Les vœux pieux de Chantal Jouanno
Chantal Jouanno est une vrai sarkozyste. Elle promet à gauche et donne à droite. Le foot français peut dormir tranquille après le cauchemar de 2010.
Madame la Ministre des Sports, Chantal Jouanno, s’est livrée à son premier exercice de communication un peu consistant en présentant ses vœux à la presse jeudi dernier (mais après que Nicolas Sarkozy eut de son côté offert les siens au monde sportif, annonçant en exclusivité une mesure phare en faveur des retraites des athlètes de haut-niveau, en gros des trimestres contre des médailles). Les “spécialistes”, dont peu l’attendaient à un tel poste, ont donc découvert à cette occasion les convictions intimes de la championne de France en karaté kata par équipe. Entre belles déclarations réconfortantes pour le sport amateur, sans véritable ligne budgétaire (les caisses sont vides et le budget des sports ne cesse de s’évaporer, au point que pour la première fois l’apport du CNDS dépasse l’investissement propre de l’État) et de jolis cadeaux pour les pros, sans nouveautés, elle a largement confirmé qu’elle a surtout atterri dans cette galère pour gérer l’intendance en attendant 2012. Ce qu’elle a parfaitement résumé d’une belle formule laconique, taclant au passage sans la nommer l’ancienne pensionnaire des lieux, miss Rama Yade : « J’aime travailler car je ne crois pas que les ministres soient de simples VRP communicants » .
Tout le début de son intervention ne constitue de fait qu’une immense dissertation sur les vertus « civiques » , voire « républicaines » du sport, et sur l’exemplarité des sportifs, qui, sous son autorité, « retrouvent un ministère plein, un ministère dédié, ils ne sont plus le partenaire incertain de la santé ou de la jeunesse » . Et une autre caresse martiale pour sa collègue Roselyne Bachelot. Avec des accents qui rappellent les grandes heures de Marie-Georges Buffet, celle pour qui « être Ministre des Sports, c’est un défi politique : c’est préserver cet “espace sacré”, où la spéculation et les lois du marché n’ont pas leur place » , se donne pour mission principale de lutter contre « les inégalités » (par exemple dans le foot en faveur des femmes, en citant en exemple les “Ni Putes Ni Soumises”, un reste Amarien ?). Avec en point d’orgue la création d’une « Assemblée du sport » où s’expérimentera, sans rire, « la démocratie participative » qu’elle se vante d’avoir mise au centre de son action à l’écologie.
Une fois passées ces belles envolées sous la double casquette de Coubertin et Jaurès, les annonces concrètes, notamment dans le foot, nous ramènent plus prosaïquement vers le tube cathodique et le business. D’abord en faveur du vidéo-arbitrage, mesure combattue pourtant par tous les puristes idéologiques de l’humanisme sportif qu’elle encense d’autre part : « Choisissons plutôt de pacifier les débats par l’arbitrage vidéo. Même si nous avons un doute parfois sur les arbitrages, nous devons les taire. Et la meilleure façon de pacifier les débats sur ce sujet reste d’ailleurs l’arbitrage vidéo » . Ensuite pour soutenir les grandes installations sportives (et là les chiffres tombent en millions d’euros, 400 en tout). Le sport pro ne semble donc guère de toute façon concerné par les élans sociaux : « Ce que nous devons accepter, c’est que les clubs pros se dotent de leurs actifs financiers pour être moins dépendants des transferts ou des droits TV » . Y compris avec l’argent public. Et le soutien, facile et sans conséquence, au fair-play financier de Michel Platini saupoudre d’une touche consensuelle son sens du grand écart.
Enfin cerise sur le gâteau démagogique, les supporters ont aussi droit à leur petite attention. En plus évidemment de la loi Loppsi II. « Le dispositif de répression est aujourd’hui très documenté. Encore une fois, celui sur la prévention est faible mais nous avons une excellente base avec le Livre vert du supportérisme. Je mettrai en œuvre dès cette année ses principales recommandations. Nous allons ainsi créer un comité du supportérisme qui prendra la forme d’un groupe de travail permanent associant des représentants des supporters, la famille du football, les ministères chargés des Sports, de l’Intérieur, de la Justice et les collectivités. Je compte donner aux associations de supporters la place qui leur convient » . Vu le soutien sans faille qu’elle affirme plus haut à Robin Leproux, on n’ose imaginer ce qu’elle entend par « associations de supporters » .
.Pendant ce temps Gérard Collomb, le sénateur-maire PS de Lyon, et Jean-Michel Aulas, se rendaient, main dans la main, à l’Elysée auprès de Claude Guéant, afin de discuter entre grandes personnes d’OL Land.
Par Nicolas Kssis-Martov
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