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L’Espagne dans le rouge

Par Javier Prieto Santos
5 minutes
L’Espagne dans le rouge

Grande favorite de la compétition, l’Espagne a tout de même trouvé le moyen de se tirer une balle dans le pied en limogeant son sélectionneur, Julen Lopetegui, à deux jours de son entrée dans la compétition. Retour sur un grand n’importe quoi.

Qui aurait pu croire que la troisième Ligue des champions d’affilée remportée par le Real Madrid allait provoquer un tremblement de terre dans la sélection espagnole ? Personne. Même pas Lopetegui. La boîte de Pandore a été ouverte tout de suite après que la coupe aux grandes oreilles a été soulevée par les Merengues. Ce 26 mai 2018, Cristiano Ronaldo fait frémir tous les socios madrilènes en suggérant qu’il est sur le départ. Quelques minutes plus tard, Gareth Bale lui emboîte le pas. Dans la foulée, Sergio Ramos, le capitaine du Real et de la Roja, interrompt sa célébration sur la pelouse pour désamorcer les deux bombes avec le sourire : « Cristiano et Bale ont envie de partir ? Bon ben, on s’en va tous alors, c’est ça ? »

Oui c’est ça, puisque trois jours après le match contre les Reds, Zidane enfonce le clou en annonçant lui aussi son départ du club. Aux cotés du Français lors de sa dernière conférence de presse, Florentino Pérez galère à cacher sa déception face aux caméras des journalistes. Après que Ronaldo lui a gâché la célébration de la Ligue des champions, le président du Real a l’impression de se faire lâcher par Zizou. Un contretemps fâcheux pour celui qui voulait capitaliser sur le succès merengue pour craquer son carnet de chèque cet été. Sans entraîneur, difficile de négocier ou renégocier avec des joueurs, d’autant que tous les grands coachs sont déjà casés. Le Real tente donc de séduire Pochettino. Raté. Les pistes Guti et Fernando Hierro, elles aussi évoquées, sont vite balayées. Après la rumeur Villas-Boas, le club se tourne finalement vers Lopetegui.

Fusible et love story

Pas vraiment médiatique, pas vraiment expérimenté et pas vraiment sexy, le Basque n’est clairement pas le profil d’entraîneur que Pérez affectionne. Un choix par défaut ? C’est un peu ça. Reste que Lopetegui a pour lui d’être le seul à avoir accepté le défi de passer derrière un coach qui a tout gagné. Trop heureux de signer au Real, chose franchement impensable il y a encore quelques mois, Lopetegui va devoir composer avec la folie des grandeurs de Florentino Pérez. Le créateur des Galacticos a le chéquier qui le démange et envie d’un nouveau cycle. S’il sait désormais que les grandes histoires d’amour finissent toujours mal (Ancelotti, Zizou), Pérez sait aussi qu’il faut un petit flirt pour commencer une nouvelle love story : Lopetegui, comme Rafael Benítez récemment, ne devrait pas faire long feu à la Maison-Blanche. Ce rôle de fusible censé assurer une transition le temps qu’un grand coach de renom soit libre, c’est pourtant la vie que Lopetegui a décidé de mener.

« Tout cela nous rendra plus forts »

Il y a encore quelques jours, pourtant, le Basque rêvait de remporter la Coupe du monde avec la Roja. À peine arrivé à Krasnodar, le coach reçoit un coup de fil du Real Madrid. Il accepte la proposition sans prendre la peine d’en discuter d’abord avec Luis Rubiales, le président de la Fédération. Ce dernier apprend la nouvelle (mardi), alors qu’il fait escale à Moscou pour se rendre à Krasnodar, où se trouve le QG de la Roja. Au bout du fil, Florentino Pérez lui annonce qu’il va officialiser la signature de Lopetegui. Rubiales tombe des nues et tente de convaincre son interlocuteur d’attendre la fin du Mondial pour ne pas dynamiter la préparation de la sélection. Pérez refuse et raccroche. Trois minutes plus tard, le site du Real Madrid casse les Internets en annonçant que Lopetegui est le nouvel entraîneur du club. Un communiqué que les internationaux espagnols évoluant au Real n’ont même pas eu besoin de lire.

Avertis bien avant Rubiales, les joueurs madrilènes font circuler l’info lors du déjeuner de mardi. Le malaise est palpable, et Lopetegui décide de convoquer une réunion d’urgence pour crever l’abcès. Trop tard. Il s’est déjà foutu une partie de son groupe à dos. Seul Sergio Ramos soutient le sélectionneur et son futur coach. L’Andalou est aussi le seul à vraiment faire le forcing pour que Lopetegui reste en poste. Impossible pour Rubiales et Fernando Hierro, le directeur technique national, qui décident de virer le Basque, après l’avoir copieusement sermonné. Au-delà des frictions que cela pourrait causer chez les joueurs, Rubiales a expliqué aujourd’hui que cette décision relevait tout simplement du bon sens : « La sélection est l’équipe de tous les Espagnols, et cette décision intervient après la manière dont Lopetegui a agi. La Fédération n’a jamais été informée des négociations entre Julen et le Real Madrid. Il y a des manières de faire les choses et celle-là n’est pas acceptable. Nous étions obligés de prendre cette décision. » Une manière de dire que personne n’est plus important que la Roja. Car Rubiales en est persuadé : le style de jeu de l’Espagne, l’expérience des cadres et l’envie d’en découdre des plus jeunes seront largement suffisants pour que l’équipe fasse bonne figure en Russie. « On pourrait penser que nous sommes en position de faiblesse, mais nous défendons les valeurs de la sélection, enfonce-t-il. Avec le temps, tout cela nous rendra plus forts. » Fernando Hierro, le nouveau sélectionneur de la Roja, a deux jours pour ne pas contredire son patron.

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