- Coupe de France
- 16es
- PSG-Guingamp (4-2)
Les quêtes secondaires du Parc des Princes
Mercredi soir au Parc des Princes, le PSG a collé quatre buts à Guingamp, encore une fois, et satisfait son public sur un tout autre point : pour une fois, il y avait du suspense. Pas sur le score, non. Le tout était plutôt d'être là pour voir Cavani entrer dans l'histoire. Un moyen détourné de frissonner pour un match de Paris, mais une quête secondaire qui n'est pas loin de devenir l'attrait principal d'un club qui se cherche des challenges.
Le protocole habituel. Porte d’entrée du Parc des Princes, dire bonjour, se faire fouiller son sac, palper les jambes en position christique, découvrir la pelouse à travers le grillage des escaliers pour accéder aux tribunes, prendre place, s’asseoir à la va-vite car le match va débuter, lever les yeux sur le stade. Et constater : il est plein à craquer. Des tribunes à peine clairsemées, remplies dans leur totalité dans les virages, un peu moins parfaitement pour les tribunes latérales, d’ordinaire privilégiées par les familles et les « occasionnels » . Un stade rempli pour un 16e de finale de Coupe de France contre Guingamp ? Il fallait presque se pincer pour y croire, tant le Parc a historiquement peiné à bourrer ses travées lors de matchs de Coupe.
L’affiche n’était pourtant pas un choc annoncé, et les deux aspirateurs à public que sont Neymar et Mbappé étaient déclarés absents depuis plus de trois jours. Alors quoi ? En réalité, mercredi soir, le public parisien ne venait pas voir un match, mais un avènement. Combien se sont hier rendus au Parc portés par la motivation de voir Edinson Cavani devenir meilleur buteur du PSG ? Beaucoup, et cela s’est senti. C’est une chose nouvelle, dans ce Paris-là, celui qui dépense tout autant qu’il gagne : le public ne vient plus au stade pour voir une opposition, il parsème son expérience de jeux subsidiaires qui, eux, font le suspense. Voir Cavani marquer était celui d’hier soir.
Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse
Même lui l’a senti. Il flottait dans l’air du Parc des Princes un sentiment étrange, réellement. Celui de prendre conscience, au fil des minutes, que le score n’était décidément pas si important. Une fois les enjeux sécurisés (2-0 au bout de vingt-cinq minutes), le public s’est affolé des ratés de son héros, l’a encouragé, s’est pris d’obsession pour un but qui ne venait pas alors que Guingamp n’a jamais, à part ses deux penaltys justement obtenus, su montrer quoi que ce soit de réellement menaçant pour le résultat final. C’est bien là l’un des écueils du volume pris par cette bête omnivore qu’est devenu Paris.
À force de répéter que le club vit et respire Ligue des champions, ses joueurs ont fini par y croire, et son public aussi. Tout comme Di María traînait l’an passé son ennui sur les terrains de Ligue 1 avant de claquer un doublé contre Barcelone, le public du Parc semble également chercher son frisson dans un ailleurs qui dépasse le simple tableau d’affichage. En Ligue 1, il y a les taules annoncées (parfois à tort), et les rares grosses affiches (Lyon, Marseille, Monaco). Et alors que le supporter trouve son essence même dans l’incertitude du résultat de l’équipe qu’il soutient, celui du PSG est désormais trop habitué à la victoire pour y voir quelque chose de noble. Il lui faut trouver du lien, se rattacher à quelque chose qui fait l’âme du club, défendre une cause qui le mérite, et Cavani, dernièrement, est de celles-là.
Une foule sentimentale
On aurait pu jurer, sur le troisième but de Pastore, que le rugissement du Parc s’était très légèrement perdu au moment de la prise de conscience que celui qui venait de claquer sa tête dans les filets n’était « que » Pastore. Il y avait des réactions d’humeur à chaque mauvais choix sur contre-attaque, ce supporter placé là, à gauche, qui éructait qu’il fallait passer la balle au Matador à tout prix, cette rumeur qui enflait dès qu’il se trouvait en position de frappe. Même en dépit du bon sens. Celui du jeu, celui qui, parfois, exigeait une passe.
Le Parc trouve aujourd’hui une excitation dans un jeu de tir de fête foraine où il espère voir son buteur ramener la grosse peluche à force de mitrailler, et peut-on lui en vouloir ? Mécanisme noble que celui de vouloir humaniser un club en processus de déshumanisation. S’il faut accorder de l’importance à quelque chose, désormais, c’est l’histoire, au moins dans les tribunes. En coulisses, lorsqu’un journaliste ose demander à Kevin Trapp s’il sait pourquoi Antoine Kombouaré est une idole de Paris, le gardien sourit, puis réplique que lui, « en tout cas » , ne sait pas. L’évolution du club est ainsi faite, et n’est pas sujette au jugement. Bien ou pas, le Parc trouve désormais son frisson dans ces « quêtes secondaires » à la Zelda – un record de buts, Pastore à défendre, afficher une banderole « siffler nos joueurs est à l’opposé de nos valeurs » pour Neymar, faire lever la foule pour scander le nom de son n°9 – sachant pertinemment que la quête principale sera terminée sans même sourciller devant Ganondorf. Un club évolue, ses supporters aussi. Hier soir, c’était flagrant.
Par Théo Denmat, au Parc des Princes