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Les six choses à savoir pour tout comprendre du scandale qui secoue la FIFA

Par Paul Bemer
11 minutes
Les six choses à savoir pour tout comprendre du scandale qui secoue la FIFA

Mercredi matin, quatorze personnes ont été interpellées entre la Suisse et le continent américain, dont sept hauts dignitaires de la FIFA dans un hôtel de Zurich où la Fédération tient son congrès annuel. Une vaste affaire de corruption en son sein dont il convient de poser les bases, en six points.

Qui sont les officiels de la FIFA inculpés par la justice américaine ?

Jack Warner, 72 ans, ancien instituteur de Trinidad-et-Tobago devenu président de la CONCACAF de 1990 à 2011, et vice-président de la FIFA de 1997 à 2011. Deux mandats dont il démissionne après le scandale « Bin Hammam » : le Qatari, Mohamed Bin-Hammam, avait défié Sepp Blatter lors de l’élection pour la présidence de la FIFA, avant d’être banni de toutes activités liées au football pour avoir tenté d’acheter les voix d’officiels des Caraïbes dans une réunion organisée par Jack Warner. Un Warner dont le nom est également associé à plusieurs affaires de corruption et détournements de fonds au sein même de la CONCACAF. Activement recherché par Interpol
Jeffrey Webb, 50 ans, est le successeur de Jack Warner à la présidence de la CONCACAF, mais également à la vice-présidence de la FIFA. Natif des îles Caïmans, il est également le directeur de la Fidelity Bank, l’un des banques d’un État réputé pour son secret bancaire. Paradoxalement, il est le commanditaire d’une enquête interne à la CONCACAF ayant permis de mettre en lumière des millions de dollars détournés durant le mandat de Warner, et avait également demandé la publication du fameux rapport « Garcia » (du nom de l’ancien président de la chambre d’enquête de la commission d’éthique de la FIFA, qui a démissionné depuis) sur les soupçons de corruption entourant l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022. Un rapport dont la FIFA n’avait publié qu’une synthèse largement allégée. Interpellé mercredi matin à Zurich.
Costas Takkas, 58 ans, est l’attaché du président Jeffrey Webb et ancien secrétaire général de la Fédération des îles Caïmans de football. Depuis février 2014, ce Chypriote est le DAF d’Abakan Inc – une boîte spécialisée dans la fabrication de matériaux haute technologie tels que le nanocomposite utilisé notamment dans l’aérospatiale ou dans la construction d’infrastructures comme, au hasard, des stades de foot – dont le siège est situé à Miami, à quelques blocs seulement des bureaux de la CONCACAF.Interpellé mercredi matin à Zurich. Eduardo Li, 56 ans, est le président d’origine chinoise de la Fédération costaricaine de football, mais aussi membre du comité exécutif de la CONCACAF et haut responsable de la FIFA depuis dix ans. Il est également visé par une enquête au Costa Rica pour des accusations de corruption et de blanchiment d’argent.Interpellé mercredi matin à Zurich.
Julio Rocha Lopez, 64 ans, est le président de la Fédération nicaraguayenne de football depuis 1990. Il a également présidé la confédération centraméricaine de football quand cette dernière n’était pas encore intégrée à la CONCACAF, et est membre du comité de développement de la FIFA.Interpellé mercredi matin à Zurich.
Rafael Esquivel, 68 ans, est le président de la Fédération vénézuélienne de football depuis 1988. Cet immigré espagnol réfugié au Venezuela pour échapper au régime de Franco siège au comité exécutif de la CONMEBOL, affiche un train de vie de ministre et a déjà été accusé de corruption liée à ses multiples activités.Interpellé mercredi matin à Zurich.
Nicolás Leoz, 86 ans, a dirigé la CONMEBOL de 1986 à 2013 avant de démissionner pour raisons de santé. Avant ça, il en fut le vice-président (1972-1974 et 1980-1986), mais aussi le président de l’Association paraguayenne de football (1971-1973 et 1979-1985). En novembre 2010, il fut accusé par la BBC d’avoir reçu 730 000 dollars de la part d’ISL (International Sport and Leisure, ndlr), la compagnie suisse qui avait gagné l’appel d’offres relatif au marketing des Coupes du monde (incluant les droits TV) dans les années 1990.Activement recherché par Interpol
Eugenio Figueredo, 83 ans, est un ancien footballeur uruguayen élu président de l’AUF (Asociacion Uruguaya de Futbol) de 1997 à 2006, vice-président de la CONMEBOL de 1993 à 2013 avant de remplacer Nicolas Leoz à la présidence en avril 2013, et vice-président de la FIFA. Interpellé mercredi matin à Zurich.
José Maria Marin, 83 ans, fut le président de la Confédération brésilienne de football de mars 2012 à avril 2015, ainsi que du comité d’organisation de la Coupe du monde 2014. Avocat de formation, il a également été gouverneur de l’État de São Paulo pendant la dictature militaire brésilienne, et s’était aussi illustré le 25 juin 2012 en glissant dans sa poche la médaille qu’il devait remettre à un jeune vainqueur de la Copa São Paulo de Futebol Junior. Il était alors vice-président de la CBF. Son nom est associé par la justice américaine à une affaire de corruption liée au sponsoring de la fédé brésilienne par une « importante société américaine d’équipements de sport » . Sans préciser si son logo ressemble à une virgule. Interpellé mercredi matin à Zurich.
Outre ces neuf officiels, cinq dirigeants d’entreprises liées au marketing sportif – trois Argentins, un Brésilien et un Américain – sont également inculpés par la justice américaine. Six des sept officiels arrêtés dans leur hôtel cinq étoiles de Zurich se sont opposés à être extradés vers les USA, et ce, malgré des accords d’extradition entre les deux pays.

