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L’Euro de Cristiano Ronaldo ?
Adulé par les supporters madrilènes et mancuniens en d’autres temps, Cristiano Ronaldo ne fait toujours pas l’unanimité dans son propre pays. En cause, une irrégularité en équipe nationale indigne de son talent. Pour que le Portugal s’extirpe de ce groupe sadomasochiste, il va falloir que son capitaine se réveille.
Cristiano Ronaldo était nul à l’école, nul en mathématiques, et il est pourtant devenu un roi de la statistique. Cette année, le Portugais a marqué 66 pions : 60 avec le Real Madrid – dont 46 en Liga – et le reste avec la Selecção. Mais ça ne convient à personne sauf aux supporters merengues. Les Lusitaniens, eux, préfèreraient le voir faire une saison de merde en club et un Euro ravageur, plutôt que l’inverse. Certains aigris en viennent carrément à se convertir au Messianisme, lassés de voir le fils prodigue se vautrer lors des grandes occasions sous la tunique das quinas. Si Eusébio et Figo ont réussi à jouer sur deux tableaux par le passé, pourquoi pas lui ?
Normal en sélection
Le problème de CR7 réside, paradoxalement, dans l’excellence de ses prestations en club. L’opinion publique portugaise ne désire pas qu’il en fasse plus que d’habitude, mais « simplement » qu’il joue aussi bien avec la Selecção qu’il a pu le faire avec Manchester United et le Real Madrid. Et c’est là que le bât blesse. Plus il hausse son niveau de jeu en club, plus on attend de lui en Selecção, où son bilan est par ailleurs loin d’être dégueulasse. En 90 matchs, l’homme aux cheveux inamovibles a inscrit 32 buts. Ce qui donne la très honorable moyenne d’un peu plus de 0,3 but par rencontre. Excellent en club, normal en sélection : voilà ce qui fâche les Portugais.
Il n’empêche que Cristiano Ronaldo mérite mieux lorsqu’on observe de plus près ses dernières prestations sous l’égide de Paulo Bento. Car s’il n’avait pas planté deux buts décisifs le jour de la raclée infligée aux Bosniens, lors des barrages (6-2), ses coéquipiers seraient peut-être déjà en vacances à trimbaler leur femme et leurs mouflets sous les palmiers des Caraïbes. Le désamour de ses compatriotes à son égard reste néanmoins défendable depuis sa contamination au virus Pedro Miguel Pauleta en 2006, date à partir de laquelle il a cessé de briller avec le Portugal lors des compétitions majeures. Si en 2008, il était touché au pied droit pendant l’Euro, la médiocrité de son Mondial 2010 reste à ce jour injustifiable.
Quarts de finale = Ballon d’Or ?
Le Championnat d’Europe des nations de 2012 est donc l’occasion pour CR7 d’achever sa rédemption en équipe nationale. Pour cela, il va devoir outrepasser deux choses : la lourde pression qui va peser sur ses épaules bodybuildées, ainsi que son individualisme récurrent au Portugal. D’après ses récentes interventions dans la presse nationale, le Madrilène s’estime prêt et détendu à l’orée de l’affrontement déjà décisif contre la Mannschaft. Prêt, peut-être, détendu, cela paraît tout de même un peu gros. Car le Portugais sait que, pour empêcher Lionel Messi de gratter un quatrième Ballon d’Or et ainsi concrétiser sa fabuleuse saison sous la tunique blanche de Madrid, il devra péter la baraque et permettre aux siens de sortir du groupe de la mort.
Un problème qui engendre automatiquement celui de l’individualisme. Car à vouloir toujours tout faire mieux que les autres, à vouloir marquer plus de buts que Messi et à alimenter YouTube en gestes techniques farfelus, Cristiano Ronaldo en oublie régulièrement ses coéquipiers, qui, pourtant, ont le même maillot que lui. Pour éviter que ce scénario ne se reproduise en Pologne-Ukraine, Paulo Bento et Ricardo Quaresma ont déjà volé au secours de leur star en assurant publiquement qu’elle n’avait pas besoin d’un bon Euro pour gagner le titre individuel suprême.
CR7 ailier, pas électron libre
Sur un plan purement tactique, les personnes estimant CR7 capable de plier un match tout seul en Selecção – donc lui-même et ses fans – se trouvent dans l’erreur. Paulo Bento, depuis son arrivée à la tête de l’équipe nationale lusitanienne, il y a bientôt deux ans, a tout de suite tenu à construire son système autour d’un collectif et non de son seul capitaine. Le registre dans lequel évolue Cristiano Ronaldo en sélection est donc totalement différent. Il doit jouer beaucoup plus bas qu’au Real, proposer des solutions à ses partenaires en étant proche d’eux, sans dézoner, et jouer court plutôt que dans la profondeur. De plus, Paulo Bento préfère tenir le ballon et dominer. Les contres, domaine dans lequel peuvent s’exprimer toute la vitesse et la force physique du Ballon d’Or 2008, se font donc plus rares et les opportunités de marquer s’en trouvent amoindries pour lui.
Avec la Selecção, il a donc beaucoup moins de liberté tactique – ce qui est paradoxal, quand son coach en club s’appelle Mourinho – mais aussi spatiale. CR7 subit beaucoup plus le marquage adverse qu’au Real car les entraîneurs adverses estiment que lui seul est vraiment dangereux et préfèrent souvent concentrer tous leurs efforts défensifs sur la perle portugaise, plutôt que sur le très modeste Hélder Postiga. Enfin, le mannequin-joueur a tendance à trop mépriser ses équipiers dans les moments qui fâchent. À force de jouer avec des Rooney, Giggs, Özil ou Benzema, le reste du monde lui semble trop petit. Dans ces cas-là, il a tendance à prendre le ballon pour lui tout seul et est capable de tirer 50 fois du milieu de terrain en espérant marquer à un moment ou un autre. Conséquence : Moutinho, ainsi que Meireles, chargés de distribuer le jeu, ne touchent plus le ballon et le Portugal joue n’importe comment, au point de reculer et de subir, même face aux plus faibles. Ça tombe bien, ce soir, la Selecção das quinas joue contre une équipe pas trop naze…
Par William Pereira