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- Bayer Leverkusen-AS Monaco
Leverkusen-Monaco 1997, la mascarade
Il y a dix-neuf ans, Monaco se rendait à Leverkusen pour décrocher une place en quarts de finale de la Ligue des champions. Une rencontre au scénario improbable avec dix dernières minutes plus proches du RFA-Autriche de 1982 que des grandes soirées européennes comme on les aime. Deux « héros » de l'époque racontent.
« J’en parlais encore récemment avec Almamy Touré, que j’ai eu en formation à l’ASM, ce match à Leverkusen, on ne se souvient que de la passe à dix en fin de match. » Bruno Irlès pourra dire à ses petits-enfants qu’il y était. Il y a dix-neuf ans presque jour pour jour, l’AS Monaco se déplace sur la pelouse du Bayer Leverkusen pour assurer son passage en quarts de finale de l’épreuve reine du Vieux Continent. S’ils ne perdent pas, les Monégasques terminent premiers du groupe et passent. Pour les Allemands, il faut gagner ou alors espérer des résultats favorables sur les autres pelouses. Peu avant l’heure de jeu, ils mènent 2-0 et semblent se diriger vers une belle qualification, sauf que les Asémistes reviennent par Christophe Pignol (63e), puis Thierry Henry (81e). Les Français sont de nouveau devant et qualifiés, et s’attendent à une grosse pression des hommes de Christophe Daum. Qui se mettent à faire circuler le ballon dans leurs lignes défensives, sans chercher à continuer à produire de jeu. Ils se savent parmi les deux meilleurs deuxièmes de la phase de poules, et donc repêchés pour les quarts. Le spectacle repassera…
« L’impression de prendre les gens pour des cons »
« Quand je marque, le match est intense, on doit revenir au score. Je me souviens de mon but, mais pas autant que ces dernières minutes étranges. » Christophe Pignol est l’un des héros de la soirée européenne, mais pourtant, il garde un léger sentiment de honte de ce match en terres allemandes. « Dans une telle situation, on se sent idiot. Il y a du monde au stade, devant la télé, et comment peut-on prendre des risques ? On a l’impression de prendre les gens pour des cons. J’éprouvais un sentiment de malaise. On a dû en rire dans le vestiaire après le match, mais sur le terrain, ce n’était pas évident à assumer, on ne fait pas une carrière pro pour jouer comme ça. »
Bruno Irlès, quant à lui, pense à sa famille et imagine tout simplement ses proches « éteindre le téléviseur, car on s’ennuyait » . Adossé à son poteau, Fabien Barthez est hilare en regardant la charnière centrale de Leverkusen jouer à la baballe. Pour Pignol, c’est plus compliqué à assumer. « On s’est regardé avec Franck Dumas, on ne savait pas trop comment réagir. Moi, j’avais l’impression de vivre ce que j’avais vu à la télé avec le match Allemagne de l’Ouest-Autriche au Mondial 1982 (juin 1982, dernier match de poules entre les Allemands et les Autrichiens qui élimine l’Algérie, ndlr). »
Scénario loufoque et règlement bancal
Bruno Irles ne se souvient pas avoir autant touché le ballon dans une autre rencontre de haut niveau et a l’impression que les dix minutes de mascarade « ont en réalité duré le double » . Surtout qu’au moment de chercher l’inspiration auprès de leur coach Jean Tigana, les Monégasques n’ont eu pour réponse que de continuer sur leur lancée, « car mine de rien on était premiers, on n’avait pas à prendre de risques pour rien » . Dans ce scénario loufoque qui pourrait faire penser à un arrangement entre amis, Irlès assure néanmoins que rien n’était préparé entre les deux équipes, et qu’il faut surtout blâmer un règlement bancal « qui, au lieu de favoriser le spectacle, a poussé aux calculs » . Tout le contraire « de ce que l’on attend d’un match européen en matière d’intensité, de prises de risques. Là, pendant près d’un quart d’heure, c’était le néant. » Certaines personnes interpellent encore Christophe Pignol pour lui parler de cette rencontre. « Et on me parle moins de mon but que de ces dix dernières minutes honteuses, mais bon, je fais avec… »
Par Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par NJ