- Ligue 1
- J32
- Metz-Rennes (2-3)
L’arbitrage français : tragique système
L’arbitre est peut-être l’un des acteurs les plus décisifs et commentés cette saison en Ligue 1. Metz en a fait la douloureuse expérience après sa défaite contre Rennes et avec l’expulsion très sévère, sinon injuste, de Georges Mikautadze, malgré l’alerte de la VAR. Au-delà des arbitres, c’est un système qui pose question.
Ruddy Buquet n’a pas changé d’avis. Après avoir sorti un carton rouge contre Georges Mikautadze, pour un petit accrochage avec Arnaud Kalimuendo dans le temps additionnel du match contre Rennes ce samedi, et malgré l’appel de la VAR, il n’a pas souhaité revenir sur ce soupçon d’« erreur manifeste ». Une double peine pour le FC Metz, renversé dans cette rencontre et barragiste à trois points du Havre après la défaite, mais surtout privé de son meilleur élément, son Roi, pour le déplacement à Strasbourg le week-end prochain, du moins dans l’attente de la décision de la commission de discipline.
Seul espoir pour les Lorrains, leurs frères ennemis alsaciens, assurés du maintien, se sentent déjà « en vacances », selon les propres mots dépités de Patrick Vieira. C’est donc peu dire que les Grenats ruminent leur rancœur, et que cette rencontre, en outre entachée d’un penalty douteux, risque d’être considérée en cas de relégation, comme une profonde injustice. László Bölöni ne savait plus à quel saint se vouer : « Je ne sais pas si je dois hurler, pleurer, rigoler. Je ne peux pas commenter. Est-ce que je suis vraiment prêt à vous parler et dire ce que je ressens, ce que j’ai sur le cœur ? (…) Si on a la VAR, utilisez-la ! »
La crise est totale
Ce scandale ne constitue de fait qu’une énième péripétie de ce fatigant et long mélodrame de l’arbitrage cette saison, digne des télénovelas brésiliennes. Une saison marquée par la litanie généralisée envers des arbitres jugés hautains ou mauvais, sinon les deux, hermétiques à la critique ou à la remise en question. La gestion des instances s’en révèle par ailleurs calamiteuse. Récemment, Jérémie Pignard s’est retrouvé sur la touche après une prestation médiocre lors de Marseille-Nice, en guise de victime expiatoire pour calmer la colère du foot pro. Nous avons rarement ressenti à ce point ce sentiment que l’arbitre représentait le centre de gravité du jeu, qu’il décidait du score ou du classement général. Une impression diffuse qui entretient un malaise et une crise profonde sur la place de l’homme en noir, avec évidemment la part de mauvaise foi et de victimisation facile du côté des clubs et des entraîneurs.
Parmi les dossiers qui triturent le cortex de la Ligue 1, on trouve encore et toujours la question de l’arbitrage vidéo, son utilité et son utilisation. Ancien sifflet, consultant auprès de L’Équipe, et par ailleurs en conflit ouvert avec la FFF en tant que président de la Ligue de Nouvelle-Aquitaine, Saïd Ennjimi ne cesse d’en dénoncer l’organisation, et surtout sa logique punitive. L’arbitre central corrige un jugement, il perd des points et en crédibilité. Si la VAR n’est pas suivie, les assistants derrière leur écran sont mal notés. Ce fonctionnement instaure un petit règne de la peur autant réglementaire que culturel. L’amertume s’avère d’autant plus grande devant les matchs de Ligue des champions, durant lesquels les arbitres (à commencer par M. Turpin, salué après sa prestation lors de Bayern-Real) paraissent clairement raisonner et juger autrement, avec l’aide de l’attitude différente des 22 protagonistes sur la pelouse.
Du changement, quel changement ?
Bien sûr, rien n’oblige à changer de point de vue dès que l’oreillette bourdonne, et après tout, on ne peut critiquer la foi aveugle dans l’objectivité de l’image sans reconnaître le droit à l’interprétation et à la subjectivité humaine. Mais on aimerait croire que les décisions ne puissent pas être parfois motivées par la volonté de protéger sa carrière ou ses revenus… Le piège qui se referme est terrible. L’arbitre central demeure seul maître à bord, alors que la VAR accentue concrètement le doute sur le moindre coup de sifflet. Étrange paradoxe, l’homme ou la femme en noir paraît ne jamais avoir été aussi puissant, en ayant perdu en quelque sorte sa couronne.
Dans le même temps, la Direction de l’arbitrage continue de nous vendre le storytelling d’une modernisation en cours, d’une ouverture de l’arbitrage sur le monde (par exemple via la sonorisation), d’une volonté de « clarification ». En août dernier, déjà, Stéphane Lannoy annonçait les objectifs et les nouvelles directives pour la saison à venir : « On ne veut pas robotiser l’arbitrage. Chacun doit avoir sa propre personnalité et son propre management. » Il a été remercié depuis. Rien n’a changé… Et nombre de matchs vont être forcément tendus pour les deux dernières journées, tant dans la lutte pour le maintien que dans la course à l’Europe.
Par Nicolas Kssis-Martov