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L’Euro 2000 d’Antonio Conte
Il y a 16 ans, Antonio Conte disputait son premier Euro. À 30 ans, entre bicyclette du tibia, calvitie presque à terme et semelle destructrice de Gheorghe Hagi…
Ce n’est probablement pas le plus beau retourné acrobatique de l’histoire du foot. À bien y regarder, le geste est même autant laborieux que les deux dernières actions qui l’ont amené. Après un très beau relais avec Stefano Fiore, qui l’exporte sur le côté gauche de la surface de Rüstu, Filippo Inzaghi loupe totalement sa remise dans l’axe. Mais à son plus grand bonheur, Alpay Özalan fait encore pire en se dégageant d’une aile de pigeon d’une mollesse indicible.
Emporté dans son élan, Antonio Conte voit le ballon le surmonter, mais pas d’autant qu’on ne pourrait le penser. Du coup, le trentenaire exécute une semi-bicyclette sans vraiment sauter et, du tibia, envoie – « catapulte » serait exagéré – le ballon au fond des filets des pauvres Turcs. En plus de libérer son équipe qui commençait à s’empêtre à la finition, Conte se sent revivre : à l’automne de sa carrière, il joue en effet seulement son troisième match pour l’Italie en compétition internationale.
Revanche à prendre
La relation entre Conte et la Nazionale n’a jamais été évidente. Emmené aux États-Unis pour la World Cup 94, alors qu’il n’a que 78 minutes dans les jambes sous le maillot national, le milieu de terrain de la Juventus est cantonné au banc pendant les quatre premiers matchs. Au second tour, il participe aux victoires contre l’Espagne et la Bulgarie (2-1), avant de retrouver la banquette en finale.
Par la suite, le natif de Lecce va passer son tour lors des Euro 96 et de la Coupe du monde française à cause de la concurrence (Albertini, Donadoni, Di Biagio, Dino Baggio, Di Matteo, entre autres) et d’une rupture des ligaments croisés en 1996. Et lorsque Dino Zoff décide d’en faire un titulaire à part entière dès le troisième match des qualifs pour l’Euro belgo-néerlandais, Conte se rend compte que c’est probablement sa dernière chance de briller en tournoi international.
De capitaine à leader national
Lors de la saison 1999-2000, Antonio est un des cadres de la Juventus. Il a repris le rôle de Didier Deschamps, parti à Chelsea, et est le n°6 attitré de Carlo Ancelotti, qui lui redonne confiance dans son rôle de capitaine. Tous les voyants sont au vert pour réussir un coup avec l’Italie, surtout qu’il se retape bien vite d’une blessure à la cheville subie en préparation face à la Norvège. Mais la presse sportive n’est pas rassurée quant au niveau des Italiens : après une fin d’éliminatoires chaotique, ils ont enchaîné les défaites en préparation et, cerise sur le gâteau, ils doivent se produire sans le prometteur gardien Gianluigi Buffon et le buteur Christian Vieri, tout deux blessés.
Qu’à cela ne tienne, l’Italie n’est jamais aussi forte que quand on la dit moribonde, et Conte veut emmener les siens au plus haut. Pour le deuxième match, le quasi chauve règne au milieu de terrain avec Demetrio Albertini et la Belgique se casse (déjà) les dents sur l’organisation italienne (2-0). La qualification est en poche.
« Cette faute était destinée à me casser la jambe. »
Mis au repos lors du match pour du beurre face à la Suède – que l’Italie remporte quand même 2-1 – Antonio revient en force et en forme pour le huitième de finale face aux vieillissants Roumains des Hagi, Munteanu et Filipescu. De nouveau solide dans l’entrejeu, il voit Totti et Inzaghi mettre les siens à l’abri avant même la pause. Peut-être se dit-il alors qu’il va enfin faire intégralement partie d’une équipe historique… mais le destin va en décider autrement. Le destin, mais surtout Gheorghe Hagi, en fait. Le vétéran roumain, exaspéré de voir son équipe déjouer et filer vers une nouvelle désillusion, essuie littéralement ses crampons sur le Bianconero, en tentant de déguiser son geste via une roulette.
Le Roumain prend un jaune, Conte le brancard, les ligaments de la cheville touchés. Après le match, Hagi – exclu quatre minutes après l’incident pour simulation – se présentera dans le vestiaire italien où Conte refusera ses excuses. « Tout professionnel sait à quel point c’est facile de casser la jambe d’un adversaire, confiera l’infortuné en conférence de presse. À ce moment-là, j’ai vu que c’était prémédité. Je n’ai aucun doute sur le fait que cette faute était destinée à me casser la jambe. » Des paroles fortes, mais pas autant que la déception qui anime le malheureux Conte, qui décide néanmoins de rester avec le groupe. « C’est dommage, j’étais en bonne forme, je jouais bien(…)C’est la troisième blessure sérieuse de ma carrière, mais je suis sûr que je reviendrai aussi bon que neuf. » Conte ne portera plus jamais la vareuse italienne, mais il profitera déjà de son statut de grand frère du noyau jusqu’à la fin du tournoi pour développer sa passion pour son futur boulot : le coaching.
Par Émilien Hofman