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L’homme qui se rêvait en poète de l’Atlético
Quand certains se rêvent en joueur de leur équipe de cœur, d’autres veulent en être le poète. C’est le cas de Miguel Gonzalez, Madrilène aux presque 50 ans, qui a fait de sa volonté d’être le poète officiel de l’Atlético de Madrid l’objectif de sa vie. Rencontre.
Calle de Tolède, Gran Via, Malasaña, Lavapiés. Quatre lieux atypiques qui racontent, à leur façon, Madrid la castillane. Car, entre une artère qui part de la Plaza Mayor pour descendre, plus au sud, jusqu’aux rives du Manzanares, une avenue qui s’apparente aux Champs-Élysées locaux, et deux quartiers à l’ambiance bohème où se mêlent artistes, immigration et jeunesse festive, c’est un panorama assez complet de l’identité madrilène qu’offrent ces lieux. Miguel Gonzalez, pour sa part, y fait partie des meubles, lui qui passe ses journées à déambuler entre ces différents quartiers.
« Mon enfance, je l’ai passé dans ces rues de Madrid, je suis né et j’ai été conçu dans la capitale, dans un quartier proche du Rastro (marché aux puces le plus vieux d’Espagne, ndlr), précise-t-il du haut de ses cinquante printemps. J’y suis resté jusqu’à mes 15 ans. C’était une enfance normale pour un gamin du quartier qui passait son temps à jouer au foot. » Un ballon rond qu’il détourne au profit de son autre passion, la poésie. À tel point qu’il milite, depuis bientôt 26 ans, pour devenir le poète officiel de l’Atlético de Madrid.
« Je suis allé voir Jesus Gil, ils m’ont pris pour un fou »
« Lorsque j’avais 23 ans, j’ai rencontré une fille dont je suis tombé illico amoureux. C’était lors d’un stage. Par un instinct primaire, j’ai commencé à lui écrire. Quand j’ai lu mes premières lignes, je me suis dit : « Ces vers ont du sens, de la rime, de la saveur, c’est de la poésie. » La fille m’a tout de même mis un râteau, mais j’ai découvert mon chemin. »
Maudit dès ses débuts, Miguel le poète quitte alors son train-train quotidien pour une vie de bohème. Entre la capitale, qu’il quitte à l’adolescence, et Huelva, d’où est originaire sa mère, il cherche un succès qui le fuit inexorablement. C’est alors qu’il décide de mêler ses textes rythmés à sa seconde passion, celle du ballon rond. La fleur au fusil, il remonte alors vers sa ville natale en quête d’un projet autant audacieux que fou : « J’étais arrivé à une impasse dans ma vie. Comme je suis une personne avec des idées plutôt valides, je suis allé à Madrid avec mes poèmes colchoneros pour parler avec Jesus Gil, le président de l’Atlético, pour lui proposer qu’il m’engage en tant que poète officiel du club, qui est un travail comme les autres. Quand je suis arrivé là-bas, ils m’ont pris pour un fou. »
La passion dévorante de Miguel Gonzalez pour le fanion rojiblanco remonte, là encore, à son enfance passée dans les dédales madrilènes : « J’ai grandi aux abords de la rue de Tolède, là où on entend les buts de l’Atlético à la fenêtre avant de les voir à la télé. J’ai été bercé au son des exploits et des malheurs de l’Atlético. » Cet amour simple se retrouve dans son logement, situé à quelques pas de Gran Via. Entre des encyclopédies en pagaille et des livres qui repeignent les murs, tout le bric-à-brac du sieur Gonzalez reprend les couleurs rouge et blanche.
De la gomme aux stylos, des photos aux serviettes, la teinte rojiblanca fleurit à travers tout son studio. Sans surprise, son deuxième recueil de poèmes publié en 2001 s’intitule Poemas Colchoneros. Aujourd’hui auteur de quatre livres, il est son « propre employeur, commissionnaire et vendeur » et tente d’être distribué dans les librairies madrilènes : « Je suis aussi mon éditeur, je fais attention à ce que tous mes vers soient classés dans le Registre de propriété intellectuelle. Imagine qu’Alejandro Sanz (chanteur espagnol à succès, ndlr) copie l’une de mes poésies et vende des millions de disques. »
Pétition et psychologie
Avant d’espérer un succès qui le couvrirait de gloire et de millions d’euros, Miguel Gonzalez tente de faire gonfler sa cote de popularité aux abords du Vicente-Calderón.
Dès qu’il le peut, il se rend ainsi aux portes de l’antre de l’Atlético de Madrid et y milite pour sa cause. Entre quelques vociférations et lecture de ses proses, il propose aux supporters colchoneros de signer sa pétition : « Atléticos ! Vous souhaitez que l’Atléti ait un poète ? Signez ici et nous y arriverons. Aupa Atléti ! Pour toujours Atléti ! » Pour l’heure, son succès reste des plus modestes, même si, lors du titre de Liga de 2014 des hommes de Diego Simeone, il a réussi à vendre quelques poèmes à As et s’est rendu sur le plateau de Telemadrid pour y susurrer quelques vers.
Depuis, il attend un nouveau sacre rojiblanco pour (re)trouver le haut de l’affiche, mais ne cache pas quelques doutes : « L’équipe se met en branle tous les 20 ans. Notre psychologie est ainsi faite, gagner contre le Barça et le Bayern et perdre contre Levante. Mais l’histoire nous doit une Ligue des champions. » Victoire à Milan ou pas, l’Atlético a en tout cas déjà son poète qui n’en attend plus que l’officialisation.
Par Robin Delorme