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L’évolution tactique de Lamela, malgré les préjugés anglais

Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires // Tous propos recueillis par MK et Paul Piquard à l'occasion du portrait de Lamela à lire dans le So Foot JUNIOR n°8
L’évolution tactique de Lamela, malgré les préjugés anglais

Arrivé à Londres à la toute fin de l'été 2013 pour prendre en charge les responsabilités offensives de Gareth Bale, Erik Lamela a mis du temps à s'adapter à la Premier League. Après avoir subi l'instabilité des blessures et des changements de coach, l'Argentin tente encore de justifier les 35 millions d'euros investis sur son pied gauche. Mais entre l'influence de Christian Eriksen et les exigences du 4-2-3-1, Mauricio Pochettino n'a pas encore réussi à exploiter son immense potentiel.

La scène a lieu à Buenos Aires en 2004. Alors qu’Erik Lamela n’a que 12 ans et que Leo Messi est encore un secret bien gardé, le FC Barcelone part chercher le gaucher de River avec 120 000 euros annuels, une maison et un travail pour ses deux parents en Catalogne. Dans un look improbable, longue queue de cheval et bandeau dans les cheveux autour de traits de fillette, Lamela vient de marquer 120 buts en une saison. Devant les caméras de Trans World Sport, « El Coco » se raconte : « Je suis né pour jouer au football. Peut-être bien qu’on m’a appris à jouer, mais tout le monde est né pour faire quelque chose, et moi c’est le football. J’aime bien que tout le monde me regarde. Je suis un garçon différent de tous les autres. » River Plate prend son temps pour faire l’effort financier suffisant pour conserver sa pépite, mais Lamela ne tarde pas à trouver le mot : il est déjà « un joueur différent » . Un milieu technique qui ne participe pas beaucoup à l’élaboration, et un attaquant qui sait tout faire, mais a du mal à se montrer décisif. Sur le terrain, de Buenos Aires à Londres en passant par Rome, Lamela a ainsi montré des choses différentes. Sa rabona en Ligue Europa pour les Spurs, des accélérations à la Robben pour la Roma, mais aussi de longues disparitions.

Cappa : « Avec le temps, je me dis que c’est un attaquant »

Alors qu’il devient rapidement la star du centre de formation de River, Néstor Gorosito – entraîneur du Millo en 2009 – le qualifie de « 10 qui marque des buts » . Mais à 17 ans comme aujourd’hui, Lamela est plus rapide que sa vision du jeu. Ángel Cappa prend la tête de l’équipe première de River en avril 2010, et Lamela s’impose dans le onze titulaire avec le numéro 10 d’Ariel Ortega et de Pablo Aimar. L’entraîneur à la moustache raconte : « Il était puissant, rapide et très technique. Le vrai problème, ce n’était ni le talent ni la qualité : il fallait lui trouver la bonne position sur le terrain, alors que lui-même à cet âge-là continuait à évoluer et à se connaître. Il jouait milieu avec moi, souvent à gauche, parfois en tant que « enganche »(numéro 10, ndlr), mais toujours au milieu. En fait, avec le temps, je me dis que c’est un attaquant. » Et c’est effectivement en tant qu’attaquant que Lamela brillera le plus en Europe. Durant ses deux saisons à Rome, Lamela occupe l’aile droite de l’attaque dans un style d’ailier droit gaucher à la Arjen Robben.

Il marque 4 buts et donne 6 assists en 29 matchs pour Luis Enrique. La saison suivante, dans les schémas offensifs de Zdeněk Zeman, El Coco plante 15 fois et lâche 3 assists en 33 apparitions. Entre les deux, trois facteurs expliquent la différence de rendement de Lamela : les schémas imprévisibles de Zeman ; l’utilisation de Pablo Osvaldo qui offre plus d’espaces à Lamela que Bojan et Borini la saison précédente ; et enfin la chute de « la barrière de la langue » , comme le rappelle Lamela à chaque entretien. Sous Luis Enrique, Lamela tirait 1,8 fois par match. Lors de sa deuxième saison à Rome, le chiffre passe à 2,6. Problème : à Tottenham, le chiffre est dramatiquement tombé à 0,9 tir par match. Trois titularisations, neuf matchs disputés, un tas d’arrivées (Soldado, Eriksen, Capoue, Chadli, Paulinho), un changement d’entraîneur en décembre – Tim Sherwood remplace André Villas-Boas – et surtout une vilaine blessure au dos l’auront empêché de s’adapter à son nouveau championnat la saison dernière. Et avant que Pochettino arrive sur le banc des Spurs et décide de miser sur son compatriote, l’Angleterre était sur le point de rejeter un nouveau talent latin.

