- Groupe H
- Espagne/Suisse (0-1)
L’Espagne sur le divan
Ils étaient beaux, forts et héroïques. La défaite des espagnols contre la Suisse a réveillé les névroses de la lose espagnole. « On a perdu que 2 matchs en jouant comme ça » rappelle Villa. Sauf que c'était en Coupe des Confédérations, et maintenant en Coupe du Monde. Alors, jamais 2 sans 3 ?
« L’Espagne croit que les matchs se gagnent grâce au style. C’est faux. Le style n’est qu’un point de départ » . Jose Samano, dans El Pais, est peut-être le seul espagnol à avoir compris ce qu’il s’est passé hier à Durban. Mais cette défaite est peut-être un peu plus qu’un accident. Car ici, on le sait, le football espagnol est le plus beau, le plus risqué et le plus harmonieux. L’Espagne a remporté l’Euro à coup de football champagne. Le Toque est devenu l’alpha et l’omega footballistique en sélection. Interdiction est faite de questionner le postulat, sinon c’est le bûcher. Mieux vaut se tenir à carreau car côté Inquisition, dans le Royaume d’Espagne, on y connaît un rayon.
Du coup, on rembobine les cassettes et c’est le complot anti-Toque qui est dans le coup. As accuse Howard Webb et ses assistants. Le but suisse est « clairement hors-jeu » et il y a « pénalty sur Silva » en début de match. Pire, c’est une malédiction qui s’acharne sur l’Espagne. Jamais la Roja n’a dépassé les huitièmes après avoir perdu son premier match. Le refoulé fait son retour à grand coup d’infographie dans les colonnes de As et d’El Pais. La lose à l’Espagnole au premier tour, c’est surtout une tradition: 5 défaites (la dernière en France, 3-2 contre le Nigeria), 3 nuls et seulement 4 victoires.
Le fond c’est la forme
Mais à trop se soucier de la forme, c’est le fond qui s’est dérobé sous les pieds ibériques. A force de trop s’aimer et de jouer les « maniéristes » (El Pais), les espagnols ont manqué d’efficacité et surtout, de pragmatisme – un gros mot pour Xavi. Moins tranchant contre la Suisse, le milieu du Barça l’a mauvaise: « Ce qui vient de se passer me rappelle le match de Ligue des Champions. La Suisse a joué comme l’Inter de Mourinho. Nous avons dominé tout le match . Eux, ils ont marqué à la seule occasion qu’ils ont eu. C’est un malheur footballistique (…) cette défaite est injuste » . En gros, quand le Barça/l’Espagne perd, tout le monde perd. Seule solution à la crise, « faire la psychanalyse du jeu espagnol » . José Samano a (encore) raison. Mais ici c’est Madrid, pas Buenos Aires.
Donc quand l’Espagne termine le match avec 70% de la possession et 24 frappes (5 cadrées) au compteur, Marca est fier. Pour le quotidien madrilène, cette défaite n’est qu’un « accident » . Mais le foot n’est pas du cirque. Ce qui avait fait des espagnols la terreur des milieux de terrain, était leur capacité à accélérer balle au pied, à dédoubler les passes et à atteindre une vitesse vertigineuse dans les petits espaces. Or, avec un Xavi passé au diesel, l’équipe perd le tempo, Villa devient un attaquant de Ligue 1, Busquets ne sert plus à rien, Alonso redevient un joueur du Real et les deux latéraux (Ramos et surtout Capdevilla) montrent leur vraie nature : des analphabètes tactiques. Bref, l’Espagne sans vitesse c’est le Variété Club de France.
Avoir raison
Pour la suite, La Moustache Del Bosque en appelle à l’orgueil. Ses joueurs doivent prendre leur « revanche » contre le Chili et Honduras. Pourtant, il n’y aura pas de remise en question. Pire, pour Piqué cette défaite a servi à montrer qu’ils avaient raison, en fait : « On va enfin nous foutre la paix avec cette histoire de favoris. Nous avons essayé d’en faire abstraction. Maintenant il n’y a que la victoire qui compte. Mais dire que nous sommes les grands favoris… c’est faux » . Ok Gérard t’avais raison. Ça va mieux maintenant ?
Thibaud Leplat, à Madrid
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