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L’étape des Champs-Élysées
Comme des coureurs du Tour qui arrivent sur les Champs-Élysées, les Bleus sont au bout de la route. Plus que quelques gouttes de sueur à verser et un match apparemment tranquille contre la Biélorussie à gérer et ils pourront lever les bras sur la ligne d'arrivée. Mais Deschamps refuse tout triomphalisme.
Après avoir avalé environ 3500 bornes en trois semaines, s’être coltinés des montagnes qui font mal, des plaines qui n’en finissent pas et des villages où Google Street View n’a jamais pris de photo, les coureurs du Tour de France ont enfin le droit de souffler quand ils aperçoivent l’Arc de Triomphe se dessiner au loin. À part la tripotée de sprinteurs zinzins qui bouillonnent avant d’en découdre sur la plus belle avenue du monde, personne dans le peloton ne prend cette dernière étape très au sérieux. Les derniers coups de pédale avant d’entrer dans la capitale sont surtout l’occasion de rigoler un grand coup, de prendre des photos, et même de s’offrir une petite coupe de champagne pour ceux qui l’ont méritée. Avec son maillot jaune de leader sur le dos, l’équipe de France pourrait aisément céder à cette tentation.
Les Bleus sont assurés de terminer à l’une des deux premières places du groupe, reçoivent la très faible Biélorussie au Stade de France, et le seul adversaire qu’il leur reste, la Suède, doit gérer un déplacement périlleux aux Pays-Bas. Le genre de contexte qui file le sourire même aux plus pessimistes. Sauf que comme l’a rappelé Deschamps en sortant du terrain après le match contre la Bulgarie, « maintenant, il faut terminer le travail » . C’est-à-dire ne pas pêcher par orgueil, et décrocher enfin la timbale après une année passée à vadrouiller aux quatre coins de l’Europe pour ces foutus éliminatoires.
Pas de relâchement
Le fait que ni Deschamps ni ses joueurs ne jubilaient après la victoire à Sofia n’est ni un excès de prudence ni de la fausse modestie. Et même si tout le monde sait que les Bleus sont en ballottage archi-favorable et que la Biélorussie est tout sauf un cador, une victoire, ça s’obtient en allant au charbon. Il y a un an à Borisov, aux confins du Vieux Continent, la France avait d’ailleurs entamé sa campagne de qualifications pour la Coupe du monde par un vilain 0-0 contre les Biélorusses. Et aux dernières nouvelles, la France jouait à domicile quand elle a salement buté contre le Luxembourg (0-0) il y a un peu plus d’un mois.
À l’époque, les Bleus sortaient d’un match référence remporté 4-0 contre les Pays-Bas, et avaient sans doute pêché par décontraction. Alors pour que les mêmes maux ne touchent pas ses joueurs après le succès en Bulgarie, Deschamps avait tout prévu : « On va bien récupérer, c’est pour ça que j’ai pris l’option de rester à Sofia ce soir, pour avoir une nuit normale. Il ne nous reste qu’un match, faisons en sorte qu’il n’y en ait pas d’autres. Une victoire mardi, c’est synonyme de Coupe du monde, c’est quelque chose de fabuleux, les joueurs en ont conscience. Il n’y aura pas de relâchement. » Le grand manitou avait parlé, et les troupes étaient appelées à ne pas sortir de leur cocon pour mieux rester mobilisées. Une stratégie aussi prudente que logique pour une équipe qui n’a pas envie de se farcir des barrages pour la troisième fois d’affilée avant d’obtenir son ticket pour la Coupe du monde.
Pas comme 2009, pas comme 2013
Passer par les barrages, c’est déjà l’enfer. Et pourquoi faire compliqué quand on peut faire très compliqué ? Les Bleus ont réussi à se mettre dans des galères pas possibles en 2009 et en 2013 avec la main de Thierry Henry contre l’Irlande, puis la confrontation démente face à l’Ukraine et le doublé de Mamadou Sakho. Qui a envie de passer le mois de novembre à attendre que la France se tape un barrage contre la Slovaquie ou la Croatie ? Avant le match de samedi dernier, Lloris frissonnait en repensant aux campagnes précédentes : « J’ai connu 2009 et 2013… Le barrage, c’est vraiment synonyme de dernière chance, mais c’était un contexte tout autre. » Effectivement, le chemin vers les barrages était tout dessiné en 2013 quand l’équipe de France était dans le groupe de qualif’ de l’Espagne, alors double championne d’Europe et championne du monde en titre.
Quatre ans plus tôt, les Bleus s’étaient fait avoir bêtement dans un groupe remporté par la Serbie. Défaite contre l’Autriche, deux matchs nuls contre la Roumanie, victoire dégoûtante 1-0 contre les îles Féroé… Tout s’était mal goupillé et la France pleurait ce Mondial 2006 pas si lointain où elle terminait en finale. Alors en attendant la Biélorussie, même les gars pour qui ces années-là ne sont que des souvenirs d’enfance gardent les sourcils froncés. « Il reste un match, donc on reste sérieux » , martèle Rabiot. « Ça va être à nous de tuer le match le plus rapidement possible contre la Biélorussie » , enchaîne Mbappé. Le couteau entre les dents, Matuidi conclut : « Il nous reste une dernière bataille. » Tous en chœur, les Bleus ne font que paraphraser les mots du général Didier Deschamps. Et mardi soir, les Français seront peut-être sur les Champs-Élysées pour fêter enfin cette fichue qualification.
Par Alexandre Doskov