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Les USA, un bon plan B pour le Mondial 2022 ?
Alors que les polémiques s'accumulent autour de l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, un respecté journaliste américain, Jorge Ramos d'ESPN, a laissé entendre que la FIFA avait demandé aux responsables de la candidature des USA, le finaliste perdant, de se tenir prêt en cas de changement de programme. Plan B par défaut ou vraie bonne idée ? Éléments de réponse.
* Oui, leur dossier avait plu à la FIFA
Le 2 décembre dernier à Zürich, si le Qatar a été retenu par les votants pour accueillir la Coupe du monde 2022, la candidature américaine n’a pas démérité en terminant finaliste : 14 votes pour le petit pays du Moyen-Orient contre 8 pour son concurrent au troisième et dernier tour de vote. Auparavant, les candidatures de l’Australie, du Japon et de la Corée du Sud avaient été recalées. Le dossier yankee apparaissait franchement bien ficelé, avec évidemment le soutien des instances du soccer (Fédération nationale et MLS), mais aussi des personnalités influentes telles que Henry Kissinger, Michael Bloomberg ou encore Arnold Schwarzenegger, à l’époque gouverneur de l’État de Californie. Médiatiquement, le magnat de la télé David Downs avait été désigné à la tête du comité de candidature. Enfin financièrement, les États-Unis peuvent toujours bénéficier du soutien de quelques-uns des plus gros sponsors de la FIFA : Coca Cola, Sony, Hyundai, BP, Adidas… Seul Emirates prend franchement fait et cause pour le Qatar.
Mais… Il serait un peu simpliste de considérer qu’il y a eu en décembre 2010 une victoire des méchants contre les gentils. La candidature américaine avait aussi eu son lot de casseroles. Quelques semaines avant le vote décisif, le Sunday Times avait révélé que deux officiels de la FIFA – filmés en caméra cachée – avaient été approchés pour les inciter à voter pour les USA contre de la fraîche. La FIFA avait d’ailleurs suspendu les deux loustics peu après la révélation du média britannique.
* Oui, les stades sont déjà construits
La grande force de la candidature américaine reste évidemment la qualité de ses infrastructures, avec une grande quantité de grands stades déjà construits et prêts à l’emploi aux quatre coins du pays. Des enceintes homologuées pour la pratique du soccer, il en existe 6 de plus de 90 000 places, 17 de plus de 70 000 places et 25 de plus de 60 000 places ! Quand on sait que le cahier des charges de la FIFA réclame « seulement » des stades d’une capacité de 40 000 places (et 80 000 pour le match d’ouverture et la finale), on voit bien que les Yankees sont larges, très larges. Au niveau de l’accueil, idem : ces stades sont tous situés dans des grandes villes du pays où on ne connaît pas de problème niveau transport et capacité hôtelière… Le comité de candidature de 2010 avait ciblé 21 stades pour son dossier adressé à la FIFA, situés dans 18 villes différentes, tous déjà construits. Un argument qui peut s’avérer décisif pour les instances internationales de football si elles sont vraiment à la recherche d’un plan B sans stress, tant les retards de travaux ont miné l’avant-Coupe du monde actuelle au Brésil.
Mais… Un bémol de taille : aucun des stades soumis à candidature en 2010 n’est spécifiquement dédié à la pratique du soccer. Et pour cause, le plus grand stade soccer à 100 % existant actuellement au pays est la Red Bull Arena où évolue Thierry Henry, qui ne fait que 25 000 places… Les enceintes du dossier de candidature sont en fait surtout des stades de football américain, pas forcément hyper adaptées. Reste à voir néanmoins si une éventuelle organisation du Mondial 2022 ne contribuerait pas justement à faire avancer des projets de construction de grands stades pour le soccer, notamment au cœur de New York pour la nouvelle franchise New York City FC, ainsi qu’à Miami, où Beckham effectue des débuts difficiles en tant que dirigeant. À Atlanta déjà, où une future franchise va bientôt voir le jour, un nouveau stade de 65 000 places est actuellement en cours de construction. Il sera occupé à la fois par les Falcons, la franchise locale de football américain, et par la future équipe de soccer.
* Oui, ils ont l’expérience de 1994
Le souvenir qui reste du Mondial américain en 1994 reste globalement très, très positif : des stars au rendez-vous, une organisation nickel, du beau temps, du suspense, des surprises, des révélations, des histoires et surtout un public présent en nombre et enthousiaste : 68 991 spectateurs de moyenne par match (taux de remplissage de 96 %). C’est un record encore aujourd’hui largement inégalé. Et pour la finale au Rose Bowl de Pasadena, il y avait près de 95 000 personnes en tribunes. Les Américains savent mieux que personne organiser des événements sportifs, en y incluant une bonne dose de spectacle et d’émotion. Nul doute qu’ils sauraient parfaitement se mobiliser pour accueillir encore une fois l’événement planétaire en 2022, comme ils l’avaient déjà si bien fait 28 ans auparavant.Mais… Pas vraiment de nuance à apporter sur ce volet. Si, peut-être, essayer de faire un peu moins ridicule que la dernière fois au niveau de la cérémonie d’ouverture…
* Oui, le soccer gagne du terrain, petit à petit
En 1994, on dénombrait environ 1,5 million de licenciés de soccer aux États-Unis. Vingt ans plus tard, ça a plus que doublé. Et il n’y a plus seulement les filles qui s’y mettent comme il est de coutume localement. Les gars aussi jouent balle au pied sans que ça n’étonne plus. Il faut dire qu’en deux décennies, le soccer s’est considérablement structuré, avec un système universitaire performant et un championnat, la MLS, qui semble avoir enfin réussi à construire sur des bases solides. Bien sûr, ça ne joue pas encore au top, mais au moins, il y a de la cohérence par rapport au grand show brinquebalant de la NASL d’antan. Presque toutes les franchises sont dotées d’un stade spécifique avec terrain en herbe, attirant un public familial modeste, mais fidèle (18 000 spectateurs de moyenne) et il semble y avoir un juste équilibre entre joueurs locaux et étrangers. Signe de la hausse d’intérêt croissante des Américains pour le soccer, les droits TV de la MLS viennent d’être renégociés largement à la hausse. Et lors de cette Coupe du monde, la victoire américaine lors du premier match face au Ghana – avec une majorité de joueurs évoluant au pays – a été vue par plus de 11 millions de téléspectateurs américains. Un premier record historique explosé lors du second match face au Portugal, avec près de 25 millions de Yankees devant leur écran ! C’est mieux que les meilleures audiences de l’année de basket ou de base-ball. Qu’on se le dise, si le fait d’attribuer la plus grande des compétitions de football aux USA pouvait apparaître comme un choix saugrenu au début des années 90, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Mais… On ne va pas vous la faire à l’envers et vous survendre la passion des Américains pour le soccer, car elle reste mineure en comparaison des sports locaux : le Super Bowl, la MLB, les play-offs de NBA, les finales universitaires, la Stanley Cup… Le soccer n’est pas inscrit dans l’ADN des Américains, alors l’intérêt pour ce sport paraît condamné à être un peu en retrait et surfait, plus artificiel que naturel. Même si en voyant de telles images et les impressionnantes dernières audiences, on se dit quand même que la greffe a peut-être des chances de prendre, lentement mais sûrement.
Par Régis Delanoë