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Cyril Linette peut-il vraiment être le sauveur du foot français ?

Par Nicolas Kssis-Martov

Après une tragi-comédie et l’intervention de la ministre, deux candidats se disputeront finalement la présidence de la LFP : Vincent Labrune, « le tenant du titre », et l’outsider Cyril Linette. Ce dernier possède de fait l’image flatteuse, surtout en France, du candidat anti-système. Mais peut-il ou veut-il vraiment changer la LFP ?

Cyril Linette peut-il vraiment être le sauveur du foot français ?

Très actif sur le réseau social X, Cyril Linette a construit la singularité de sa candidature sur un devoir de vérité. Ou plutôt par sa volonté d’utiliser le contexte difficile que traverse actuellement le foot français en attaquant frontalement le mantra du « jusqu’ici tout va bien ». Vincent Labrune et ses soutiens récitent en face, à longueur d’interviews, leur petite leçon résignée, à l’instar de Damien Comolli, président du Toulouse FC, jugeant par exemple que « dans une période aussi déflationniste, je ne crois pas que l’on aurait pu avoir mieux ». L’ancien directeur général de L’Équipe et de PMU souligne au contraire qu’il n’est surtout plus possible de continuer ainsi.

Dans un texte publié dans La Tribune du dimanche, partagée de manière « lisible » sur son compte (donc destiné à être largement repris ou consultable), il dresse le tableau peu reluisant d’un football professionnel français en crise : « Crise financière avec, pour les clubs, des revenus issus des droits de diffusion qui chuteront de 60% cette année ! Crise populaire avec la grogne des supporters dans les tribunes pour les horaires de match, les abonnements télé trop chers et les diffuseurs qui changent tous les deux ans. Crise démocratique enfin avec une élection à la présidence de la Ligue de football professionnel particulièrement opaque et verrouillée, comme si le bilan et les projets de l’équipe en place ne pouvaient même pas être débattus. »

Mais l’argument massue reste dissimulé dans la petite pique « tout le monde le reconnaît désormais ». Cyril Linette est le candidat du « bon sens » ou du « sens commun », tandis que la ligne de défense de l’ancien boss de l’OM se désole d’une incompréhension, voire d’un dénigrement injuste, amplifié par un « bashing » général des médias et une opinion publique ingrate, notamment au sujet de l’abonnement DAZN.

Linette, un homme d’influence plutôt qu’un révolutionnaire

Cyril Linette sait certes ouvrir l’horizon, et replacer le foot dans une perspective plus large, quand Vincent Labrune imaginait rendre tranquillement des comptes devant « les actionnaires ». Dans Les Échos (toujours une certaine prédilection pour la presse économique), il élargit la focale « au-delà des seuls acteurs du foot professionnel, dont le sort n’émeut évidemment pas tout le monde ». Car le ballon rond représente bien davantage qu’un sport : « Il faut savoir que ses revenus [le foot pro] irriguent le sport amateur dans son ensemble, que les clubs font partie intégrante du tissu économique local, et sont les ambassadeurs de leur territoire. » Il interpelle directement la société pour contrebalancer sa faiblesse au sein des « familles » de la LFP.

À titre personnel, j’ai toujours encouragé le processus démocratique. […] Je l’ai encore fait ces derniers jours en “validant” le principe d’un repêchage éventuel d’un candidat à la présidence qui n’avait pas obtenu ses parrainages.

Vincent Labrune dans L’Équipe

Pas de contresens. Il est lui aussi également, à sa manière, emblématique d’un certain establishment à cheval entre le foot pro, le monde de l’entreprise et la politique. Le sauvetage in extremis de sa candidature doit ainsi beaucoup à la pression de la ministre des Sports, avec l’aval de l’Élysée. Une intervention dont Le Monde nous apprend ce qu’elle doit aux interconnexions des uns et des autres – Cyril Linette est un proche d’Alexandre Bompard (PDG du groupe Carrefour), qui avait recruté Amélie Oudéa-Castéra en 2018. Ni un révolutionnaire ni même un réformiste, Linette est un homme d’influence. Nous sommes loin de la prise de la Bastille, mais davantage dans le jeu de pouvoir et les petits arrangements qui rappellent la vie parlementaire sous la Troisième République (conseillons au passage Le Président avec Jean Gabin et Bernard Blier). Cyril Linette a simplement compris que la valeur économique du football, comme tout spectacle, reposait aussi sur sa dimension sociale et culturelle. Un capitaliste qui sait compter et écrire un business plan.

Un alibi démocratique

L’exemple tragique des Girondins lui fournit une manière exemplaire d’illustrer son programme : « Comment accepter la quasi-disparition des Girondins de Bordeaux, que tout le monde dans le foot voyait venir depuis longtemps ? La LFP et ses instances de contrôle de gestion ne pouvaient-elles pas être un peu plus vigilantes sur l’identité du repreneur ? Si cela n’est pas dans ses prérogatives, alors il faut changer quelque chose ! Un club de foot, c’est un pan du patrimoine, c’est une ville, une région, un rôle économique, sociétal et inclusif. Un objet essentiel de transmission entre un père et son fils ou sa fille. Qui transmettra cet attachement magique si les clubs disparaissent un à un ? »

Réguler et anticiper, bref l’antithèse de la gestion proposée et demandée à Vincent Labrune, qui de ce point de vue aura accompli son devoir, sans oublier de s’enrichir personnellement au passage (la LFP n’est pas une œuvre de bienfaisance ni un service public). Toutefois, de quels moyens dispose Cyril Linette pour se faire élire, sans se limiter au rôle d’alibi démocratique, que son adversaire lui a déjà attribué lors de son entretien accordé à L’Équipe : « À titre personnel, j’ai toujours encouragé le processus démocratique. […] Je l’ai encore fait ces derniers jours en “validant” le principe d’un repêchage éventuel d’un candidat à la présidence qui n’avait pas obtenu ses parrainages. »

La Ligue n’est pas la Fédération. Aux yeux de nombreux acteurs et à commencer par les présidents des clubs, elle n’existe que dans le but de « garantir » des revenus et certainement pas pour se transformer en un lieu de réflexion stratégique ni une sorte de haut-commissariat du plan à la sauce gaulliste. Même en cas de victoire surprise, de quelle marge de manœuvre disposera-t-il, sinon celle de réduire le train de vie de l’organisation ? À titre indicatif, il a lui-même reconnu que pour avoir le droit de candidater, il a été contraint de passer sous les fourches caudines de ses « bienfaiteurs » : « J’ai dû m’engager formellement auprès des familles [du football], soucieuses de conserver une part de voix, à ne pas rester au conseil d’administration dans l’éventualité où je ne serais pas élu président. » Une défaite déjà actée par les mêmes qui lui ont accordé le ticket d’entrée. Il lui restera la satisfaction d’avoir remporté le référendum populaire sur X.

⇒ Dans le numéro de So Foot en kiosques le 5 septembre, retrouvez une enquête de 16 pages sur Vincent Labrune. 

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