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Les tifosi du Milan AC dans le doute
Les départs de Thiago Silva et de Zlatan Ibrahimović laissent une sensation étrange aux supporters du Milan AC. Ces derniers ont légèrement l'impression que l'on s'est foutu de leur gueule… Ah, vraiment ?
Ce sont de drôles de jours pour les tifosi du Milan AC. En quelques semaines, ils ont dû, sans broncher, devoir dire adieu à une bonne partie de leurs joueurs favoris. D’abord, la vague de départs « en retraite » , les Nesta, Seedorf, Van Bommel, Zambrotta et Inzaghi. Et puis, le double départ qui a créé la stupeur. D’abord Thiago Silva, puis Zlatan Ibrahimović. Les deux grands artisans du Scudetto remporté en 2011. Étrangement, les tifosi sont restés muets face à ces deux départs. Quelques banderoles ont été exposées à Milanello ( « Sans Thiago, où allons-nous ? Sans Ibra, plus de défi. » ), mais pas de grosses démonstrations de colère envers les dirigeants, sous le siège de Via Turati. En fait, le sentiment qui anime les supporters du Milan AC est différent. Ce n’est pas de la colère. Mais de l’incompréhension.
Incompréhension envers cette stratégie, envers ces dirigeants qui, en un quart de siècle, ont fait du Milan AC le club le plus titré d’Europe et qui, ce coup-ci, semblent avancer à tâtons. Ou alors, s’ils avancent en sachant exactement où ils vont, ils le cachent bien et n’en ont certainement pas averti les supporters. De fait, le problème est là : il y a quelques semaines, Thiago Silva avait quasiment trouvé un accord avec le PSG. Les supporters se sont unis pour faire comprendre à Berlusconi qu’il était impossible de laisser filer le défenseur brésilien. Du coup, le président milanais a réfléchi et a fait une annonce officielle pour dire que Thiago Silva resterait à Milan. Le lendemain, il prolonge son contrat jusqu’en 2017. Tout le monde est rassuré, même la revue officielle du Milan AC, qui titre « Thiago Silva, alta fedeltà » , soit « Thiago Silva, haute fidélité » dans son édito du mois de juillet. Une semaine plus tard, le joueur est vendu au PSG. Euh… Ce ne serait pas du foutage de gueule, ça ?
Lettres anonymes
Voilà donc le hic : la vente des joyaux de la couronne peut être acceptée et digérée, mais un foutage de gueule bien en règle, non. Voilà pourquoi aucune protestation un peu « énervée » n’a été organisée par les tifosi, comme cela avait été le cas lorsque Kakà était sur le point d’être cédé au Real Madrid. Non, cette fois, les supporters contre-attaquent directement. Si les dirigeants se sont moqués d’eux, alors ils vont se moquer des dirigeants à leur tour. Ainsi, depuis lundi, des lettres anonymes arrivent au siège de Via Turati, avec, à l’intérieur, une pièce d’un centime. Le message est clair : « Si vous avez besoin d’argent, nous sommes là. » L’ironie pour répondre à cette attitude assez obscure des hautes instances milanaises : bonne technique. Une attitude quasiment provocatrice, d’ailleurs. Il y a quelques jours, le Milan AC avait lancé sa campagne pour les abonnements 2012-13. L’image principale de la campagne, pour appâter les tifosi, représentait Zlatan et Thiago Silva (et d’autres joueurs) avec le nouveau maillot rossonero.
Ou encore : dans les différents Milan Store, le nouveau maillot de Zlatan, floqué d’un numéro 10 hérité de Clarence Seedorf, trônait dans les vitrines. Du coup, du côté des supporters, on ironise encore : « Mais, ceux qui ont déjà souscrit à l’abonnement peuvent désormais prétendre à des indemnités ? » , demande un supporter interrogé par la Gazzetto dello Sport. Une chose est sûre : depuis l’arrivée de Silvio Berlusconi, au beau milieu des années 80, les supporters rossoneri ont été habitués à de grandes victoires, mais aussi à des saisons foireuses, avec des recrues toutes pourries (quelqu’un veut-il vraiment que l’on reparle de Javi Moreno ?). Le tifoso milanais est donc, a priori, un supporter qui peut tout accepter. Tout, mais certainement pas d’être pris pour un con. Mieux vaut admettre sans vergogne que l’on veut passer par une année de transition, en achetant des jeunes joueurs, en revoyant à la baisse les objectifs, plutôt que de se comporter ainsi. Expliquer les choses plutôt que de les cacher. Comme avec des gosses, en fait.
Allegri dans le viseur
Les supporters de Milan AC ont donc toutes les raisons d’être inquiets, car ils ont l’impression que personne ne veut leur dire ce qui se passe vraiment. Cette malhonnêteté cache forcément quelque chose. Certes, en vendant Thiago Silva et Zlatan au PSG, le club de Berlusconi va économiser quelque 170 millions d’euros, entre les sommes encaissées par les transferts et les salaires économisés. C’est d’ailleurs l’une des versions données par Adriano Galliani et ses acolytes. Mais, en réalité, le Milan AC compte remplacer les deux partants par deux nouveaux arrivants. On parle de Rolando en défense et de Tévez (ou Džeko) en attaque. Deux joueurs qu’il va falloir acheter (cher) et qui auront ensuite de coquets salaires. Pas sûr, donc, que les 170 millions économisés restent bien longtemps dans les caisses. Mais ça aussi, personne ne veut l’admettre. Quelle est donc la stratégie ? Vendre deux joueurs exceptionnels et en racheter deux autres un peu moins forts, sous prétexte qu’ils coûtent moins cher ? Pourquoi ne pas plutôt miser sur des jeunes joueurs italiens (Destro ? Verratti ? Insigne ?) qui, eux, auront des prétentions économiques vraiment moins élevées et qui permettront de repartir à zéro et de construire quelque chose de concret, pour le bien du club mais aussi de la Nazionale ?
Alors, oui, le Milan AC a toujours réussi à se remettre de ses illustres départs. Schevchenko s’en est allé, et Milan a gagné la Ligue des champions. Kakà s’en est allé, et Milan a gagné le Scudetto. Vrai. Mais là, il y a de nombreux choix qui demeurent inexplicables et qui créent ainsi une confusion générale. Par exemple, le départ de Pirlo, donné gratuitement à la Juve. Ou alors, le fait de s’être débarrassés de certains joueurs formés au club, pour ensuite les racheter (Abate il y a quelques années). Ou encore, d’acheter un joueur étranger, de ne pas le faire jouer et de le prêter ensuite au club à qui on vient de l’acheter (Dídac Vilà). Sans parler, pour finir, de cette mascarade autour du transfert de Thiago Silva, finalement cédé à la même somme qu’il aurait dû l’être en juin. Ajoutez à cela des anciens du club qui se mettent à tirer à boulets rouges sur l’entraîneur, Allegri ( « Nesta et moi, nous sommes partis de Milan parce que nous avons senti qu’Allegri ne voulait plus de nous » , paroles de Gattuso dans la presse italienne mardi matin) et vous obtenez une situation d’incompréhension pour les supporters. D’accord. Bon, et maintenant, on s’explique ?
Éric Maggiori