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L’homme qui tombe à pic
Comme d’autres rois du timing, Albin Ekdal s’est blessé à quelques jours de l’annonce de la liste des 23 joueurs suédois retenus pour l’Euro. Une balafre de 20 centimètres de long barre désormais son dos, après avoir chuté sur une table en verre. Tout ça à cause d’un faux pas en boîte de nuit...
C’est du 50-50. C’est du moins ce qu’estiment tous les journaux suédois, passionnés par cette course contre la montre d’un genre nouveau. Face au temps, un homme : Albin Ekdal. Gravement blessé au dos, nul ne sait encore si le talentueux milieu du SV Hambourg, sélectionné dans une liste provisoire, pourra tenir sa place à l’Euro. En attendant la sélection définitive, qui sera dévoilée au plus tard le 31 mai, les pronostics sont réservés, les enchères montent. « Nous n’avons pas vraiment besoin de prendre une décision tout de suite » , a dédramatisé Erik Hamrèn, le sélectionneur des Vikings, qui compte sur Albin pour épauler Kim Kalllström et Oscar Hiljemar dans un milieu à trois : « Nous allons voir comment sa blessure évolue. En ce moment, je ne vous cache pas que nous sommes face à un grand point d’interrogation. » Mystère et suspense. Le joueur de 26 ans, lui, se veut optimiste, depuis son lit d’hôpital, où il mâchouille des plateaux repas lyophilisés : « Le diagnostic des médecins est encourageant. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour jouer le championnat d’Europe, que j’attends avec impatience depuis longtemps. »
Soirée au Cristal
Derrière ce drame humain, une histoire sordide de faux pas en boîte de nuit. Tout commence dans la soirée du samedi 7 mai dernier. Au sortir d’une courte défaite 1-0 à Wolfsburg, les Rothosen savourent un maintien acquis dans la douleur. Histoire de célébrer, Albin se rend discrètement avec quatre de ses coéquipiers et leurs copines dans une discothèque d’Hambourg, bien décidé à relâcher un peu la pression accumulée ces derniers mois. Un peu trop même. La suite, c’est un accident d’ores et déjà entré dans la légende des blessures stupides du ballon rond, au même titre que Santiago Cañizares qui s’était coupé le tendon en jonglant avec un flacon de parfum, ou Yoann Gourcuff, qui s’était fait une entorse en promenant son chien. « À un moment donné, je me suis retrouvé dans une pièce exiguë, avec beaucoup de monde » , a brillamment détaillé le principal intéressé, dans un message délicieux posté sur son compte Twitter : « Sans le savoir, je tournais le dos à un escalier. Malheureusement, j’ai fait un pas en arrière et je suis tombé. » Lourdement. Et pas n’importe où : sur une table en verre, que quelqu’un de négligent avait sans doute laissé traîner.
Une balafre de 20 centimètres
Le bilan des courses est plutôt salé : le suédois au visage angélique s’est lacéré le dos sur plus de vingt centimètres, avec des entailles profondes par endroit. « J’ai commencé à saigner abondamment » , a poursuivi notre héros malheureux, qui s’en sort paradoxalement assez bien : « J’ai dû aller en urgence à l’hôpital pour faire des points de suture. » Peu d’éléments ont filtré sur le potentiel artistique de la chute en question. En revanche, le timing parfait de l’ensemble a mis tous les observateurs d’accord, à quatre jours de l’annonce de la liste pour l’Euro. « Il s’est découpé l’omoplate. La blessure est profonde, mais je ne sais pas à quelle profondeur exactement. Mais c’est juste une blessure de chair » , a déclaré Till Müller, l’attaché de presse du HSV, où Albin Ekdal a passé une première saison mitigée, ponctuée de seulement 14 apparitions. Déjà en raison d’une blessure – à la cheville cette fois – qui l’a lourdement handicapé dès le mois d’octobre, mais qui n’avait jusqu’alors pas compromis sa participation à l’Euro.
Sans alcool, la fête est plus folle
Derrière le plongeon – superbe – une question demeure : Albin était-il dopé ? Le performeur passé par la Juventus, Bologne et Cagliari assure que non, à qui veut l’entendre : « C’était un accident. Je n’étais ni en état d’ivresse, ni impliqué dans une bagarre. » Difficile à croire, et pourtant, sa réputation parle pour lui. De l’avis de tous, Albin est un garçon sérieux, discret et mature. Pas le genre à flamber avec deux bouteilles de champagne sur une table, entouré de michetonneuses. « Il est si professionnel que je ne peux même pas l’imaginer ivre comme un coing » , l’a défendu Till Müller, touchant. « Je comprends que les gens, lorsqu’ils entendent qu’un footballeur s’est découpé sur une table en verre lors d’une soirée en discothèque, pensent directement qu’il était déchiré, mais dans le cas d’Albin, c’est impensable. » Du coup, la présomption d’innocence bat son plein, et le joueur, régulièrement sélectionné depuis fin 2013, garde une chance de fouler la pelouse du stade de France, contre l’Irlande, le 13 juin prochain. Qui sait ? Peut-être marquera-t-il un but important pour son grand retour. Après tout, il est l’homme qui tombe à pic.
Par Christophe Gleizes
Tout propos recueillis dans Expressen et SVT sport