Quels sont les faits reprochés ?

Parmi les 47 chefs d’inculpation retenus contre ces personnes par le ministère de la Justice américain, il y a surtout « racket, fraude et blanchiment d’argent » . Des termes mafieux, pour qualifier des faits allant de 1990 à nos jours et portant sur plusieurs matchs et tournois organisés par la CONCACAF, ainsi que sur l’attribution de la Coupe du monde 2010 et l’élection à la présidence de la FIFA en 2011. En conférence de presse, Loretta Lynch, la ministre de la Justice qui avait ouvert la procédure lorsqu’elle occupait la fonction de procureur du district Est de New York, a précisé que « deux générations de dirigeants sont présumées avoir tiré profit de leur capital confiance pour encaisser des millions de dollars en pots-de-vin et rétrocommissions à des fins personnelles, souvent par le biais d’une alliance avec les dirigeants de société de marketing sportif. » On parle d’un total dépassant les 150 millions de dollars. Dans le même temps, une perquisition a également été menée par le FBI et l’IRS (le fisc américain, ndlr) dans les locaux de la CONCACAF à Miami. Les quatorze personnes interpellées risquent des peines de prison ferme assorties de lourdes amendes, ainsi que l’obligation de restituer les sommes irrégulièrement perçues.

Suite à ce coup de force de la justice américaine, le parquet suisse a annoncé l’ouverture d’une procédure pénale contre X pour « blanchiment d’argent et gestion déloyale » concernant les attributions des Coupes du monde 2018 et 2022. Une procédure qui a engendré la saisie de documents électroniques au siège de la FIFA à Zurich dans la journée de mercredi et qui, ouverte depuis le 10 mars dernier, n’avait pas été rendue publique jusqu’ici. Pourtant, s’estimant « partie lésée » , c’est la FIFA elle-même qui en est à l’origine, après avoir déposé plainte le 18 novembre dernier suite à des « soupçons semblant peser sur des transferts internationaux de patrimoine avec comme point de contact la Suisse » .

Sepp Blatter est-il inquiété par cette affaire ?

Non, son blaze n’apparaît nulle part dans le communiqué publié par le « The United States Department of Justice » . Donc oui, ce bon vieux Sepp n’est toujours pas inquiété. Du moins pour l’instant. Car au « c’est le début de notre effort, pas la fin » lancé par Kelly Currie, le procureur fédéral de Brooklyn, la FIFA a répondu par son directeur de la communication et des affaires publiques, Walter de Gregorio : « Sepp Blatter est assez détendu, parce qu’il n’est pas impliqué là-dedans. Bien sûr, il ne danse pas sur la table, il n’est pas heureux, mais il sait que ce sont les conséquences de ce que nous avons initié. C’est une surprise que cela se passe aujourd’hui, mais ce n’est pas une surprise que cela se passe. {…} C’est la FIFA qui, le 18 novembre, avait demandé au procureur suisse de commencer une enquête. Aucun de nous ne savait que ce matin à six heures, les arrestations allaient avoir lieu. Si j’avais eu cette information, je me serais couché plus tôt hier. Le procureur ne nous l’a pas dit, nous sommes tous surpris. Le timing n’est pas le meilleur, mais la FIFA coopère pleinement avec la justice et elle répond à toutes les demandes d’informations. Dans cette affaire, la FIFA est la victime. » Avant de ponctuer son intervention d’un irréel « c’est un bon jour pour la FIFA » . Sepp Blatter, quant à lui, a préféré attendre la fin de journée pour se fendre d’un communiqué de presse : « C’est un moment difficile pour le football, les fans et la FIFA en tant qu’organisation. Nous comprenons la déception exprimée par beaucoup et savons que les événements d’aujourd’hui vont impacter la façon dont beaucoup de gens nous perçoivent. Nous croyons que ça aidera à renforcer les mesures que la FIFA a déjà prises pour déraciner les mauvais comportements dans le foot. » Puis d’empaqueter l’affaire dans du bolduc doré en assurant que la FIFA veut « regagner votre confiance et que le football à travers le monde est débarrassé des mauvais comportements » .

