décembre face à Lorient). Une réussite face au but qui peut surprendre, en particulier au vu du poste et des antécédents de l’ancien Stéphanois, rarement parmi les meilleurs buteurs des équipes dans lesquelles il est passé. Mais qui n’est pas vraiment une surprise pour quiconque a suivi le parcours du joueur né à Martigues. « Je ne suis pas étonné, surtout quand vous voyez la manière dont il marque. Ce sont des frappes sur lesquelles il n’a même pas le temps de réfléchir », glisse Patrick Vandezande, ancien dirigeant des équipes jeunes du FC Martigues et qui a vu le garçon taper dans ses premiers ballons. Une époque où le futur chouchou des Ty Zefs brillait comme attaquant du FCM.
Des gants aux buts
Avant de s’installer dans ce rôle de milieu relayeur, Mahdi Camara a en effet goûté à plusieurs rôles sur un terrain de football. « Il a commencé à cinq ans comme gardien, il était vraiment excellent. Vers 7, 8 ans, l’entraîneur lui a proposé de passer dans le champ et il s’est avéré qu’il était très bon dans le champ aussi », se remémore Patrick Vandezande, dont le fils prend alors la suite entre les bois. Dès lors, c’est offensivement que le jeune homme porte l’une des plus belles générations de jeunes qu’ait connue le club martégal. « C’est devenu le joueur meneur, l’avant-centre que l’on remarquait tout de suite dans cette équipe », précise Vandezande, qui se souvient très bien de cette « Team 98 » (pour l’année de naissance des jeunes qui la composaient), qui règne sur les catégories jeunes du coin avec une finale de coupe de région au passage : « On gagnait tous les tournois que l’on faisait. Mahdi terminait meilleur joueur, on ne remarquait que lui. À l’époque, il n’était pas grand, c’est un adolescent qui a grandi après coup. Cela le faisait dribbler, car son centre de gravité était plus bas. »
2 – Brest est la seule équipe dont 2 joueurs ont marqué au moins 3 buts sur un match de Ligue 1 cette saison (Doumbia v Lorient en décembre, Camara v Strasbourg ce soir). Triplé. #RCSASB29 pic.twitter.com/Glq24WdnZx
— OptaJean (@OptaJean) February 24, 2024
Les années passent, Camara intègre le centre de formation de l’AS Saint-Étienne à 14 ans et se plie peu à peu aux exigences du monde professionnel, abandonnant son côté dribbleur pour faire évoluer son jeu. Sa plus grande progression ? « Je dirais l’instinct de tirer, exactement ce qu’il a fait contre Strasbourg. À l’époque, il aurait essayé de rentrer dans la surface pour aller jusqu’au but et dribbler même le gardien », affirme encore Vandezande. « Il a toujours été attiré par l’aspect offensif, il a toujours aimé se retrouver devant le but, abonde Claude Puel, qui a lancé l’intéressé dans le Forez. Donc, on lui a beaucoup fait travailler les frappes, des situations dans lesquelles il pouvait se retrouver en match et on en faisait beaucoup, pendant des temps spécifiques. » L’entraîneur des Verts teste même les limites de la polyvalence de son joueur, l’alignant parfois comme latéral droit. « Il avait un profil où il pouvait faire la différence sur le côté. Ce n’était pas son truc, il n’était pas très motivé pour jouer là, mais il l’a fait pour l’équipe. À un moment donné, on avait besoin de lui à ce poste et il a répondu présent. »
Tam-tam, maman footeuse et forte personnalité
Une volonté d’œuvrer pour le bien du collectif couplée à un fort tempérament qui a toujours guidé le numéro 45 brestois (un numéro choisi en hommage à l’un de ses amis au centre de formation de l’ASSE) depuis ses débuts dans les Bouches-du-Rhône. « C’est un garçon qui avait énormément de caractère, insiste Vandezande. Il savait ce qu’il voulait. » Avant de souligner l’importance de parents également branchés sport dans son développement, eux qui suivaient l’équipe aux quatre coins de la région. « Son père jouait du tam-tam pendant les tournois, se souvient l’ancien dirigeant. Sa mère jouait dans l’équipe féminine du FC Martigues, c’était la personne indispensable au club. Mahdi ne pouvait que suivre sa maman. Elle fait toujours de la course à pied, elle vient de faire un trail de 25 kilomètres ces jours-ci dans des conditions catastrophiques. Il a une maman très sportive. »
« Je me retrouvais en lui, malgré la jeunesse il avait du caractère, confirme pour sa part Gaël Danic, qui fut son coéquipier à Laval au fil d’un prêt de six mois qui permettra à Camara de faire ses premières preuves au haut niveau, en 2019. Certains diront peut-être que ce n’est pas forcément une bonne chose, mais dans ce milieu-là, si. J’ai énormément apprécié ce caractère un peu fougueux. Il avait parfois des sautes d’humeur, mais c’était toujours fait dans le respect. » Même constat quelques mois plus tard pour Claude Puel, après son retour dans le 42. « Oui, il avait son caractère, mais il était très sociable. Je n’ai jamais eu de soucis avec lui, détaille le technicien. C’est un super joueur à entraîner. Il formait un tandem avec Yvan Neyou, sur le terrain et dans la vie de tous les jours, ils étaient inséparables. » Une personnalité dont le jeune milieu de terrain a su faire une force à différentes étapes de sa carrière pour se frayer un chemin dans le monde professionnel et désormais se révéler peu à peu comme une référence de la Ligue 1 à son poste, à l’âge de 25 ans.
