- Les restes du monde
Les Rangers au placard ?
Placé en redressement judiciaire cet hiver, le club le plus titré d’Écosse a été officiellement déclaré en faillite la semaine dernière. Depuis, personne ne sait exactement où et dans quelles conditions la saison des Glasgow Rangers va démarrer : en Premier League avec l’accord des autres clubs ? En 3e div’ pour repartir de zéro ? Ou carrément en Angleterre ? On fait le point.
Un petit point historique, déjà, pour bien situer de quoi on parle. En 140 ans d’existence, les Glasgow Rangers ont enlevé 54 titres nationaux, 33 Coupes d’Écosse, 27 Coupes de la Ligue et 1 Coupe des Coupes, ce qui en fait non seulement le club le plus titré d’Écosse, mais carrément du monde – bien sûr pas en ce qui concerne le prestige des trophées amassés, mais en quantité de ferraille posée sur l’armoire. Paul Gascoigne, Brian Laudrup, Terry Butcher, Ally McCoist, Barry Ferguson, Andy Goram, Claudio Caniggia, entre autres grands joueurs, ont foulé la pelouse d’Ibrox Park et lutté face à l’éternel et seul vrai rival, le Celtic Glasgow. Rangers-Celtic, Celtic-Rangers, les deux formations ont toujours été indissociables, aussi indispensables à l’élite du football écossais, que l’élite du football écossais leur est indispensable pour continuer à garnir l’armoire à trophées et à ravir leurs nombreux fans.
Le « Club12 » en suspens
Mais cette image d’Épinal du football écossais, qu’on croyait éternelle, avec le Old Firm, derby de Glasgow en point d’orgue, pourrait ne plus exister. Du moins pas dans l’immédiat. Car le problème, c’est que pendant longtemps les Rangers ont vécu au-dessus de leurs moyens. Mal gérées, les finances du club ont zappé la case des obligations fiscales. Saison après saison, le fisc britannique a méticuleusement calculé les arriérés de paiement, qui se sont rapidement comptés en millions, puis en dizaines de millions. Jusqu’à ce qu’une plainte soit officiellement déposée au tribunal d’Édimbourg. En février dernier, les sanctions tombent pour les Gers : sportivement, 10 points leur sont retirés en championnat, ce qui laisse un boulevard au Celtic ; extra-sportivement, c’est pire encore, avec un placement en redressement judiciaire. Le président Craig Whyte reconnaît que le club perd dans les 12 millions d’euros chaque saison. La vente de son meilleur élément – Jelavić, à Everton – et l’accord passé avec les joueurs sous contrat de diminuer jusqu’à 75 % leur salaire ne suffissent pas. Le 14 juin, le couperet tombe, les Rangers sont en faillite. On parle désormais d’un contentieux avec le fisc de plus de 90 millions d’euros et d’une dette totale de plus de 150 millions d’euros.
La proposition de l’homme d’affaires Charles Green – à la tête d’un consortium créé au printemps – de procéder à un remboursement partiel des dettes a été retoqué par le fisc. Il n’est plus question désormais que du rachat des actifs du club et de la marque Rangers, pour un peu moins de 7 millions d’euros. Voilà la situation telle qu’elle est actuellement sur le volet juridique et financier. Le flou est tel quant à l’avenir du club que la Scottish Premier League (SPL), l’élite du foot écossais, a dévoilé en début de semaine son calendrier de la prochaine saison, sans les Rangers, mais avec une inconnue, intitulée « Club12 » . Pour que ce « Club12 » soit les Rangers, il faut attendre la décision des dirigeants des 11 autres clubs de la SPL, qui doivent se réunir le 4 juillet. 8 d’entre eux au moins doivent accepter le maintien des Rangers dans l’élite pour que la décision soit entérinée. Si ce n’est pas le cas, le club devrait en toute logique repartir à l’échelon inférieur, en Scottish Football League.
Le Bury FC ciblé
Mais le Sun du jour émet l’idée d’une troisième option qui pourrait intéresser Charles Green et sa bande : transférer le club dans le football pro anglais. C’est possible, à la manière des Gallois de Swansea et de Cardiff, qui évoluent respectivement en Premier League et en Championship. Pour ce faire, l’anonyme club de Bury, club de la banlieue de Manchester, qui évolue en League One, pourrait être racheté… et déménagé à Glasgow dans la foulée. C’est possible aussi, selon le modèle du MK Dons, club fondé il y a un peu moins d’une décennie dans la ville de Milton Keynes après le rachat du club londonien de Wimbledon. Mais les dirigeants de Bury semblent réticents à lâcher leur club…
Donc on récapitule les trois options : 1/ maintien des Rangers en SPL avec l’accord des autres formations d’élite, 2/ rétrogradation à l’échelon inférieur du football écossais ou 3/ redémarrage du club dans la League One (l’équivalent de la D3) anglaise. Dans tous les cas, c’est la grosse, grosse galère pour le club le plus titré d’Écosse, qui ne sait pas de quoi son effectif sera fait, entre les fins de contrat qui ont tous déjà quitté les lieux et les joueurs sous contrat qui ne le seront en théorie même plus avec la nouvelle entité créée par Charles Green. Dans tous les cas, c’est la grosse, grosse galère aussi pour le football écossais dans son ensemble, qui voit disparaître – ou tout du moins être fortement fragilisé – l’un de ses deux poids lourds. Elle n’avait vraiment pas besoin de ça. Pour info, en 2012, la Scottish Premier League a encore perdu trois places au classement UEFA des championnats européens, pour plonger à la 18e place. Derrière l’Autriche, Chypre et Israël.
Par Régis Delanoë