Les préjugés anglais, et puis le sacrifice tactique

D’après Gary Flavel, fondateur du Fighting Cock, principal fanzine des Spurs, « Lamela était habitué au rythme de la Serie A. En Premier League, tout va bien plus vite pour un maigrichon comme lui » . Le 23 octobre dernier, le défenseur Papa Khalifa Sankaré était au marquage de Lamela lors de Tottenham-Tripolis, le match du fameux coup du foulard : « En fait, sur les deux matchs, il ne m’a pas tant impressionné. J’ai pas vu le Erik Lamela dont on parlait lorsqu’il était en Italie. Il doit muscler son jeu : le jeu anglais est très différent du jeu en Italie ou en Argentine. » Gerry Cox a même récemment écrit dans le Telegraph que « Lamela semble trop léger physiquement pour ce championnat, et apparemment, il manque l’envie ou l’application que montrent ses coéquipiers locaux comme Ryan Mason, Harry Kane et Nabil Bentaleb. » Alors, Lamela doit-il vraiment prendre dix kilos de muscles pour s’adapter ? En fait, ces analyses semblent basées sur des préjugés : Lamela est devenu cette saison le joueur offensif le plus participatif en phase défensive : 2,1 tacles, 1,2 interception et 1,9 faute par match (0,7, 0,5 et 0,7 pour Chadli ; 1,7, 0,6, 0,4 pour Eriksen ; bien moins pour tous les autres, dont Kane). Le plan de Pochettino est prudent : s’appliquer d’abord sur la phase défensive pour gagner en légitimité, et puis se libérer près du but adverse.

Lamela a ainsi enfin trouvé de la continuité : il a joué les 18 matchs de Premier League (15 titularisations) et 5 matchs de Ligue Europa pour les Spurs. Et maintenant que la mission défensive est accomplie, l’Argentin cherche à redevenir la menace offensive qu’il était à Rome. Aujourd’hui, le gaucher a encore cette réputation de « joueur de gestes » dans un championnat de statistiques : il n’en est qu’à 1 but et 4 assists (Nacer Chadli à 6 buts et 3 assists ; Eriksen à 7 buts et 1 assist). Entre le rôle d’Eriksen et le manque de sacrifice des autres attaquants, les Spurs ne jouent pas pour lui, et le processus semble long. À Rome, Lamela était un attaquant protégé par trois milieux (De Rossi-Pjanić-Gago, puis De Rossi-Pjanić-Bradley). À Londres, le 4-2-3-1 des Spurs ne lui donne que deux milieux centraux de protection, tandis que le Danois Eriksen a une influence offensive comparable à celle de Totti à Rome (50 passes et 3 tirs par match), et que Chadli défend moins et construit moins le jeu, mais attaque plus. Par nécessité, Lamela travaille donc plus pour l’équipe que pour ses numéros.

Un attaquant qui joue milieu : la comparaison avec Di María

En moyenne, Lamela tire seulement 1,1 fois par match : c’est deux fois moins qu’Hazard, et trois fois moins que Di María. Chez les Spurs, Eriksen (2,9), Kane (2,6), Chadli (1,7), Adebayor (1,8) et Soldado (1,5) sont tous devant l’Argentin. Ce n’est donc pas une surprise de se rendre compte que plus les Spurs ont la balle, plus Lamela a le temps de se montrer dangereux. Plus les hommes de Pochettino vont gagner en maturité dans le jeu de possession, plus Lamela sera important offensivement. Contre Hull en novembre et contre Burnley en décembre (deux victoires 2-1), Tottenham a eu respectivement 73% et 65% de possession, et Lamela a touché 88 et 84 ballons. Résultats : 6 tirs et 6 passes clés (key passes, en anglais) en deux matchs. En revanche, contre Leicester ce vendredi et contre Swansea (victoire 2-1 et défaite 2-1), les Spurs n’ont eu que 51% et 46% de possession. Bilan : 1 seul tir et 2 passes clés en deux matchs. Sixième à égalité avec le grand rival Arsenal, Mauricio Pochettino se prépare à affronter le Manchester United de Van Gaal, puis le Chelsea de José Mourinho en cinq jours. Le genre de matchs qui pourraient faire décoller l’influence offensive de Lamela et couronner son travail défensif. Pour Ángel Cappa, Lamela pourrait d’ailleurs s’inspirer de Di María. « Ils ont les mêmes points forts : la vitesse, l’imprévisibilité, la frappe de balle » , dit-il. Un autre Argentin maigrichon a déjà réussi à faire plier les muscles de la Premier League.

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