- Euro 2012
- Groupe D
- France
L’esprit de Noël
Logé à la même enseigne que les joueurs, assistant à tous les entraînements, omniprésent dans les médias, Noël Le Graët fait tout le contraire de son prédécesseur à la tête de la FFF. Pas forcément une mauvaise idée.
Sa conférence de presse est terminée depuis une grosse dizaine de minutes, mais il n’a toujours pas quitté les lieux. Contrairement au sélectionneur ou aux joueurs de l’équipe de France, qui repartent d’habitude sur le champ au camp de base de Kirsha, Noël Le Graët semble se plaire dans le hall d’entrée de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Donetsk, où il tape la discute avec quelques journalistes. Depuis l’arrivée des Bleus en Ukraine, il y a une semaine, c’est la deuxième fois que le président de la Fédération prend la parole publiquement, après une session de questions/réponses improvisée vendredi dernier. Omniprésent, il est le seul dirigeant national à avoir élu domicile au même endroit que sa sélection pour toute la durée de la compétition. « Je suis discret dans la vie, je le suis aussi ici, tente-t-il pourtant de convaincre. Je ne suis pas là pour surveiller. » On veut bien le croire, mais faut que Noël nous explique ce qu’il fait là, du coup…
Éviter le fiasco Escalettes
Il a bien tenté, dans un entretien accordé au Parisien le 4 juin, de nous placer qu’il était là en supporter ( « C’est par passion du football d’abord. Je suis content de vivre avec eux. C’est aussi un plaisir personnel. » ), mais le président normal ne nous fera pas croire que c’est l’augmentation des tarifs de l’hôtellerie en Ukraine qui l’a poussé à choisir cette solution d’hébergement. Même si la référence finit par devenir un running gagun peu éculé, l’explication se trouve une fois de plus du côté de Knysna 2010. Au moment même où le groupe était en train d’exploser, Jean-Pierre Escalettes découvre chaque nouvel épisode du feuilleton six mois après tout le monde, comme un type qui attendrait la diffusion télé alors que toute la saison est déjà dispo en streaming sur internet. Résultat : une série de décisions ubuesques, de l’exclusion sans procès d’Anelka à l’organisation d’une conférence de presse lors de laquelle il se retrouve à côté d’un Patrice Évra en train de sulfater toutes ses décisions.
Pour éviter que la situation ne se répète, Noël Le Graët a donc choisi de vivre au cœur de l’équipe. Afin d’être informé en temps réel de tout problème, évidemment, mais aussi pour faciliter le contact avec les joueurs, pour que les discussions se forment plus naturellement. Ce mardi, assistant comme tous les jours à l’entraînement, on a ainsi pu le voir s’entretenir avec Samir Nasri, après la polémique sur la célébration de son but. « Ils peuvent compter sur moi s’il y a un incident » , résume le Guingampais. L’intention est louable, si toutefois l’incident n’est pas justement provoqué par sa présence. Interrogés sur leur ressenti, les joueurs ont évidemment indiqué que leur pourvoyeur de primes ne les dérangeait nullement, mais on sait comment ça se passe : sur l’air de « Non, papa, ça ne me dérange pas que tu restes à la maison pour ma fête d’anniversaire avec tous mes copains… » À d’autres.
Un match de baby avec Blanc
Plus qu’avec les joueurs, ce sont les relations de Le Graët avec le sélectionneur qui interrogent. Depuis des mois, la question du renouvellement de contrat de Laurent Blanc a, en effet, tendu la situation entre les deux hommes, d’autant plus que Noël a réaffirmé aujourd’hui sa position : « Nous aurons un rendez-vous après l’Euro quoi qu’il arrive, pas avant. » À l’entendre, pourtant, les deux présidents vivraient leur cohabitation dans une totale harmonie. « Ça se passe super bien avec le staff, je vous assure, sinon je ne viendrais pas ici vous parler, promet NLG. Avec Laurent, on prend notre petit déjeuner ensemble le matin, on déjeune ensemble le midi, on dîne ensemble le soir. Tout à l’heure, on va même participer au tournoi de baby-foot tous les deux. Lui en défense, moi en attaque. » Une véritable comédie romantique.
Comme toute innovation, l’attitude de Le Graët sera jugée à l’aune du résultat final de l’équipe de France. Si celle-ci ne parvient pas à sortir des poules, l’influence maléfique du président de la FFF sera ajoutée au feutre rouge à la liste des explications de l’échec. Si elle gagne son troisième championnat d’Europe, le catalyseur de la bonne ambiance, le ciment du groupe, sera porté en triomphe de la place de la Concorde à l’Arc de Triomphe. Dans tous les cas, il faudra attendre la fin de cet Euro pour savoir si, oui ou non, Noël le regrette.
Thomas Pitrel, à Donetsk