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LFP : une gouvernance à repenser, oui, mais comment ?
Dans une interview accordée au quotidien L’Équipe, John Textor a appelé à un changement de modèle de gouvernance pour le foot français. S’il a surtout milité pour un modèle calqué sur le système en place en Premier League, quelles autres pistes s’offrent au football hexagonal ?

→ Faire comme la Premier League
« La gouvernance de notre ligue doit changer, immédiatement, car chaque club de Ligue 1 devrait être représenté au conseil d’administration. Tous les conflits d’intérêts doivent être divulgués et atténués. Telles sont les règles de la meilleure ligue de football du monde, la Premier League, et il n’y a aucune honte à suivre un bon exemple. » Dans les colonnes de L’Équipe, le patron de l’OL n’a pas fait de secret pour évoquer une piste à suivre pour la Ligue 1 : il faut prendre exemple sur le meilleur championnat du monde. Mais comment ça marche chez les Britishs ? Pour faire simple, la Premier League est une entité privée, dont les 20 clubs qui la composent chaque saison sont actionnaires, aux côtés de la fédération anglaise. Ces 20 clubs possèdent les mêmes droits et surtout les mêmes pouvoirs. Lors des réunions de ces actionnaires, chaque club possède un vote et chaque voix compte de la même façon. En gros, si Ipswich a quelque chose à dire, City ne pourra pas l’écraser en disant « John Beer, John Beer, I don’t like how he talks to me, I’m out », car les deux clubs seront sur un pied d’égalité. Et pour qu’une nouvelle règle, un nouvel accord, un nouvel appel d’offres soit approuvé, il faut au moins deux tiers des suffrages (ou 14 votes) en sa faveur.
N’allez pas croire que l’on touche pleinement au communisme non plus, les revenus des droits TV sont par exemple redistribués en fonction du classement final d’un club, mais chaque équipe a sa voix au chapitre et, surtout, le droit de la faire entendre. Et si John Textor se trompe un peu en disant que tous les clubs siègent au conseil d’administration de Premier League, chargé des affaires courantes, qui est composé d’un président, un directeur général et de trois dirigeants indépendants, élus par les clubs, on comprend l’idée d’une ligue où tout le monde est impliqué dans les décisions, contrairement au conseil d’administration de la LFP, où siègent seulement sept dirigeants de Ligue 1 et deux de Ligue 2.
→ Laisser CVC gouverner
Puisque les décideurs du foot français ont décidé de laisser 13% des revenus commerciaux de la Ligue au fonds d’investissement luxembourgeois, autant les faire bosser pour rentabiliser leur investissement. Si la Ligue va désormais faire office de panier percé pour l’Hexagone et de pain béni pour le Grand-Duché, les rôles peuvent encore s’inverser. Si CVC veut vraiment se refaire la cerise sur son investissement de 1,5 milliard, il va avoir besoin d’une Ligue 1 en bien meilleur état et qui pourrait à terme disparaître si les catastrophes venaient à s’accumuler. Et pour récupérer cet argent, quel meilleur moyen que de mettre la main à la pâte ? Allez messieurs de chez CVC Capital Partners, venez donc faire fructifier les revenus du championnat de France, vous vous en mettrez plein les poches et les présidents de clubs vous glorifieront plus qu’ils ne l’ont jamais fait pour Nasser.
→ Créer des socios de la Ligue 1
Et si les supporters avaient enfin voix au chapitre ? Si en France, seuls Guingamp, Bastia, Rouen et Sochaux ont déjà ouvert ce modèle à leurs fans, leur permettant d’investir dans le capital de leur club de cœur, peut-être serait-il enfin temps de les faire participer à leurs championnats professionnels. Si ces derniers avaient été concertés au moment d’attribuer les droits de la Ligue 1 à un diffuseur hors sol, DAZN, aux tarifs déconnectés de toute réalité économique, peut-être que la Ligue et ses dirigeants auraient réalisé leur erreur et mis en place une stratégie différente. Peut-être que DAZN lui-même aurait compris ses torts et préféré réduire ses prix, dans le but de convaincre plus de fans de s’abonner. La forme est encore nébuleuse, mais pourquoi ne pas élire à la ligue des représentants parmi les supporters devenus socios ? Cela apporterait un contre-pouvoir certain et amènerait quelques garde-fous, garant d’un football français en accord avec son héritage et sa réalité. Et puis, quel meilleur moyen pour réconcilier le foot français avec son public que de vivre dans la transparence et la cohérence ?
→ S’appuyer sur les modèles des sports américains
On touche ici à l’illusoire, de par les systèmes de ligues fermées que l’on trouve outre-Atlantique, mais la NBA, la NHL, la NFL et la MLB ont un petit quelque chose en plus que les ligues européennes n’ont pas : des accords collectifs. Renégociés à différentes dates, l’accord collectif en NBA a une durée de six ans, celui en NFL de 11 ans, ces contrats permettent notamment aux joueurs et aux propriétaires de s’accorder sur la répartition des gains générés par les ligues. S’il faudrait faire quelques retouches au principe, puisque les joueurs et les propriétaires ne partagent pas les bénéfices au football, certaines formes d’accord collectif pourraient très bien voir le jour dans l’Hexagone. Il faudrait les adapter, les formater au foot français, mais ils pourraient graver dans le marbre une certaine forme d’équité dans la répartition de l’argent généré par le football français entre les clubs, que l’on ne retrouve absolument pas aujourd’hui.
→ Mélanger conseil de classe et conseil de Koh-Lanta
Encore mieux, la gouvernance du football français pourrait prendre modèle sur la célèbre émission de survie de TF1, ou sa variante du système scolaire. Dans Koh-Lanta, à chaque défaite lors d’une épreuve d’immunité, l’équipe perdante doit se réunir lors du conseil, au cours duquel elle devra éliminer un membre de son équipe. Dans le monde du foot français, les membres des championnats pros pourraient obtenir des bons points en fonction de leurs résultats, tandis que les mauvais seraient distribués aux équipes défaites. Les comptes pourraient être faits à chaque trêve internationale, par exemple, et les sièges pourraient être occupés par différentes personnes en fonction des classements : les bons élèves aux décisions, les cancres à l’exécution. Tout cela avec un principe de base, les sacs de riz l’argent est réparti équitablement, histoire de réajuster le rapport de force.
→ Limiter le temps de parole de Nasser al-Khelaïfi
Il a beaucoup d’argent, alors il en donne, il a beaucoup de lumière, alors il la met sur le championnat de France, il a une chaîne de télé, alors il y diffuse la Ligue 1 et la Ligue 2. En fait, Nasser al-Khelaïfi a beaucoup de choses à sa disposition qui ont déjà contribué à donner un peu d’air à un foot français sous assistance respiratoire. Mais ce que le président du PSG n’a pas, c’est la modestie, l’écoute et l’humilité. On l’a vu lors du Zoom dévoilé sur la place publique, le dirigeant qatari aime parler, mais n’aime pas voir les autres en faire autant. Peut-être que pour l’intérêt du monde du ballon rond hexagonal, serait-il judicieux de lui installer un timer, où il n’aurait même pas le droit d’acheter des minutes supplémentaires. Les autres dirigeants ont aussi des choses intéressantes à dire, ça ne fait aucun doute. Enfin presque pas.
Rangez Textor et Nasser, sortez les strass et les stars !Par Julien Faure