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Vincent Labrune, le roi de la verrouille
Tout au long de son mandat, le président de la LFP Vincent Labrune a réussi à limiter les critiques en s’appuyant sur un noyau de grognards ou en faisant voter une modification des statuts en sa faveur. Ce qui lui permet d’être toujours favori à sa réélection à la tête de l’instance.
L’équation semble incongrue pour beaucoup : comment Vincent Labrune peut-il être favori à sa réélection pour la présidence de la LFP ? Entre le récent fiasco de l’appel d’offres des droits télé – 500 millions d’euros au lieu du milliard visé par le boss de l’instance –, le deal avec CVC qui se révèle être un cadeau empoisonné ou encore une contestation autour de la programmation du multiplex de Ligue 2, le bilan de l’ex-patron de l’OM semble rédhibitoire pour solliciter un nouveau mandat. Sauf que depuis quatre ans, Labrune, fin tacticien, a réussi à verrouiller le fonctionnement de la LFP.
D’abord, en obtenant un changement dans la composition du conseil d’administration, qui élit le président de la LFP. En 2022, le CA, formé de différents représentants (présidents de clubs de L1, L2, FFF, etc.), passe de 25 membres à seulement 17. Point important : le collège des indépendants, dont est traditionnellement issu le président de la LFP, est réduit à trois personnes, contre cinq auparavant. Ce qui, mécaniquement, réduit le nombre d’opposants possibles pour la présidence. Sans compter un système de parrainages pour le moins opaque afin de pouvoir intégrer ce collège…
Et au sein du collège Ligue 1, il est désormais imposé que les gros clubs soient représentés : trois des sept membres doivent être « issus d’un club parmi les cinq premiers au classement des coefficients UEFA des clubs français ». Ce qui colle avec la vision prônée par Labrune, qui a assumé une politique en faveur de l’élite du foot. « On a très vite dit : il faut qu’on booste nos clubs européens parce que la clé du futur du football français, c’est d’avoir plus d’équipes en Coupe d’Europe, plus d’équipes en Ligue des champions pour avoir des investisseurs plus puissants qui viennent en Ligue 1 », a-t-il déclaré à So Foot.
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— SO FOOT (@sofoot) September 2, 2024
C’est dans ce collège que se jouera probablement l’élection entre Vincent Labrune et Cyril Linette. La place de Nasser al-Khelaïfi, très influent et fort soutien de Labrune, est quasi assurée. Reste à savoir si des présidents opposés à Labrune se présenteront. Ainsi, Waldemar Kita et Olivier Létang, membres actuels du CA et désormais en froid avec Vincent Labrune après l’avoir soutenu, seront-ils de nouveau candidats pour siéger ? Si oui, il leur faudra être élus au CA par l’assemblée générale de la LFP, composée en très grande partie de l’ensemble des clubs de L1 et L2.
Malin, Labrune a également réussi à se créer des porte-flingues ou des soldats parmi les autres membres du CA, comme Laurent Nicollin ou Bernard Joannin, représentants de Foot Unis (syndicat des clubs professionnels). « Joannin (aussi président d’Amiens, NDLR) est totalement assujetti à Labrune, c’en est caricatural », flingue un président de L2. Autre atout : Philippe Piat, puissant représentant de l’UNFP (syndicat des footballeurs). Une des bonnes idées du patron de la LFP est de ne pas avoir touché à la subvention à l’UNFP, à hauteur de 1,09% des droits télé – une manne pourtant régulièrement remise en question.
« Vincent, j’ai dû lui parler deux fois »
Du côté des désormais points de crispation, le deal CVC, symbolisant l’opacité de l’instance. Les présidents de clubs ont d’abord volontiers accepté l’argent frais (1,5 milliard d’euros) apporté par le fonds d’investissement luxembourgeois. Les petites lignes du contrat commencent à faire tiquer, les patrons de L2 demandant une renégociation du deal CVC. « Plusieurs présidents n’ont pas vu le contrat CVC », assure l’ex-cornac d’une écurie de Ligue 1. D’autres ont critiqué la demande d’unanimité pour valider l’arrivée du fonds d’investissement. « La notion d’unanimité était essentielle et il fallait que personne ne soit le fossoyeur du football », a ainsi déclaré Jean-Michel Roussier, président du HAC, lors d’une audition au Sénat. « On n’a mis un pistolet dans la bouche de personne, répond Vincent Labrune. Tout le monde voulait faire ce deal parce que c’était vital. »
Plus généralement, les opposants à Labrune se plaignent aujourd’hui d’une gestion obscure, où seuls les courtisans – Jean-Pierre Caillot, Laurent Nicollin, Loïc Féry, Bernard Joannin, entre autres – auraient accès à la primeur des informations. « Vincent, j’ai dû lui parler deux fois, je pense. Je n’ai pas de contact particulier avec lui. Et je ne crois pas qu’il soit souvent dans les stades de Ligue 1, à part à Paris et Marseille, cingle un président de l’élite. La LFP, aujourd’hui, je ne suis pas sûr qu’elle représente tous les clubs français, c’est là où le bât blesse. »
Et lorsque des critiques sur le train de vie de la LFP se font sentir, ce sont encore des proches de Labrune qui s’occupent de jouer un rôle de contre-pouvoir et non une entité indépendante. Un « audit » a été annoncé dans l’été. Il est actuellement mené, sous le contrôle de la commission des finances de la LFP, par quatre présidents, dont trois (Caillot, Joannin et Chabane) ont de bons rapports avec le boss. Une première réunion s’est tenue le 7 août et une autre aura lieu lundi 9 septembre. La finalisation de ces travaux est prévue pour la fin d’octobre au plus tard. Soit bien après l’élection. Heureux timing, là encore.
Par Guillaume Vénétitay
Tous propos recueillis par GV