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L’horloge de Verratti
Appelé pour la première fois de l’ère Mancini en équipe d’Italie, Marco Verratti est, à 25 ans, à un tournant de son histoire internationale alors que son étiquette de nouveau Pirlo semble avoir (enfin) été arrachée pour de bon. Aujourd’hui, le milieu du PSG doit simplement être Verratti et prendre les clés d’une Nazionale en quête d’un socle d'expérience.
En pleine tempête, Arrigo Sacchi avait prévenu : « Ici, en Italie, nous jouons toujours comme dans les années 1970. Nous ne pensons qu’à gagner, pas à produire du beau jeu.(…)Pendant des siècles, nous avons été occupés. Notre seule façon de survivre, c’était la fuite et la ruse. Nous jouons au football comme nous faisons la guerre : en profitant des erreurs de l’adversaire. Le football est un reflet de la société. Et l’Italie est un vieux pays en crise, avec peu d’idées. » Une vieille histoire que celle d’une Italie construite pour les vieux, par les vieux, en fonction de l’intérêt de ses vieux. Ainsi, comment s’en sortir alors que, pour la première fois de son histoire, le pays a déboulé à la rentrée internationale sans apparaître dans le top 20 du classement FIFA ? En retournant la table : Roberto Mancini, sélectionneur d’une Nazionale devenue chantier permanent, l’a promis.
Alors, en avant, même si ce dernier connaît le problème central de l’affaire : « Le mot patience ne fait pas partie du vocabulaire italien, nous sommes habitués à vivre sous la critique. » Mancini, lui, refuse de flancher et préfère assumer un « chemin [qui] ne sera pas facile » . Ses débuts n’ont pas dit le contraire, la Nazionale n’ayant remporté qu’une rencontre (face à l’Arabie saoudite 2-1, le 28 mai) depuis son arrivée au printemps et ayant attaqué la Ligue des nations par un nul triste face à la Pologne (1-1) et une défaite logique au Portugal (1-0). Une révolution alors ? Mais quelle révolution ? Celle d’une jeunesse au pouvoir, justement.
Le « joueur vide »
Pour certains cadres (Buffon, Barzagli, De Rossi), l’arrivée de Mancini a donc sifflé la fin des voyages, même si le troisième nommé pourrait revenir filer un coup de main pour quelques matchs décisifs. S’il avait fallu se convaincre qu’il y aurait une vie après Pirlo, il faut désormais ouvrir la page de celle avec Marco Verratti, de retour en sélection pour la réception de l’Ukraine mercredi soir, à Gênes, et le déplacement en Pologne dimanche. La raison est simple : à 25 ans, le milieu du PSG ne peut plus attendre et a déjà manqué trop de bascules (l’Euro 2016, le barrage retour face à la Suède). Après la défaite à Solna (1-0), le 10 novembre 2017, c’est d’ailleurs lui qui avait pris pour ses potes, la presse italienne n’hésitant pas à le qualifier de « joueur vide » ou de « poisson hors de l’eau » une fois le maillot de la sélection nationale enfilée. Un paradoxe et une représentation des mots de Sacchi.
Le besoin d’un dictator
Il y a quelques années, Verratti avait d’ailleurs prévu le coup en n’hésitant pas à avouer savoir à l’avance qu’un jour, « tout le monde lui tomberait dessus » à la première chute. Détail : avec l’Italie, le joueur parisien n’a quasiment jamais eu de hauts, au point d’aimanter les critiques et de multiplier les casse-tête des différents sélectionneurs. La raison est dans le système, premièrement, mais aussi dans la gestion du poids des attentes. Reste qu’aujourd’hui, Marco Verratti sait aussi que son heure doit arriver, maintenant que ses problèmes physiques semblent être derrière lui et alors qu’il porte, dans ce groupe, un rôle de socle d’expérience. Son début de saison est d’ailleurs une merveille : après une reprise millimétrée par Thomas Tuchel, il est revenu face à l’Étoile rouge de Belgrade et a de suite régalé, en rendant une copie pro-active au milieu du pressing à la perte imposée par le technicien allemand. Ce qui a donné, dans les chiffres, plus de 152 ballons joués aux côtés de Rabiot, 92% de passes réussies, un seul ballon perdu et surtout, dans les faits, une palette plus propre.
Avec Tuchel, Verratti avance définitivement dans le sens du jeu, ce qu’a confirmé son match face à l’OL dimanche, où il a une nouvelle fois brillé alors que le PSG a énormément peiné à se sortir du pressing lyonnais et a accepté de ne pas « contrôler » la rencontre. L’Allemand est déjà sous le charme, ne s’en cache pas, là où Mancini a tout mis en œuvre pour le faire venir au bon moment, afin de l’intégrer aux côtés de Jorginho. La réception de l’Ukraine doit être un tournant au milieu d’un vivier assez inexpérimenté, la récupération des manettes par le dictator : un homme qui gère le rythme de son équipe, d’une manière totalement opposée à ce que pouvait proposer Andrea Pirlo, assure la construction du jeu et équilibre l’ensemble. Verratti en a les épaules et l’horloge tourne : à 25 ans et 25 sélections, mieux vaut vivre que survivre.
Par Maxime Brigand
Propos d'Arrigo Sacchi tirés de Sport Foot.