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L’heureux paradoxe Griezmann

Par Robin Delorme
4 minutes
L’heureux paradoxe Griezmann

Joueur raffiné et de toque, Antoine Griezmann n’en demeure pas moins la star de deux équipes au style plus rudimentaire que spectaculaire. Un paradoxe, vu son profil tout en technicité et intelligence, qui n’est pas loin de devenir son meilleur atout à l’Atlético aussi bien qu’avec les Bleus.

Lorsqu’il quitte son cocon de San Sebastián à l’été 2014, Antoine Griezmann n’est plus le petit garçon chétif qui, quelques années plus tôt, débarquait de l’autre côté des Pyrénées. Idem, il n’est pas encore ce candidat au Ballon d’or, capable sur un éclair de faire vaciller le champion du monde allemand. Son arrivée à l’Atlético de Madrid, dans un Vicente-Calderón plein pour moitié, le fait alors entrer dans une nouvelle dimension : celle de la Ligue des champions et des courses aux titres, des records personnels et collectifs. Sur le plan stricto sensu du terrain, « il a surtout appris à jouer un autre football, plus rugueux qu’en toucher, plus tactique que fou-fou » , abonde son ancien comparse txuri-urdin David Zurutuza. Pour sûr, avec un nouveau commandant de bord répondant au blase de Diego Simeone, le petit gars de Mâcon s’assure une mue profonde et décisive dans sa progression. À l’instar du style appliqué par Didier Deschamps, celui du Cholo lui a permis de franchir un nouveau palier dans la hiérarchie des attaquants de stature mondiale aptes à faire chavirer des rencontres. Et le meilleur est encore à venir.

Du sacrifice uruguayen au recentrage argentin

Le « manque d’air lors des premiers entraînements » et les remontrances publiques de Diego Simeone – « Le jeune joueur important qu’il est doit commencer à devenir un homme et un footballeur important  » – marquent le début de l’ère colchonero d’Antoine Griezmann. Des prémices compliquées qui trouvent une explication limpide selon David Zurutuza : « En arrivant à l’Atlético, il a découvert une autre façon de jouer au football, complètement différente de ce qu’il avait pu apprendre ici, à San Sebastián, et bien loin du tiki-taka barcelonais ou des arabesques madridistas » . En somme, il apprend à souffrir, en silence, et à enchaîner les efforts, en premier défenseur qu’il est du système du Cholo. Autant de préceptes à enregistrer et à appliquer qui le mènent dans les bras des amateurs de la garra charrúa. Aux côtés de nombreux compagnons de vestiaires made in Uruguay, il sirote du maté au gré des directives de Diego Godín et José María Giménez. Des conseils avisés « qui lui ont appris à souffrir sans le ballon et à enchaîner les efforts sans rechigner » , plussoie son ancien coéquipier de la Real.

Autant caution technique que premier chien de garde du pressing de l’Atlético, il se reconstruit également un poste, loin des côtés sur lesquels il évoluait au Pays basque : « Antoine a déjà joué en neuf et demi ou en second attaquant à la Real Sociedad. Chez nous, il avait un rôle d’ailier, mais il était en réalité une seconde pointe. Ce n’est pas un ailier qui va prendre le ballon, déborder, puis centrer. Non, Antoine est un joueur bien plus vertical, qui se retrouve très souvent dans la surface de réparation. » Un profil rare dans l’effectif rojiblanco dont le Cholo Simeone tente de maximiser le rendement. Couplé à une intelligence rare dans l’art du déplacement, Antoine Griezmann se révèle en arme létale des Matelassiers, comme le valide son comparse Koke : « C’est un joueur de rupture, qui nous offre des options que nous n’avions pas : plus de vitesse, plus de technique. Que ce soit en pointe ou en soutien de l’attaquant, il se place toujours au bon endroit pour offrir une solution. » Un véritable poison pour les adversaires du Français qui ne cesse de naviguer, toujours verticalement, entre la zone de sa pointe et celle de ses milieux.

Deschamps : « Il est généreux et nous permet de rester compact »

Joueur beaucoup plus complet depuis sa prise en charge et son recentrage par Diego Simeone, Antoine Griezmann ne jouissait pas du même statut en équipe de France. Plus conservateur qu’aventurier, Didier Deschamps le fait ainsi entamer son Euro à un poste d’ailier qui ne lui est plus familier. Quelques tâtonnements et une frayeur face à l’Irlande plus tard, il retrouve son poste en soutien de l’attaquant – Giroud en remplacement de Fernando Torres – et ses sensations. Mieux, ce changement de position ne varie en rien l’équilibre de l’équipe : « Il n’est pas qu’un grand joueur capable de marquer des différences, il est en plus généreux en défense et nous permet de rester compact. Il arrive à rendre meilleurs ceux qui jouent à ses côtés. » Là où d’autres cracks mondiaux préfèrent s’absenter lors des tâches défensives, lui ne rechigne jamais à aller au pressing et à s’arracher, quitte à y laisser quelques plumes. Homme de paradoxes, donc, le Français aux tout juste 25 printemps fait autant l’étalage de son intelligence sur les prés que dans ses choix de carrière. La France et Didier Deschamps le remercient.

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