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Les Versets zlataniques
Alors que la Suède s’apprête à se qualifier tranquillement pour l’Euro, après avoir atteint les quarts de finale de la dernière Coupe du monde, Zlatan Ibrahimović s’enfonce tristement dans son personnage de bad boy égocentrique. Au grand plaisir de ceux qui continuent à applaudir une caricature.
Voilà ce que déclarait Zlatan Ibrahimović en conférence de presse avant l’Euro 2016 : « J’ai placé la Suède sur la carte du football mondial et je l’ai également fait pour la France. J’en suis ravi. » Comme d’habitude, on a retenu la punchline, on a bien rigolé et on s’est dit qu’il était quand même fort, ce-bon-vieux-Zlatan. Et puis la Suède s’est fait sortir au premier tour d’un championnat d’Europe à 24 où il fallait pourtant le vouloir. Zlatan ayant mis fin à sa carrière internationale sans avoir jamais réussi à offrir une épopée digne de ce nom à sa sélection, cette dernière est allée sans lui au Mondial 2018, a terminé en tête d’un groupe où évoluait aussi l’Allemagne, et s’est arrêtée en quarts de finale, pendant que la France, ce pays « qu’il avait mis sur la carte du football mondial » , allait décrocher sa deuxième étoile.
Le seul rôle du géant suédois dans cette Coupe du monde russe aura été joué sur une petite scène du hall de l’hôtel Marriott Novy Arbat, à Moscou, le jour du match d’ouverture. Invité par le sponsor Visa, il déclarait qu’ « au moins » , ses anciens coéquipiers de sélection « n’auront pas de pression. Quand je suis là, ils savent qu’ils sont obligés de gagner. Moi, je suis venu avec ma propre équipe, l’équipe Visa, et nous allons défier les autres équipes pendant toute la compétition. Je pense que le numéro un du football doit travailler avec le numéro un du paiement. » Un bon (et triste) résumé de ce qu’est devenu Zlatan Ibrahimović depuis quelques années.
« Retournez regarder du baseball »
Bien sûr, la vieillesse est un naufrage, et personne n’oserait reprocher à un joueur son déclin. Bien sûr, on ne peut blâmer Zlatan pour être né dans un pays qui ne produit pas treize champions à la douzaine. En revanche, ce qu’on peut remettre en cause, ce sont ses choix. Et ses paroles. Après l’élimination de son LA Galaxy par les nouveaux venus du Los Angeles FC il y a quelques semaines, l’attaquant a lâché ceci : « Si je reste, ce serait bon pour la MLS parce que le monde entier va la regarder. Si je pars, personne ne se souviendra de ce que c’est. » Puis, au moment d’annoncer qu’il quittait le club dans lequel il a évolué deux saisons sans rien gagner, il a écrit sur Twitter : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai conquis. Merci LA Galaxy de m’avoir fait me sentir vivant à nouveau. Aux fans des Galaxy, vous vouliez Zlatan, je vous ai donné Zlatan. De rien. L’histoire continue… maintenant retournez regarder du baseball. »
I came, I saw, I conquered. Thank you @lagalaxy for making me feel alive again. To the Galaxy fans – you wanted Zlatan, I gave you Zlatan. You are welcome. The story continues… Now go back to watch baseball pic.twitter.com/kkL6B6dJBr
— Zlatan Ibrahimović (@Ibra_official) November 13, 2019
Deux saillies accueillies d’un tonnerre d’applaudissements par ceux qui avalent encore le personnage de ce-bon-vieux-Zlatan, sans doute les mêmes qui pensent que NTM peut encore sortir un bon album de rap aujourd’hui. Deux saillies qui veulent surtout dire deux choses. Primo, tout comme Zlatan est incapable de comprendre comment la Suède peut jouer mieux sans lui qu’avec lui, il n’a toujours pas compris que le modèle « je mise tout sur une grosse star » du LA Galaxy ne fonctionnait plus en MLS, désormais dominée par les franchises optant pour la construction d’une équipe cohérente et équilibrée. Secundo, Zlatan n’en a en fait plus rien à foutre, puisqu’il n’a plus besoin d’être bon pour faire tourner son petit business, qui n’a plus grand-chose à voir avec le football.
Le nouveau Beckham
Pour comprendre, il suffit de faire un tour sur son compte Twitter. D’abord, plusieurs publicités pour les gommes à mâcher Mind, avec ce slogan : « Si votre esprit est clair et concentré, vous aussi pouvez avoir du succès. Pas autant que Zlatan, bien sûr. » Une photo d’un téléphone Samsung dans l’espace affichant une photo d’Ibrahimović et accompagnée du message : « Vous saviez que Zlatan était une star, voici le selfie de l’espace qui le prouve. » Une pub pour Volvo Suède, une autre pour un site de paris en ligne espagnol. Arrivé dans le foot comme un vent de fraîcheur et de rébellion, Zlatan n’est plus qu’un épicier qui vend son image de bad boy égocentrique au plus offrant.
AC Milan, PSG, Manchester United et LA Galaxy, l’homme a ciselé sa fin de carrière comme s’il voulait nous faire comprendre qu’il serait aux années 2010 ce que David Beckham avait été aux années 2000. Un personnage qui réussit l’exploit de faire oublier à tout le monde qu’il a un jour été un très bon joueur de football. Entre les deux décennies, les réseaux sociaux ont remplacé la presse people, et les punchlines ont donc plus de poids que le fait de sortir avec une Spice Girl. Souhaitons donc à Zlatan de se trouver un club qui acceptera de se faire insulter par un attaquant de 38 ans en échange de quelques jolis buts, et surtout de nombreux produits dérivés vendus aux derniers gogos encore excités par cette caricature de lui-même. Puisque c’est la vie qu’il a choisi de mener.
Par Thomas Pitrel