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Les princes de Lorient

Par Maxime Brigand
6 minutes
Les princes de Lorient

C'était au printemps 2002. Le FC Lorient était déjà condamné à un retour vers la deuxième division. Pourtant, cette année-là, la bande de Darcheville et Feindouno poussera le plaisir à deux reprises au Stade de France. Entre un ciseau de Pauleta, une Marseillaise sifflée, un trophée perdu et un soulevé par Rémi Gaillard.

« C’est simple. Ce groupe avait une force : il savait faire la fête, toujours, même après une défaite. Avec certains entraîneurs, ça n’aurait pas pu passer, mais l’état d’esprit était fantastique. C’est le secret. » Presque quatorze ans après les deux épopées de son Lorient, en 2002, Yvon Pouliquen parle encore de « ce groupe soudé, solide et concerné » qui avait disputé une finale de Coupe de la Ligue face aux Girondins de Bordeaux (0-3) et gagné la Coupe de France face à Bastia (1-0). Cette saison-là, les Merlus étaient des promus en perdition, déjà condamnés à un retour à l’étage inférieur au moment de prendre la route pour le Stade de France et le premier titre de leur histoire. Leur principale force était ailleurs, dans les pieds et dans le cœur de deux potes. L’un, Pascal Feindouno, était prêté par les Girondins de Bordeaux. L’autre, Jean-Claude Darcheville, était un buteur hors pair, un type capable de te sortir de toutes les situations. « Sur le terrain, ils étaient fantastiques. Mais c’est surtout leurs qualités humaines que je retiens. Les deux associés à Éli Kroupi, c’était quelque chose. Toute la saison, les mecs ont insufflé un état d’esprit extraordinaire au groupe. Dans le vestiaire, les mecs s’amusaient à glisser sur les tables avec les tapis de sol comme dans la pub Pliz où on voit une vieille dame le faire » , raconte l’entraîneur lorientais de l’époque, arrivé en urgence en janvier pour sauver le club après le départ d’Ángel Marcos.

Le peuple, la peur et l’Aigle

À la reprise, au début de l’année 2002, Lorient est alors relégable, déjà. La première partie de saison a été marquée par quelques pétards contre Guingamp (6-2) ou une belle victoire contre Monaco (2-0), mais aussi par une déroute terrible à Sedan (0-5). Voilà le parfait résumé de la saison 2001/02 du FC Lorient. Une équipe qui joue, qui claque des buts (quatrième attaque du championnat avec 43 buts), mais qui en encaisse beaucoup avec une moyenne de 1,88 but encaissé par rencontre. « Ce qui était assez fort, quand je suis arrivé en janvier pour prendre le groupe, c’est que les joueurs vivaient vraiment bien ensemble malgré les mauvais résultats. À aucun moment, je n’ai senti l’équipe marquée psychologiquement. Les gars déconnaient même après certaines défaites. C’est cette fraîcheur qui nous a portés dans les coupes » , explique Pouliquen. Lorient va alors se transformer en un groupe d’épopée avec, à la barre, le capitaine Pancho Abardonado, débarqué de l’OM l’été précédent avec son « esprit de guerrier » .

Le parcours des Lorientais en Coupe de la Ligue avait commencé par une frayeur à domicile face au FC Metz (5-4). La suite ? Trois tours traversés à l’arraché, 1-0 à chaque fois, face à Auxerre, Bastia et le Stade rennais de Christian Gourcuff. Ou quand le fils abat le père. En finale, Bordeaux attend alors Lorient au Stade de France. « C’est la première fois que j’ai senti de l’appréhension dans le groupe. Pour la plupart, c’était la première finale. Et en face, c’était Bordeaux, des internationaux. Finalement, cette finale était une répétition pour celle de la Coupe de France qui avait lieu trois semaines plus tard, détaille Pouliquen. Les Girondins ont rapidement tué le match avec des buts fantastiques. » La finale a lieu le 20 avril 2002. Le peuple lorientais est monté à Paris. C’est la première finale, celle que tout le monde veut vivre. 20 000 écharpes fluo sont alors amassées dans les travées de Saint-Denis.

