- 22 mars
- Journée internationale de l’eau
L’histoire de Guy Roux et sa pub Cristaline
Personne ne le sait, mais le 22 mars est la journée internationale de l’eau. Une manière de rappeler au monde entier la nécessité de prendre soin de cette ressource vitale. Mais l'occasion surtout de se souvenir de Guy Roux, acteur émérite dans une publicité pour Cristaline.
Au début du XXIe siècle, Auxerre est encore une place forte du football français. Le club joue en Ligue 1 et flirte même avec la première moitié de tableau. En même temps, l’AJA compte alors dans ses rangs des mecs comme Fabien Cool, Jean-Alain Boumsong, Philippe Mexès, Yann Lachuer, Olivier Kapo, Khalilou Fadiga ou encore Djibril Cissé. Bref, du beau monde, et c’est en toute logique donc que Guy Roux connaît son heure de gloire sportive, mais aussi et surtout, artistique. L’homme au bonnet a la réputation d’être un peu pingre, mais il est surtout très bon comédien. Il n’hésite donc pas une seule seconde devant des propositions du gratin de la publicité française. La Poste, Bouygues Telecom, Citroën… Il enchaîne les rôles, toujours plus profonds les uns que les autres, et connaîtra un pic avec Cristaline, sans aucun doute.
Roux cool
Le point de départ de cette double vie, c’est Business, une agence de stars qui le repère après qu’il a tourné un spot pour un engrais. Un de ses clients, Isogard-Système, qui vend des alarmes sans fil à Lyon, a besoin d’une « gueule » .
Et face à un chèque de 600 00 francs, Guy Roux n’hésite pas longtemps. Avec beaucoup d’innocence, il raconte alors au magazine Stratégies son premier tournage : « Il y avait une très jolie actrice, une Suédoise. Dans le film, elle me demandait si je pouvais surveiller sa maison, je lui répondais que non parce que j’étais en déplacement, avant de lui dire :« Faites comme moi, installez une Isogard ! » Le tournage a duré deux jours, c’était une pub très soignée. » Mais un échec cuisant. Le patron de l’époque avoue n’avoir pas constaté de différence de ventes entre l’avant et l’après-Guy Roux. Tout l’inverse des courts-métrages à vocation commerciale de Nomad, La Poste ou encore Citroën qui cartonnent avec l’Auxerrois. L’agence Business avait flairé le bon coup, mais s’est fait devancer. Elle n’a pas dit son dernier mot.
Janvier 2002, alors que Guy Roux a de gros problèmes cardiaques, il est de nouveau contacté par l’agence Business, désireuse d’une seconde chance et ultra confiante quant aux capacités commerciales du spécimen. Elle organise donc un casting pour leur nouveau client, Cristaline, et selon elle, il n’y a pas l’ombre d’un doute : simple, sauvage, franchouillard, en lien avec le monde du sport, le Bourguignon est l’homme de la situation. Il l’est encore plus après un Auxerre-Lorient, un match pendant lequel le coach auxerrois a distribué Cristaline sur Cristaline à ses joueurs. La marque deviendra même sponsor officiel du club. Et puis, depuis ses débuts à la télévision, Guy Roux a aussi bénéficié d’un sérieux coup de pouce quant à sa notoriété. Il est devenu l’une des cibles privilégiées des Guignols, ce qui a largement contribué à le rendre sympathique aux yeux du public.
Deux nuances de Guy
Bref, sans trop galérer, Business convainc donc Guy Roux, pour le rôle principal, et Gérard Ruffin, un photographe sportif, pour la réalisation.
La publicité ne se veut pas révolutionnaire, la boîte n’a pas énormément de budget, il faut donc tout tourner rapidement. En une matinée exactement, selon Gérard Ruffin : « On a à peine eu le temps de se serrer la main qu’il a fallu commencer à tourner. Et puis, on ne pouvait pas faire cinquante prises. » Mais ce n’est pas tout. Gerard doit surtout aider Guy Roux, très à cheval sur son texte et son jeu, à rester naturel : « Effectivement, ce n’était pas très facile avec lui. Guy Roux, ce n’est pas un comédien. On ne peut pas dire qu’il était très brillant dans toutes ses précédentes pubs. Mais bon, j’imagine que c’est pour ça que l’agence l’a choisi. Sa maladresse, c’est ce qui faisait son charme. »
Alors, au milieu de ses jeunes du centre de formation – il ne voulait pas impliquer les joueurs pro et n’en a jamais vraiment parlé avec eux, selon Yann Lachuer – Guy Roux récite son texte comme s’il était né sur scène : « La Cristaline et moi, on est inséparables… Oh malheureux, doucement avec la Cristaline ! Elle est si bonne… Cristaline, ça coule de source. » Il faudra finalement une vingtaine de prises à Gérard Ruffin pour pondre deux versions de la publicité.
Deux nuances de Guy, pour deux fois plus de bonheur.
Finalement, aussi incroyable que cela puisse paraître et sans trop que l’on sache pourquoi, cette nouvelle publicité marchera encore mieux que les précédentes et restera gravée dans les mémoires. Tout le monde y trouvera son compte : Cristaline doublera Évian en matière de vente, Guy Roux touchera 100 000 euros pour douze secondes de rendu, le court-métrage sera re-diffusé quelques années plus tard et même réédité en 2008. Un événement que commentera en amont Pierre Papillaud, président de Cristaline, au courant du fait qu’il va banquer et qui n’hésite donc pas à acérer la réputation du Bourguignon : « Le montant de notre prochain contrat avec lui risque d’être plus élevé… Surtout qu’il compte bien, le bougre ! Mais je ne crache pas dans la soupe : Guy Roux, c’est positif. »
Mais le mot de la fin, toujours dans Stratégies, est forcément pour Guy Roux : « Des jeunes comme Cissé, par exemple, on n’en manque pas. En revanche, des vieux dans mon genre, avec ma tronche, comme disent les publicitaires, c’est plutôt rare. » Guy Roux est bankable. Il le sait. Et il en a profité tant qu’il le pouvait. CQFD.
Par Ugo Bocchi