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LFP-Qatar : Le sponsoring de la discorde
Après Lyon, Marseille a également fait part de son rejet du contrat de sponsoring passé par la LFP avec le Qatar cet été, en marge de l’attribution des droits TV. Simple posture ou véritable opposition à la dépendance financière du football français vis-à-vis de l’Émirat ?
Cette fois, les deux Olympiques ont trouvé un sujet sur lequel faire front commun. Quelques jours après l’Olympique lyonnais, qui a ouvertement fustigé la LFP pour le contrat de sponsoring passé avec le Qatar, son homologue de Marseille a également fait savoir qu’il ne comptait pas faire la promotion du petit État du Golfe sur son maillot. En fin de semaine dernière, le club dirigé par John Textor était une nouvelle fois sorti du bois face à l’instance dirigeante du football français, pointant « l’incompétence de la LFP pour décider de la commercialisation des inventaires marketing relatifs aux propriétés des clubs », considérant par conséquent « le partenariat consenti en violation de nos droits comme nul et non avenu ». Simple question d’image ou début d’une véritable fronde face aux accords passés cet été ?
Qatar out !
Une gronde qui trouve son origine dans le marasme du dossier des droits TV et les risques financiers colossaux qui ont pesé sur la Ligue au cœur de l’été. Appelé à la rescousse pour compléter la note via Bein Sports en récupérant une affiche de Ligue 1 par journée (en plus de la Ligue 2), le Qatar arrondit la facture par le biais d’un contrat de sponsoring. Aux 80 millions d’euros versés au titre des droits télévisés s’ajouteront ainsi 20 supplémentaires pour que l’ensemble des clubs professionnels de l’Hexagone fassent la promotion du pays via un badge « Visit Qatar » ajouté sur tous les maillots. Chaque écurie de première division se verra en retour gratifiée de 730 000 euros, contre 170 000 pour celles de l’échelon inférieur. Loin d’être suffisant pour convaincre tout le monde.
La faute notamment à l’emprise de l’Émirat sur le foot tricolore depuis plus d’une décennie, et ce, à plusieurs échelons. « Je pense qu’il y a beaucoup de gesticulations de la part de certains clubs, ce n’est pas anodin que ce soient l’OL et l’OM qui sont à la manœuvre, les deux appartiennent à des Américains. C’est assez bon au niveau populaire de taper sur le Qatar, estime Raphaël Le Magoariec, spécialiste des politiques sportives de la péninsule Arabique et coauteur de L’Empire du Qatar : le nouveau maître du jeu ? Il y a une certaine volonté de garder une forme d’identité et de rejeter les nouveaux acteurs du football mondial, qui sont des prolongements des États. » Simple volonté de redorer son image ou véritable réflexe de survie ? « Le Qatar se trouve dans différents secteurs de l’espace sportif, il y a un risque de venir court-circuiter toute la compétition sportive, complète le chercheur. Bein Sports vient soutenir le football français, mais il y a aussi la peur qu’il ne vienne l’atomiser. »
Une dépendance risquée
S’il peut sembler relativement marginal au vu des sommes en jeu, ce contrat de sponsoring tend également à illustrer à quel point la dépendance de l’écosystème du ballon rond français envers le Qatar est toujours concrète. Et ce, malgré une volonté d’investissement moins prononcée de la part de ce dernier. « On est sur la fin de la temporalité de la Coupe du monde 2022 avec une mondialisation de sa stratégie. Le soft power du Qatar est comme une toile d’araignée avec différents rouages. Désormais, on passe dans un moment où certains entrent en sommeil, décrypte Le Magoariec. Le Qatar se maintient sur le fond et peut les réactiver à tout moment. De cette manière, les acteurs ne se désintéressent pas de lui, pendant qu’il peut étendre son champ d’action. »
Une stratégie particulièrement risquée pour la LFP, qui paraît à court d’options. La voici désormais liée à vie à un fonds d’investissement luxembourgeois, embarquée pour au moins deux ans avec un diffuseur britannique à la stratégie illisible et donc toujours en grande partie prisonnière de la bonne volonté de Doha. « Le Qatar est dans une position un peu rêvée, il se fait désirer, il montre à quel point il est central. Il veut faire sentir à quel point le monde du sport a besoin de lui. Cette dépendance est dangereuse, c’est comme une drogue, image encore Le Magoariec. Le Qatar a distribué de telles sommes qu’il a créé un manque. » L’heure de lancer une cure de désintoxication aurait-elle sonné ?
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Propos de Raphaël Le Magoariec recueillis par TB.