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Les travaux de Conte
Facile vainqueur de Manchester United à Stamford Bridge il y a un an, Chelsea ne débarquera pas avec les mêmes certitudes sur la piste dimanche. La faute à plusieurs interrogations jusqu’ici étouffées par des succès inégaux et brutalement réveillées par la défaite à Rome cette semaine.
Il y a des soirs comme ça où les visages se ferment et les vagues s’enchaînent. Mardi soir, au Stadio Olimpico de Rome, Antonio Conte a passé de longues minutes à marcher seul, comme pour se repasser une seconde fois le film silencieux d’une rencontre où son équipe s’est écroulée, mentalement, physiquement, psychologiquement. À quoi pense-t-il à cet instant ? Peut-être à ces mots lâchés en janvier 2015 à de jeunes entraîneurs italiens lors d’une visite à Coverciano, épicentre du football italien : « Nous devons récupérer les concepts de sacrifice et de transpiration qui ont été à la base de l’histoire de l’Italie. » Des concepts boutonnés à la veste qu’il a réussi à exporter dès sa première saison à Chelsea, d’où les Blues étaient sortis la tête la première. Antonio Conte s’impose une rigueur morale inhabituelle et l’exige de tous ceux qui l’entourent. Il souffre le football, mais l’argumente là où d’autres préfèrent le polémiquer.
Après la démonstration de la Roma (3-0) cette semaine, Conte s’est alors présenté face à la presse pour faire face et tenter d’expliquer l’inexplicable : comment Chelsea a-t-il pu tomber aussi bas en un peu moins de six mois, soit après l’obtention d’un titre de champion d’Angleterre incontesté ? « Ma tâche est de trouver la bonne solution pour éviter que ce genre de matchs se répète, répond Conte. Il y a une grosse déception ce soir, notamment sur notre seconde période, car je n’ai vu aucun élément positif. En première période, je pense qu’on a été malchanceux.(…)C’est indigne d’une équipe comme la nôtre. La saison dernière, on montrait de l’envie, de la rage, une grande volonté. On a remporté le championnat comme ça, mais si l’on veut être compétitif cette saison, on doit trouver de la continuité, mais surtout retrouver notre état d’esprit. »
Doug Conte
Interrogé dans les couloirs romains, Thibaut Courtois s’est mis dans la roue de son coach et a évoqué l’urgence de « retrouver de l’équilibre.(…)C’est difficile de définir ce qu’est exactement le problème. La saison dernière, à chaque match, je n’avais pas grand-chose à faire, parfois deux ou trois arrêts, quatre ou cinq maximum contre City ou United. Mais cette saison, c’est difficile pour l’équipe, mais surtout pour la défense. » Deux images pour condenser le constat du gardien belge : le visage détruit de Gary Cahill au moment de quitter ses potes après 55 minutes à Rome ; et l’implosion de toute l’organisation défensive en mondovision moins d’un quart d’heure plus tard lorsque David Luiz, Rüdiger et Azpilicueta sautèrent sur les talons d’Edin Džeko, laissant Diego Perotti absolument seul. La prestation de mardi soir nous a alors fait penser à la défaite subie par les Blues face à Arsenal (0-3) le 24 septembre 2016, jour où Conte avait définitivement rangé ses croquis et décidé d’installer le 3-4-3 qui ferait la différence jusqu’au printemps.
Une question : fallait-il s’y attendre ? Oui, et il suffisait d’entendre Antonio Conte parler de bricolage et « d’urgence » tout au long de l’été pour mettre rapidement de côté l’idée que Chelsea pourrait défendre avec autorité son titre, la rentrée ratée face à Burnley (2-3) en août n’ayant alors rassuré personne. Parler d’urgence pour Conte revenait alors à pointer des dirigeants auxquels il s’est opposé sur la stratégie de recrutement à mettre en place durant l’été : Conte souhaitait Lukaku, il a eu Morata ; il voulait conserver Matić, le board l’a envoyé à Manchester United et l’a remplacé par Bakayoko. Aujourd’hui, Chelsea n’a pas un effectif assez solide pour jouer sur tous les tableaux, avec une intensité nécessaire, toute une saison, et la condition physique de nombreux cadres commence à sonner dans tous les sens. Quelques chiffres : Azpilicueta a disputé toutes les minutes de la saison (à l’exception de quinze face à Qarabağ, le 12 septembre dernier, ndlr) ; Marcos Alonso a glissé sa tête dans toutes les rencontres ; Cesc Fàbregas n’en est pas loin non plus. Conte pouvait le faire l’an passé, il ne peut avancer ainsi jusqu’au printemps avec quatre compétitions à disputer, et ce, alors que certaines rencontres comme face à la Roma – qui joue avec trois milieux, ce qui demande deux fois plus d’efforts pour les ventricules des Blues que sont Fàbregas et Bakayoko – sont plus exigeantes physiquement.
Kanté Partirò
Résultat, cette saison, Chelsea a souvent réussi à masquer l’ensemble par les résultats, que ce soit à domicile contre Watford (4-2) ou à l’aller face à la Roma (3-3), à l’issue de rencontres où Conte n’a souvent pas hésité à souligner la baisse d’intensité à la tâche de ses hommes la semaine à Cobham. Cela s’explique aussi par un groupe qui n’est plus intouchable face aux blessures : David Luiz évolue depuis plusieurs semaines avec un strap énorme sur la cuisse, Bakayoko est arrivé de Monaco avec un genou à 50%, Morata, Drinkwater ou encore Moses ont connu des problèmes physiques mineurs longs à guérir. Puis, il y a l’absence de N’Golo Kanté, forcément, touché aux ischio-jambiers en Bulgarie avec les Bleus.
L’absence du milieu français dérègle tout le système de Conte, a vu Chelsea encaisser onze buts en six matchs depuis qu’il s’est installé en tribunes, et a surtout laissé Cesc Fàbregas sans repère. Cela a également poussé Antonio Conte à chercher de la stabilité où il espérait en trouver : Azpilicueta installé au milieu pour compenser l’absence de Moses et paumé comme rarement, Rüdiger à gauche dans une défense à trois où il peine à amener de la sécurité… Du rafistolage qui conduit nécessairement au bordel. Sauf que Chelsea est revenu dans le brouillard, et un nouveau virage mal négocié face à Manchester United dimanche reviendrait à déjà rendre une couronne brillamment soulevé en mai dernier.
Par Maxime Brigand