ACTU MERCATO
L’héritage espagnol de Xabi Alonso
Et il s'en est allé par la grande porte... Comment aurait-il pu faire autrement ? Malgré ses années anglaises, c'est un vide immense que laisse Xabi Alonso en Espagne. Entre héritage de la Roja et vide à combler au Real Madrid.
Une journée qui en vaut deux. Ou dix. Ce mercredi 27 août a été chargé d’émotions en tout genre pour Xabi Alonso. Dans l’après-midi, via un communiqué publié sur Twitter, la barbe rousse la plus en vogue d’Espagne a dit adios à la Roja. « Le plus difficile est de savoir quand dire adieu. Après y avoir beaucoup réfléchi, je crois que ce moment est venu. » Après 11 ans et 114 capes, il laisse un héritage considérable à ses successeurs. Moins attendu, en début de soirée, Xabi annonce que le Basque s’apprête à tirer un trait sur sa période au Real Madrid. Une information de suite relayée par le Bayern Munich : oui, il s’apprête à signer pour deux ans en Bavière. Fair-play, la direction merengue ne s’y oppose pas par « amitié et respect » , affirme-t-on à haute voix dans les arcanes du Santiago Bernabéu. De ces deux adieux, le problème est bien plus épineux pour Carlo Ancelotti qui avait fait de son milieu de terrain la pierre angulaire de son si cher « équilibre » . Vicente del Bosque, pour sa part, s’attardera seulement à faire perdurer la tradition des milieux à la Xabi.
Adieu à « l’un des héros »
« L’un des héros s’en va. Il a toujours été un joueur d’équipe, avec de la personnalité, et il laisse un héritage fantastique à la Fédération, comme joueur et comme personne. » Difficile de faire plus élogieux que Vicente del Bosque. En évoquant l’héritage de Xabi Alonso, Vincent la belle moustache a visé juste. Il y a la panoplie de titres, bien entendu : deux Euros et un Mondial. Et puis le jeu. Aux côtés de Xavi, Xabi était l’essence même de cette Roja – Iniesta en étant l’artiste, Casillas le gardien du temple. De la justesse, de la vision, du vice : il était le pendant idoine du cerebro de Barcelone. Souvent dans l’ombre, il a également connu ses jours de gloire personnelle. Comme ce quart de finale de l’Euro 2012 face à la France durant lequel il avait été l’unique buteur (2-0). Pendant une décennie, sa présence était une obligation pour ne pas désordonner la belle mécanique espagnole. Son Mondial brésilien a sonné le glas de son époque dorée. Toujours avec classe, il laisse une place vacante. Un vide dont devront profiter Iturraspe, Illarramendi et Thiago Alcántara pour s’émanciper. Des soupapes de secours cinq étoiles, donc.
Avec le Real Madrid, l’adieu est un iota moins idyllique. Son départ se fait pourtant avec élégance. Reconnaissant, le club lui accorde un bon de sortie à hauteur de huit millions d’euros. Une forme de remerciement pour un joueur au comportement irréprochable. Mais il ne peut cacher une certaine amertume dans le madridismo. Beaucoup de madridistas pointent du doigt son départ. Pour certains, il s’agit du dernier mourinhista – partisan de José Mourinho en VF – à quitter le navire. Pour d’autres, Xabi paie la dégradation de sa relation avec Iker Casillas. Mais tous se rejoignent sur un point : après avoir prolongé son contrat l’hiver dernier, son transfert est un imprévu du mercato. À quelques jours de la fin du marché, la direction du Real doit s’activer. La piste Luiz Gustavo n’excite personne et les doutes laissés par Asier Illarramendi la saison dernière ne se sont pas encore évanouis. Surtout, Xabi Alonso était un joueur chéri par le Santiago Bernabéu. Il n’est pas du cru, n’y a passé « que » cinq saisons. Mais son importance a été des plus capitales dans la course effrénée à la Décima.
Pas d’équilibre sans professeur
Carlo Ancelotti est également un amoureux du Basque. Avec la vente de son Profesor – sobriquet explicite que lui a collé l’entraîneur italien – il va devoir réinventer son milieu. La venue de Toni Kroos en début d’été est un cadeau dont aucun coach ne peut se plaindre. Mais le poste de prédilection de l’Allemand ne se trouve pas devant la défense. L’an dernier, déjà, Carlito n’avait pu se passer d’Alonso. Blessé pour la reprise, il avait laissé à Illarramendi le luxe de s’imposer en sentinelle. Un fardeau, plutôt. Le retour de Barbe-rousse a remis la machine meringue en ordre de marche. Rapidement, il est devenu la clé de voûte du système d’Ancelotti. Car l’Italien est un équilibriste. Plus que du mouvement, des combinaisons ou encore des contre-attaques, il trouve la quintessence de son coaching par l’équilibre, cette alchimie délicate entre jeu offensif et défensif. En janvier dernier, après sa prolongation, Xabi avait d’ailleurs avancé que « Carlo Ancelotti avait été un facteur décisif » dans sa décision. Depuis, avec la conquête de la Décima, une boucle s’est bouclée. Xabi est reparti d’Espagne comme il est arrivé, avec une Ligue des champions dans la besace. Et une carrière qui en vaut dix.
Par Robin Delorme, à Madrid