L’élection à la présidence de la FIFA prévue vendredi est-elle menacée ?

Non. À 79 ans, Joseph Blatter briguera bien un cinquième mandat à la tête de la FIFA face au Prince Ali de Jordanie, son unique concurrent. Une seule certitude : le vote s’annonce perturbé par les récents événements et le grand déballage qui devrait en découler. Dès lors, deux hypothèses. Soit la majorité absolue des 209 fédérations qui composent la galaxie FIFA se tourne vers le Jordanien, qui a basé sa campagne sur l’intégrité et l’honneur à restaurer impérativement. Soit elle choisit d’offrir au Suisse une dernière occasion de sauver un système qui engraisse tout le monde en nettoyant ce bordel comme il peut. L’Afrique, par la voix d’Issa Hayatou, grand manitou de la Confédération africaine de football, a maintenu mercredi son soutien au président sortant, lui assurant d’ores et déjà 54 votes. Un bon début.

L’organisation des Coupes du monde 2018 et 2022 est-elle remise en cause ?

Là encore, c’est Walter de Gregorio qui répond, énervé : « Qu’attendez-vous de nous ? Qu’on commence à spéculer sur la Russie et le Qatar ? Les Coupes du monde seront jouées là-bas, c’est ce que je peux vous dire aujourd’hui, mais je ne peux pas spéculer sur ce qu’il se passera dans le futur… » Si le glaive de la justice peut couper des têtes, il lui sera bien difficile d’enrayer la tenue de deux événements sportifs majeurs, attendus dans le monde entier, et dont les préparatifs sont largement entamés dans les pays concernés. Et ce malgré les révélations déjà publiées sur les conditions de travail des ouvriers dans les chantiers des stades qataris.

Pourquoi la justice américaine a-t-elle orchestré ce coup de filet ?

D’abord, il convient de distinguer les deux enquêtes. Celle remontant à la plainte déposée par la FIFA le 18 novembre 2014, dont parle De Gregorio, étant menée par la Suisse, n’a aucun lien avec l’enquête qui a débouché sur les interpellations à l’hôtel Baur au Lac de Zurich mercredi matin. Même si c’est la police suisse qui a réalisé les arrestations des officiels de la FIFA, l’opération était commanditée et supervisée conjointement par le FBI et l’IRS depuis Washington. Naturellement, aucune information n’a été confirmée par le ministère de la Justice américaine. Mais il semblerait que la clé pour répondre à cette question soit détenue par deux hommes : Jack Warner et Charles Gordon Blazer, dit « Chuck » , son secrétaire général yankee. Deux hommes qui, entre 1990 et 1991 ont bâti, structuré et développé la CONCACAF. Faisant passer une confédération qui peinait à encaisser plus de 140 000 dollars par an à une organisation capable de générer des revenus supérieurs à 60 millions de billets verts en 2011. Deux hommes qui, évidemment, n’ont pas manqué de s’en mettre plein les fouilles via une myriade de montages financiers et de sociétés écrans. Deux hommes dont le divorce a surtout engendré un torrent de dommages collatéraux.

Explications : lorsqu’en 2011, Blazer apprend qu’après avoir voté pour la candidature qatarie à l’organisation du Mondial 2022 – et donc contre la candidature américaine – Warner a tenté de corrompre des officiels affiliés à la CONCACAF pour le compte de Mohamed Bin Hammam, concurrent qatari de Sepp Blatter à la présidence de la FIFA, il ne peut s’empêcher de balancer son pote dans un rapport adressé au comité exécutif de la fédération internationale. Bin Hammmam est banni à vie, Warner est suspendu et contraint d’abandonner tous ses mandats, mais se venge en susurrant à ses anciens soutiens de jeter un œil dans les comptes de la CONCACAF tenus par Blazer. Bingo. Un nouveau scandale éclate, obligeant Blazer à quitter lui aussi toutes ses fonctions. Avant de finalement se faire arrêter par deux agents du FBI en plein Manhattan, un soir de novembre 2011. Avec ses millions de dollars d’impôts impayés et ses magouilles à n’en plus finir au sein de la CONCACAF, Chuck choisit de coopérer avec le bureau d’investigation et le fisc américain. Équipé d’un micro, il enregistre des heures de conversation avec ses nombreux « amis » bien placés aux commandes du football mondial. Notamment durant les JO de Londres en 2012. Des écoutes dignes d’une saison de The Wire qui ont sûrement permis au ministère de la Justice américain de lancer ce qui s’annonce comme le plus gros scandale dans l’histoire de la Fédération internationale de football association. Et comme la vie est bien faite, Chuck Blazer, l’homme avec qui, ensemble, tout devient possible, est à découvrir dans un large portrait au sommaire du prochain SoFoot. Le numéro 127, en kiosque le 4 juin prochain. Playzer.

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