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  • Lev Yachine
  • 22.10.1929 – 20.03.1990

Lev Yachine, palet royal

Par Mathieu Faure
Lev Yachine, palet royal

Avant de devenir le meilleur gardien de football du monde, Lev Yachine a pris son mal en patience. Cloué sur le banc, tricard par son club du Dynamo, le portier s’est alors tourné vers un autre sport. Et dans l’URSS des années 50, quand on ne brillait pas sur l’herbe, on se dirigeait vers la glace. C’est ainsi que l’Araignée noire a remporté une Coupe d’URSS en hockey sur glace avec le Dynamo Moscou.

Alexander Ovechkin, Evgeni Makin, Ilya Kovalchuk, Yevgeny Medvedev, les stars actuelles de l’équipe russe de hockey sur glace ne savent pas ce qu’elles doivent à Lev Yachine, Ballon d’Or France Football 1963. Pourtant, avant d’être le meilleur gardien du monde sur herbe, la montagne (1,89m) s’est essayée au hockey, non pas par passion, mais par choix. Nous sommes au début des années 50, et Yachine vient de fêter son 18e anniversaire. Cela fait quatre ans qu’il bosse à l’usine de métallurgie de Touchino, dans la banlieue de Moscou, là où son père trimait aussi. Épuisé par des journées à rallonge, on dit le garçon déprimé. Il balance sa démission et se retrouve sans emploi. Histoire d’être en règle avec le parti soviétique – peu en phase avec les chômeurs –, il s’engage alors dans l’armée rouge et effectue son service militaire. Ses classes ne dureront pas longtemps, puisqu’un membre du Dynamo Moscou, le club de l’armée, le repère et l’engage pour jouer au football. Cet œil de Moscou, c’est Arkady Chernyshev, ancien joueur de football, mais aussi de hockey du Dynamo reconverti en tant que coach. Voilà donc Lev Yachine au Dynamo Moscou, le club aux 45 sections sportives. Amateur d’athlétisme, de hockey et de football, Yachine se dirige vers le ballon rond très rapidement. C’est là qu’il se lie d’amitié avec le gardien titulaire du Dynamo, la légende Alexei Khomich, dit le « Tigre » depuis une tournée en Grande-Bretagne après la guerre où il avait particulièrement brillé.

Dans le sillage du Tigre, Yachine apprend surtout la patience. Mais comment le plus grand gardien de l’histoire a-t-il fait pour se retrouver sur des patins ? Le banc de touche, tout simplement. Lancé dans le grand bain footballistique en 1950, Yachine doit se coltiner la concurrence du « Tigre » , mais surtout la colère de ses dirigeants. Pour son bizutage, il remplace le portier titulaire à la pause et fait une connerie sur le but égalisateur, score final : 1-1. La boulette passe, sa blague de fin de match moins. En rentrant aux vestiaires, Yachine tente une galéjade : « J’ai quand même arraché le match nul. » En 1950, en URSS, on ne rigole pas avec le Dynamo. Dès lors, ses dirigeants le suspendent deux ans. Lassé d’être tricard pendant deux piges, Lev écoute Chernyshev qui le convainc de venir lui filer un coup de main sur la glace. Casse-cou, capable de réflexes incroyables, Lev Yachine se retrouve alors titulaire au sein de la section hockey. Frustré depuis deux ans, Yachine rayonne sur la glace durant cette saison 1952-1953. Et le monde du patin est tout petit. Tout le monde se connaît, surtout à Moscou. Dans le froid, il croise notamment l’homme qui ne sourit jamais et qui va révolutionner le sport au sein de la République soviétique. Cet homme, c’est Viktor Tikhonov, défenseur du VVS Moscou, la meilleure équipe du championnat, et surtout futur coach de l’URSS et du CSKA Moscou entre 1977 et 1992, la période dorée du hockey russe.

Élu dans les trois meilleurs gardiens du championnat

Dans la cage du Dynamo, Lev Yachine enchaîne les parades, mais le championnat n’échappe pas au VVS malgré la blessure de sa vedette Bobrov. Reste la Coupe nationale, autre belle vitrine dans un contexte très particulier. En effet, en mars 1953, Staline casse sa pipe, et le pays est bouleversé. Khrouchtchev, qui prend la relève, tente une déstalinisation du pays, et le sport n’y échappe pas. Ainsi, le fils de Staline, Vassili Djougachvili, taulier du sport étatique à l’époque, est dans le collimateur, et le club de l’armée de l’air, le fameux VVS Moscou, est dissous à la fin de la saison 1953. Un club dans lequel les joueurs évoluaient souvent contre leur gré. Classique. Avant la chute, le VVS est opposé au Dynamo Moscou en demi-finale de la Coupe, et Yachine permet aux siens de se hisser en finale contre le CDSA. Une finale qui a lieu une semaine après la disparition de Staline. Bonne ambiance, quoi. Blinkov (doublé) et Soldatenkov permettent au Dynamo de s’imposer 3 à 2. Yachine, venu au hockey par dépit, remporte la coupe nationale et fait sensation sur les patins. C’est le premier titre de sa carrière. Élu troisième meilleur gardien du pays, il est même pressenti pour intégrer l’équipe nationale en vue des prochains championnats du monde qui vont se tenir en Suède. Alors que le monde du hockey lui ouvre les bras, Yachine retourne finalement au football sans prévenir.

Initialement barré par Valter Sanaya et Alexei Khomich, le futur Ballon d’or 1963 retourne sur le pré à la suite du départ du binôme, et notamment de Khomich au Spartak Minsk. La voie est libre, en gros. Et le phénomène peut commencer. Même si sa carrière crosse en main fut brève, Yachine en aura quand même profité pour rencontrer les deux plus grands génies du hockey russe : Tchernychiov et Tikhonov. Les deux architectes de la glace. Ces deux-là vont instaurer un style très soviétique sur la glace, mélangeant vitesse et contrôle du palet. Très vite, l’URSS deviendra un exemple à suivre. L’alignement des années 70/80, avec Fetissov et Kasatonov en défense derrière la ligne d’attaque KLM (Krutov, Larionov et Makarov), marquera un tournant dans le sport avant que la chute du mur et du bloc soviétique ne permette aux plus grands talents russes de s’exporter. Ainsi, dans les années 90, le Russian Five, inspiré des Jackson Five des Red Wings de Détroit remporte deux Stanley Cup (1997 et 1998) avec un alignement 100% russe sur la glace : Sergueï Fiodorov, Igor Larionov, Viatcheslav Kozlov, Valdimir Konstantinov et Viatcheslav Fetissov. Un cinq majeur aussi appellé The Wizards of Ov. Sans le savoir, et un peu par hasard, Lev Yachine aura frayé la crosse avec deux architectes du sport russe. En 1953, Lev Yachine abandonne la glace et se consacre au football. Dix ans plus tard, il sera Ballon d’or.

1963, l’année parfaite de Lev Yachine

Par Mathieu Faure

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