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Les sourcils de Rudi Garcia
Rudi Garcia est à l'apogée de sa carrière. À quoi le voit-on ? Ses sourcils.
Mais pourquoi donc Rudi Garcia fronce-t-il si souvent les sourcils ? Pour se concentrer ? Pour se donner de l’allure ? Pour exister ? Pour se protéger ? De la caméra ? Du monde extérieur ? De lui-même ? Parce qu’il aurait rêvé être acteur ? Parce qu’il cherche de la légitimité ? Du courage ? Parce qu’il ne croit pas ce qu’il dit ? Parce qu’il frime ? Parce qu’il sait quelque chose qu’on ne sait pas ? Peut-être simplement parce qu’il ne sait pas faire autrement ? Non, chez Rudi Garcia, les sourcils donnent le ton et montrent la voie. De Corbeil-Essonnes à Rome, de Lille à Dijon en passant par Le Mans, Rudi Garcia a toujours proposé ce visage concentré et affirmatif, commandé par deux sourcils qui se referment et ne laissent pas de place au doute : le chemin est tracé. L’homme est fermé, le col roulé est serré, la raie au milieu est ancrée, le phrasé est arithmétique, la voix est appliquée, le travail est consciencieux, l’air est assuré. Rien n’est en trop chez Rudi Garcia, rien ne dépasse. L’homme porte sur ses épaules le poids de ses convictions, de ses ambitions débordantes aussi. Alors il fronce les sourcils, encore et encore. Et ne les détend jamais. Il en va de son regard sombre, coincé entre quelques traits figés et précis. Il en va des messages qu’il envoie. Il en va de son autorité. Il en va de son histoire. Ils figent ses objectifs et son destin.
Sa première erreur romaine
Oui, mais voilà, cette semaine, les deux sourcils de Rudi Garcia se sont ouverts. Comme les traits de son visage se sont déserrés, laissant place à un sourire contemplatif. Le Colisée en arrière-plan, une brune beaucoup plus jeune au sourire angélique à ses côtés et un message auto-satisfait adolescent : « Ah j’oubliais…. C’est ma vie privée. Francesca en fait partie et ça ne date pas d’hier » , le tout agrémenté d’un clin d’œil entre quelques annonces lapidaires sur la saison en cours de la Roma : « Bon jeu et bonne Roma hier soir. Plaisir partagé avec nos fans. Maintenant, concentrons-nous sur le match de dimanche contre Cagliari » et « Le championnat est notre priorité et notre pain quotidien. Demain, nous allons tout faire pour gagner le match » , qui lui ressemblent davantage. Un péché d’orgueil que ce moment ? Un contre-pied à des journalistes, selon ses propres mots. Mais les vrais capitaines ne sourient jamais pendant la guerre. Ils sont en mission, ils portent le poids des autres sur leurs épaules, leurs faiblesses et leurs doutes. Ils sont leurs guides. Ils ne doivent pas succomber aux vanités immatures de leurs élèves, aux desiderata de l’intime. Ils ne peuvent pas se le permettre. Ils ne peuvent pas se satisfaire. Se satisfaire, c’est renoncer. Après tout, Rudi Garcia avait dit un jour avoir « des convictions, mais aucune certitude » . À Rome, Rudi Garcia est en mission. Il a trouvé la gloire, les victoires, l’amour et la reconnaissance. Or ici, la reconnaissance a un goût d’éternité. Et Rudi Garcia est peut-être un peu tombé amoureux de lui-même. C’est là sa toute première erreur romaine.
Par Antoine Mestres