L’option OM et les bons wagons
Si, pour tout jeune Martégal, jouer à l’OM est le graal ultime, Camara, tout juste adolescent, fait un choix de fada. « Toute ma famille supportait l’OM. Mon grand frère (Malal) y a joué, jusqu’en moins de 17 ans. Mais mon père n’a pas supporté qu’il ne soit pas conservé et, du coup, mes parents n’étaient pas très chauds pour que j’aille à l’OM », confiait-il récemment dans les colonnes de L’Équipe. « C’est Marseille qui lui a fait une meilleure proposition de stage », assure pourtant Vandezande, mais le minot prend la direction de Saint-Étienne. Première bonne décision : tout au long de sa carrière, Mahdi Camara s’est imposé comme maître de son propre destin.
Aucun obstacle ne l’empêche de croire en ses rêves de gamin, pas même les difficultés du monde professionnel. Exemple quelques années plus tard avec ce prêt réussi à Laval, avant de finir par passer le cap à l’été 2020 au sein de l’ASSE de Claude Puel. « Le club ne comptait pas sur lui, il devait être prêté ou cédé, rejoue ce dernier. J’ai appris à le connaître et petit à petit, je trouvais qu’il faisait des choses intéressantes. Pour lui, c’était inespéré de pouvoir être en préparation avec nous et finalement, il a cassé des paliers. » Sous ses ordres, Mahdi Camara réalise deux saisons pleines en enchaînant les matchs et les bonnes performances. Et ce, pour le plus grand plaisir de ses supporters qui, en 2021, l’élisent meilleur joueur de la saison.
💬 Le message de @mahdi_camara, élu 𝙢𝙚𝙞𝙡𝙡𝙚𝙪𝙧 𝙟𝙤𝙪𝙚𝙪𝙧 de la saison, au #PeupleVert 💚 pic.twitter.com/eJd5nuP07c
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) June 11, 2021
Après avoir mouillé le maillot vert pendant neuf années et alors que le club est relégué, l’admirateur de Zizou saute dans le wagon brestois pour continuer à fouler les pelouses de Ligue 1. Encore un pari gagnant. Aujourd’hui, Mahdi Camara s’épanouit comme jamais dans le Finistère. Du point de vue de Danic, son profil correspond parfaitement au projet de l’écurie brestoise. « Il n’y a pas de vedette, tout le monde joue à son niveau. C’est pour ça que cette équipe ressemble énormément à Mahdi, et Mahdi ressemble énormément à cette équipe de Brest : elle ne fait pas de bruit, mais c’est une valeur sûre. » En une saison et demie sous la tunique rouge, le néo-Breton s’est rendu indispensable aux côtés de son ami (et adversaire régulier) d’enfance Hugo Magnetti et du MVP Pierre Lees-Melou, dans le milieu à trois d’Eric Roy. « Aujourd’hui, il s’éclate et confirme son très haut niveau. Je ne suis pas du tout étonné de le voir jouer comme ça », apprécie encore son ancien coéquipier chez les Tango. Le fruit de Martigues semble être arrivé à maturité.
Par Tom Binet et Tom Novak
Tous propos recueillis par TB et TN, sauf ceux de Mahdi Camara.