- Belgique
- Retraite d'Eden Hazard
Lettre à Eden Hazard
Eden Hazard a donc décidé de tirer sa révérence. Il est temps de dire adieu à celui qui a marqué toute une génération par son talent.
Eden,
J’ai toujours dit que tu jouais pour l’amour. Et tant pis si tu passais pour un rêveur. Et pour celui qui pense plus plaisir qu’ambition. Presque utopiste, tu me faisais oublier demain en me focalisant sur aujourd’hui. Par ta fougue et la recherche constante de prise de risque, il t’a fallu donc seize ans de carrière pour contredire Raymond Vincent. Non, l’avenir n’appartient pas toujours aux audacieux. Mais aussi aux rois de l’improvisation. Aux gens qui prennent les choses comme elles viennent. Comme toi certainement, j’ai été ce petit garçon qui ne s’avançait jamais sur ses devoirs la semaine, mais qui profitait quand même à fond du week-end. J’ai cette anecdote de Rio Mavuba dans la tête. Celle qui parlait d’un jeune Dogue de 21 ans – d’ailleurs élu pour la deuxième fois consécutive meilleur joueur de la Ligue 1, après avoir accessoirement glané le titre du meilleur espoir deux ans plus tôt – qui avait croqué Nancy d’un triplé en 30 minutes pour clôturer son aventure lilloise, toujours bourré de la veille. Désormais, j’en suis sûr, je ne peux pas croire en l’amour si je ne crois pas en la folie.
On dit qu’on ne le vit qu’une fois, mais je t’assure Eden, avec toi, j’ai ressenti un coup de foudre à plus d’une reprise. Logique quand on aime la passion, le geste fin, le dribble et les contrôles sucrés. Je n’avais pas prévu de décoller de mon canapé un lundi soir en 2019. Mais ce jour-là, tu te remets dans le sens du jeu par une talonnade, tu laisses ton parfum sur la peau de Declan Rice d’une poussée de balle, tu te farcis la défense en solo d’un double contact comme on claquerait la bise, et tu termines du pied gauche quand tu m’as habitué à finir du droit. Ce jour-là, tu t’étais permis de choisir la musique qui fait danser West Ham. Oui, l’amour nous fait valser. Et pourtant, depuis longtemps, j’avais choisi d’aller où tu iras pour le prix d’un je t’aime. Un an plus tôt, tu avais guidé les Diables vers une troisième place historique à la Coupe du monde. Sur le chemin, tu avais dégoûté Thiago Silva ou encore Benjamin Pavard par tes coups de reins. Sans aucun doute, tu resteras le joueur le plus talentueux de l’histoire belge. Tu as changé le visage de toute une sélection jusqu’à l’incarner.
Le rire contagieux, tu parvenais aussi à perturber tout ton monde en dehors du rectangle vert. Ce fou rire mythique avec Demba Ba et John Terry au moment de se moquer de l’accent anglais de Branislav Ivanović avec le costume de Chelsea est certainement l’une de tes plus grandes réussites. C’est toi aussi qui te l’étais joué DJ et avais retourné la Grand-Place de Bruxelles. Je n’avais pas envie de voir quelqu’un d’autre sur le balcon. Et qui à part toi, en même temps ? Tu ne te souciais pas de ton image, des critiques autour des tristes blessures et de ton hygiène de vie. Et pour répondre à tout ça, tu as admis que les doutes étaient légitimes avant de continuer d’engranger les caramels, à en vomir. Le dernier date de septembre 2022, mais cette fin de carrière compliquée ne fera pas oublier toutes les galettes que tu as distribuées. Que dire, à part que si l’amour rend bête, pendant seize ans, j’étais complètement con.
À toi Eden Hazard. Mon Roi. Tu vas me manquer.
Par Matthieu Darbas, inconsolable