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Les recettes d’Antonio Conte, gagnant express

Par Florian Cadu
7 minutes
Les recettes d’Antonio Conte, gagnant express

En bonne position pour rafler le titre de champion d'Italie avec l'Inter, confortable leader de Serie A, Antonio Conte réussit toujours à faire triompher ses équipes en un minimum de temps. Fait observé à Chelsea, à la Juventus ou encore avec l'Italie et proche d'être confirmé cette saison. Mais alors, quelles sont les méthodes de l'entraîneur pour gagner presque immédiatement partout où il passe ?

Selon Emmanuel Kant, « la patience est la force des faibles et l’impatience la faiblesse des forts ». Impossible de savoir s’il est un grand amateur de philosophie et si la Critique de la raison pure est posée sur sa table de chevet, mais Antonio Conte a depuis longtemps choisi son camp. Quitte à être puissant avec des défauts plutôt que mauvais avec des qualités, l’Italien s’est lui-même rangé dans la case des travailleurs impatients. Et dans son cas, difficile de répondre que ça ne lui réussit pas au vu du bilan comptable de sa carrière de coach entamé en 2008, durant laquelle il a gagné quasiment partout où il est passé. Avec des temps d’adaptation express, pour ne pas dire inexistants. À l’heure où son Inter accueille l’Atalanta pour le compte de la 26e journée, la confortable position du leader de Serie A (trois points d’avance sur son rival et dauphin, Milan, et un match de plus à jouer) rappelle en effet que le technicien – qui a fait son retour dans la Botte en 2019, et qui a terminé deuxième du championnat tout en atteignant la finale de Ligue Europa lors de sa première saison – parvient quasiment toujours à obtenir des résultats immédiats quand il signe quelque part.

Bari, en 2007 : champion de deuxième division, un an et demi après son recrutement. Sienne, en 2010 : deuxième de Serie B et montée dans l’élite, en l’espace d’une année. Juventus, en 2011 : trois titres et deux Supercoupes de rang, plus une finale de coupe. Sélection nationale, en 2014 : qualification facile (aucune défaite) à l’Euro 2016, où il s’incline en quarts de finale contre le champion du monde en titre allemand aux tirs au but et après avoir éliminé le lauréat espagnol. Chelsea, en 2016 : une Premier League en guise de première saison, une FA Cup en cadeau de départ lors de la seconde. Dès lors, il paraît cohérent de rapprocher l’homme de 51 ans d’un José Mourinho version Special One sans les triomphes européens, à savoir un winnerpragmatique davantage adepte du sprint que du marathon. Mais quels sont donc ses secrets, pour transformer ses juteux contrats en dénouements sportifs dorés dès qu’il pose le pied dans un nouvel endroit ?

« Si je ne suis pas au top dans trois ans, j’arrête. »

D’abord, le manque de patience n’empêchant pas l’intelligence, Conte sait parfaitement choisir ses projets. Lorsqu’il signe avec un employeur, le Monsieur sait parfaitement quels sont les moyens économiques de l’entité qu’il rejoint et connaît les possibilités footballistiques de son effectif. Sans oublier de réclamer les pleins pouvoirs, évidemment. Raisons pour lesquelles il a par exemple récemment refusé « la Roma, croit savoir Gaël Genevier, qui l’a fréquenté à Sienne, où on lui proposait de venir construire quelque chose. Mais lui, ça ne l’intéresse pas de construire, il veut gagner. Il n’accepte des défis que quand il est certain d’être le patron, et lorsque le club en question peut financièrement répondre à ses ambitions ». « Conte est un vrai leader, c’est un gars qui arrive et dicte ses conditions, car il veut tout faire pour gagner », remet également Piero Mancini, l’ancien président d’Arezzo où l’entraîneur a fait ses débuts. Ainsi, le tacticien était conscient du potentiel de l’Inter avant de s’engager, comme il avait perçu celui de la Juventus (qui n’avait plus gagné le titre depuis 2006, à son arrivée) ou de Chelsea. Tenter le coup dans une structure de niveau moyen, très peu pour lui. « « Si je ne suis pas au top dans trois ans, j’arrête », qu’il disait à ses débuts ! Son ADN, c’est la Juve de Didier Deschamps et de Zinédine Zidane. Quand tu as tout gagné, tu ne peux pas te satisfaire des seconds rôles », témoigne Pedro Kamata, son ancien joueur à Sienne et à Bari.