Reste que, dès la cinquième minute, Pauleta ouvre le score, avant que Camel Meriem ne double la mise juste avant la pause. Tout va trop vite et, au retour des vestiaires, sur un service du capitaine Duga’, Pauleta s’envole et claque un ciseau dans le petit filet droit de Stéphane Le Garrec. 3-0, sans suspense. Christophe Dugarry ira au coup de sifflet final saluer un à un les Lorientais, alors que Pauleta est célébré dans le délire. Plus haut, dans la tribune, sous les lunettes rieuses de Gérard Bourgoin alors président de la Ligue, les Girondins soulèvent leur première Coupe de la Ligue. En bas, le regard rêveur de la paire Feindouno-Darcheville. Ces deux-là le savent, la saison suivante, ils seront ensemble chez les Girondins. Le kop bordelais le sait aussi et chante : « Darcheville à Bordeaux ! »

Les sifflets et le succès

Yvon Pouliquen a alors trois semaines pour remobiliser un groupe revanchard. Rendez-vous est pris : le 11 mai, Lorient a une deuxième finale à disputer. Le tout après un parcours marqué par une nouvelle victoire sur Rennes, mais surtout un succès (1-0) au Parc en quarts. Pouliquen : « C’est assez incroyable, car cette finale, en réalité, on n’aurait jamais dû la disputer. Face au PSG, on était hors du règlement. J’avais aligné une équipe remaniée et je n’avais pas mis les sept joueurs ayant disputé les deux matchs précédents obligatoires. Si Paris avait porté réclamation, on aurait sauté. » Les supporters lorientais reviennent donc à Saint-Denis. Cette fois, c’est la Coupe de France, et cette fois, c’est Bastia. Pour ce groupe, c’est le dernier sommet avant de retrouver la deuxième division. L’occasion surtout d’inscrire un premier trophée majeur au palmarès du club breton.

« Ce jour-là, Bastia s’est un peu retrouvé dans la situation que l’on avait connue trois semaines plus tôt. Mais il y a aussi eu ce contexte particulier » , décrit l’entraîneur lorientais. La scène se passe quelques minutes avant le coup d’envoi, au moment de la traditionnelle Marseillaise. Jacques Chirac, alors président de la République, est sur son siège. Il est 20h40, le kop corse est en ébullition. Dès les premières notes de l’hymne, des sifflets jaillissent de la tribune bleue. Chirac, debout, demande à Claude Simonet, à sa droite : « Qui est-ce qui siffle ? Ok, je m’en vais. » Les deux équipes sont alors renvoyées dans le couloir du Stade de France. Claude Simonet doit s’excuser immédiatement. Tout rouge, l’ancien champion de France militaire prend le micro et « présente ses excuses à la France parce qu’on a sifflé la Marseillaise » . Dix minutes plus tard, tout le monde revient pour repartir. Chirac n’en a pas assez, il veut prendre à son tour la parole. Une fois le discours présidentiel présenté à la télévision, rien n’est plus comme avant. Et le match passe au second plan.

Pourtant, sur la pelouse, Jean-Claude Darcheville va soigner son futur départ en inscrivant le seul but de la rencontre (1-0). Lorient vient de remporter le premier trophée de son histoire avec Le Lan, Druon, Keita. Cette fois, la fête est totale, et les Merlus décrochent même un ticket pour la Coupe de l’UEFA au cours de laquelle ils sortiront au premier tour contre Denizlispor (3-1, 0-2). « Le retour à Lorient a été fou. La fête a été incroyable pendant toute la nuit et la journée suivante. On a même réussi à perdre pendant quelques heures la coupe de France. Au final, le président m’a demandé de la retrouver. J’ai découvert la coupe dans un bar et son chapeau dans un autre. C’était assez extraordinaire » , se remémore Pouliquen. C’était il y a quatorze ans. Lorient remportait alors le seul trophée de son histoire, avec Rémi Gaillard en invité surprise sur la pelouse. Darcheville s’apprêtait alors à poursuivre sa boulimie de buts à Bordeaux. Feindouno, lui, ne pensait pas encore à Sedan.

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Lorient prend les commandes, le Red Star grappille
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