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LFP : Queen of the Bongo
Pour la première fois, le Trophée des champions, qui oppose ce samedi les Girondins de Bordeaux au PSG, se jouera en Afrique subsaharienne. La vitrine de la Ligue 1 à l'international s'arrête à Libreville au Gabon. « Un hommage du football français au football africain », avait claironné Frédéric Thiriez en janvier dernier après avoir communiqué le choix de la capitale gabonaise. Sauf que les Black Stars, une association d'anciens joueurs africains de Ligue 1, à l'origine du projet il y a trois ans, a été récemment évincée de l'organisation du match au profit de proches du pouvoir gabonais. Un bel exemple de bien mal acquis appliqué au football. Avec la bénédiction de la LFP. Peut-être parce que, au pays merveilleux de la Françafrique, les plus hauts intérêts priment.
Comme souvent, il y a les discours et les faits. En février dernier, Frédéric Thiriez justifiait le choix de la LFP d’organiser le Trophée des champions à Libreville. Avec son emphase habituelle. Une manière pour « le football français d’honorer le football africain » . À ses côtés, comme le relatait l’article du Monde du 27 février dernier, quelques figures illustres du continent auquel la LFP souhaite rendre hommage : Roger Milla, Jimmy Adjovi Boco, Daniel Cousin et Joseph-Antoine Bell. Ils font tous partie de l’association Black Stars, une équipe qui, sur le modèle du Variétés Club de France, regroupe des ex-internationaux africains ayant évolué en Ligue 1. Les Black Stars, dont leur président Éric Fabre, sont à l’origine du choix d’organiser en Afrique noire, après Tanger et Radès, le match entre les vainqueurs du championnat et de la coupe. Cela fait trois ans qu’ils travaillent à cette idée. « On y pensait depuis longtemps et quand le Gabon a co-organisé la CAN de 2010, on s’est dit que Libreville offrait les bonnes infrastructures. J’ai alors contacté Ali Bongo, le président du Gabon, par courrier, qui m’a répondu favorablement » , explique Éric Fabre. « Je vais à la Ligue avec la lettre et on dépose un dossier. »
Deux avions pour 450 000 euros
Le 30 janvier, ils reçoivent un courrier de la LFP qui leur confirme que « le conseil d’administration a accepté la proposition » et que la LFP est « très heureuse de travailler avec les Black Stars » sur cet événement. Sauf que quatre mois plus tard, les Black Stars ont été évincés de l’organisation et viennent d’assigner à Paris l’instance du football professionnelle pour rupture abusive de contrat. « On a été lamentablement mis dehors » , estime Éric Fabre. « Il y avait une volonté de l’État gabonais de nous exclure et la Ligue a trouvé n’importe quel prétexte pour les satisfaire. C’est les mêmes barbouzeries que dans la politique. » Que reprochent concrètement les Black Stars à la Ligue, au-delà de son manque de classe ? D’avoir utilisé des arguments bidons pour les mettre subitement à l’écart et d’un manque de courage évident face au pays organisateur. Car le 31 mai, la LFP rompt le contrat dans un courrier où elle estime avoir été trompée. Elle invoque plusieurs raisons pour retirer le dossier aux Black Stars. L’absence d’accord pour utiliser le Stade de l’Amitié, où doit se dérouler le match, et son incapacité à financer l’organisation du match puisque, selon la Ligue, « les sommes dues ont été versées par la République gabonaise » . Pour un proche du dossier à Libreville : « Ce sont des conneries. Il était clair depuis le début que l’État Gabonais payait directement. C’est un prétexte. » Même son de cloche chez Éric Fabre : « Nous sommes une association, nous n’avons pas d’argent, comment aurions-nous pu avancer cette somme ? Rien que la location des deux avions revient à 450 000 euros. Nous étions d’ailleurs plutôt content que l’argent ne transite pas par notre association. De toute façon, il était stipulé dans le contrat que l’État gabonais réglerait la facture. »
« Tu gènes les Gabonais »
Dans les faits, les Black Stars semblent avoir été doublés par une clique de proches du pouvoir à Libreville, bien déterminés à récupérer en leur faveur l’organisation du match. « Des gens aigris, anciens membres du COCAN, le comité d’organisation de la dernière CAN, qui n’acceptent pas d’avoir été obligés de rendre leur tablier après la fin de la compétition et qui ont toujours leurs entrées à la présidence » , signale un bon connaisseur des coulisses du sport à Libreville. Car, un mois après l’attribution de l’organisation du Trophée à Libreville, l’État gabonais, par l’intermédiaire d’un décret présidentiel, met en place une commission spécifique pour ce match qui ne dit pas son nom. Une structure à l’acronyme barbare, la CNOGEMCNI (Commission nationale d’organisation et de la gestion des événements et manifestations à caractère national et international) voit le jour. C’est cette structure, créée dans l’urgence, qui est aujourd’hui reconnue par la LFP comme l’organisateur du match. Si la Ligue pouvait difficilement contester la légitimé de « l’interlocuteur officiel » présenté par le Gabon, elle était, en revanche, bien consciente que les Black Stars, à l’origine du projet, étaient sur le point de se faire éjecter. « La deuxième fois que je me suis rendu à Libreville avec Jean-Pierre Hugues, le directeur général de la LFP, il m’a dit : « Tu gènes les Gabonais » » , concède Éric Fabre. Les organisateurs gênants ont finalement été mis sur la touche. « Aujourd’hui, on passe pour des escrocs et tous les Black Stars sont dégoûtés » , déplore Éric Fabre. À son arrivée à l’aéroport de Libreville, jeudi en fin d’après-midi, Frédéric Thiriez s’est félicité que les 40 000 places du stade de l’Amitié aient trouvé preneur pour cette affiche. Les Black Stars, eux, n’ont pas reçu d’invitation. Sûrement un oubli.
Par Joachim Barbier