Raisons pour lesquelles, aussi, le coach se montre aussi direct que transparent. Dès les présentations, Conte affiche ses objectifs et annonce la couleur : l’échec n’est pas permis. « À Sienne, quand il débarque, il pose les bases d’entrée. Sa première causerie, c’est : « J’ai une équipe pour monter, donc on va monter. J’ai une Ferrari, donc je vais la conduire comme une Ferrari et il faut qu’elle aille aussi vite qu’une Ferrari », rembobine Kamata, recrue du dictateur alors à la tête d’une équipe tout juste reléguée en Serie B. Ça, c’est le premier jour. Mais en fait, tu comprends très vite que ça ne rigole pas. Il enchaîne direct, et c’est la même chanson toute la saison. Avec lui, pas de décrassage tranquillou après la partie le lundi. Il te gaze sur le prochain adversaire comme si le match suivant était le lendemain, il connaît déjà tous ses points forts et points faibles. Même si c’est la lanterne rouge en face, il va te la décrire comme la meilleure équipe du monde. » Cette méthode forte le suit partout où il se rend, que le club évolue en deuxième division ou en Ligue des champions. « Leonardo Bonucci m’a raconté que quand il est arrivé à la Juve, il s’est comporté exactement de la même façon qu’avec nous. Son premier discours, c’était en substance : « Ça fait des années que vous faites des saisons pourries alors maintenant, ça va changer et on va respecter la Juve »  », rapporte Genevier, ex-partenaire et ami du défenseur transalpin.

Nedvěd ou rien !

En parallèle, le cerveau de Conte tourne à fond. Car celui qui dispose manifestement d’un don pour transcender ses poulains réalise également un énorme travail d’analyse, aussi efficace que rapide. Identifiant comme personne les atouts et les manques de son équipe, l’Italien pointe les ajustements à réaliser. Comme un Mourinho capable par le passé de construire une dream-team à coups de millions lors de ses deuxièmes saisons en somme, avec cependant moins de billets à disposition. Là, le compromis s’avère absolument impossible et les conflits menacent. Ce qui expliquerait en partie les fins d’aventure houleuses entre le coach et ses différents dirigeants, le bonhomme demandant par exemple à la Vieille Dame de sortir généreusement le chéquier en 2013 et 2014 pour remporter la C1. « Il s’est passé la même chose à Bari quand on est monté en Serie A, parce qu’il était inenvisageable pour lui de se contenter de jouer le maintien et il imposait donc des renforts, souligne Kamata. Par exemple, il voulait Pavel Nedvěd en milieu gauche de son 4-2-4 Playstation. Dans son esprit, je devais être sa doublure. Sauf que le président Vincenzo Matarrese lui a répondu qu’il n’avait pas assez d’argent, et lui a proposé un joueur d’Empoli ou de je ne sais où. » Réponse du têtu Antonio : « Mais Kamata est deux fois plus fort que lui ! »

Un refus net du compromis, donc, même pour le plus infime des détails. « Je suis revenu de prêt du Torino en même temps qu’il arrivait à Sienne, et j’avais envie de retourner à Turin où ça s’était bien passé, se souvient Genevier, aujourd’hui milieu à l’Albinoleffe (troisième division).Il a répliqué qu’il était hors de question de me laisser partir, et il a voulu prolonger mon contrat… mais il ne m’a jamais fait jouer. En fait, c’était juste parce que le Torino était un concurrent direct ! Il était allé jusqu’à s’embrouiller avec le direct sportif, par rapport à ça. » En ne laissant rien au hasard et en pointant scrupuleusement les cibles qui vont améliorer sa formation, le technicien semble ainsi s’assurer de bons résultats à court terme. Suffit ensuite de faire parler la carotte de la concurrence, et le tour est joué. Genevier, encore : « Oui, le travail énorme qu’il instaure demeure physiquement éprouvant. Mais Conte t’amène avec lui, car c’est quelqu’un de juste qui te fait jouer si tu le mérites et si tu le suis. Puis après, quand les joueurs ressentent sa confiance et voient que le boulot paye… Ça fonctionne, même si ça ne peut pas durer sur la longueur. Surtout, il te fait souffrir dès que tu perds. Il fait la gueule et il te le fait ressentir, tu transpires encore plus les lendemains de mauvais résultats. » Ajoutez à cela la compréhension tactique progressive des joueurs ou cette transmission de la haine de la défaite, et l’Inter cuvée 2020-2021 apparaît. Un millésime bien plus goûtu que le précédent, et qui pourrait bien faire péter le bouchon de champagne dans quelques semaines.

Dans cet article :
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Par Florian Cadu

Tous propos recueillis par Florian Cadu

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