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Les premiers fautifs

Par Pierre Maturana
Les premiers fautifs

Dans la continuité de son mois de décembre compliqué, le PSG d’Unai Emery a pris l’eau samedi face à Guingamp. Une défaite qui signe le grand retour de la crise hivernale dans la capitale et pose une question : qui est le coupable ?

Il faut absolument féliciter l’En Avant Guingamp pour sa performance tout en solidarité et sa volonté de jouer les moindres coups à fond contre le PSG. Il faut saluer le superbe public du Roudourou, l’état d’esprit des joueurs guingampais et le boulot monstrueux accompli par leur entraîneur, Antoine Kombouaré. Mais samedi après-midi, on a vu, encore une fois, le pire du PSG : inefficace devant, fragile derrière et terriblement friable mentalement. On peut chipoter, dire que Paris a dominé, livré une bonne première période et eu l’occasion de revenir, mais les résultats sont là. Face à face, il y avait une équipe dont les joueurs se battent pour le discours de leur coach et une équipe qui ne semble pas disposée à mettre en place la philosophie d’Unai Emery. Pour être clair, les bons matchs du PSG cette saison se comptent sur les doigts d’une main. Les matchs de référence tiennent sur le pouce et l’index.

Dès lors, à qui la faute ? La tentation est forte de désigner Unai Emery, ses trois coupes d’Europe, son accent espagnol, son temps d’adaptation et ses démonstrations tactiques avec des bouteilles d’eau 33cl. Lui qui galère encore et toujours à stabiliser son système de jeu, à dégager une équipe type, à gérer Di Maria… Ou de tomber sur la direction, son organigramme instable et son mercato mal négocié, rayons départs et arrivées. Ils ont leur part de responsabilités, bien sûr, mais ce ne sont ni Nasser ni Unai Emery qui expliquent une défaite à Guingamp. Qu’importe le président, qu’importe l’entraîneur : ce PSG-là a le droit de perdre de temps en temps, bien entendu, mais ce PSG-là, avec cet effectif, cette expérience et ses ambitions, ne devrait pas présenter un tel visage face à Guingamp, Montpellier et compagnie. Ce PSG-là ne devrait pas attendre d’être mené 2-0 pour se réveiller. Et les premiers fautifs du fiasco actuel, ce sont les joueurs. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser qu’ils le savent. Ainsi, au lieu de commencer à spéculer sur les remplaçants potentiels du technicien espagnol, la question se pose peut-être autrement : et si Unai Emery était tout simplement en train de faire de son mieux avec des joueurs qui sont loin de faire du mieux qu’ils peuvent ?

Entre reconstruction et démolition

Cette équipe est décevante. Pas nulle ni bonne à rien, vraiment pas, n’exagérons rien : juste décevante. Si Edinson Cavani ne mérite pas d’être associé à ce marasme, que trois-quatre joueurs surnagent un peu en courant alternatif (Verratti, Aurier, Matuidi…), le reste de l’effectif est loin d’être au niveau attendu. Dans un effectif de stars qui doit servir un immense projet sportif, le rendement actuel de nombreux joueurs est insuffisant au regard de leur potentiel et de leurs qualités. Au Real Madrid, au FC Barcelone, au Bayern Munich, à la Juventus Turin, dans tous les grands clubs, il n’y a pas de maillon faible, d’éléments qui jouent à l’envers, qui démissionnent d’un match. Il y a des stars qui répondent présent dans les grands rendez-vous ou quand leur équipe est dans le dur, mais aussi des joueurs qui se révoltent, qui vont chercher des points dans les dernières minutes, quel que soit l’adversaire, grosse écurie ou formation de bas de tableau. Il y a un état d’esprit de gagnant. De détestation de la défaite.

Dans ce PSG, il n’y a plus d’état d’esprit : il y a des joueurs qui ne font pas les efforts au même degré, une défense et un gardien qui pèchent trop souvent dans leur concentration, des stars qui ne pensent qu’à elles, des créateurs qui font des mauvais choix, des coéquipiers qui se mettent sur la gueule… Il y a un problème de banc, aussi. Paris a remplacé ses doublures (Van der Wiel, Stambouli, Digne, Lavezzi…) par des joueurs qui n’ont pas vocation à l’être, voire n’acceptent pas le jeu de la concurrence (Krychowiak, Jésé, Ben Arfa…), mais qui déçoivent à chaque ballon touché. Pour ne rien arranger, Paris a remplacé une guerre de gardiens par une autre guerre de gardiens. Bref, Paris fait quelques pas en arrière dans son projet et donne clairement l’impression d’être en train de passer à côté de sa nécessaire année de transition. Après tout, la dernière demi-saison de Laurent Blanc donnait déjà des signes de fatigue et de fin de cycle pour ce PSG ; c’était le bon moment pour embrayer sur quelque chose de différent.

Lever la tête

Peu importent les titres, cette saison devait, doit ou devrait être celle où certains joueurs se révèlent comme leaders pendant que d’autres passent un cap technique sur le terrain. En s’attachant judicieusement les services d’un bâtisseur tel qu’Unai Emery, le PSG devait évoluer en continuant à construire sur des bases solides. Sauf qu’il est plutôt en train de démolir ses fondations. À mi-saison, pour autant, le verre demeure à moitié plein et tout n’est pas à jeter : le PSG est une équipe « en crise » qui est loin d’être larguée dans la course au titre (avec une victoire face à Lorient, Paris resterait même dans des temps de passage très corrects à la trêve), qui a connu une belle période de douze matchs sans défaite, reste en lice en Coupe de la Ligue et qualifiée en huitièmes de finale de la Ligue des champions. Il y a pire comme bilan catastrophique, hein. Le tout avec un mercato hivernal à venir qui pourrait lui permettre de panser succinctement quelques plaies estivales et les retours programmés de joueurs majeurs comme Rabiot ou Pastore.

Certes, Paris est passé, en partie sur le plan du jeu, de la manière et de l’état d’esprit, à côté des cinq premiers mois de son année de transition. Mais, sa chance, c’est qu’il lui en reste cinq pour redresser la barre et reprendre son projet en main. Une demi-saison pour que la direction remette de l’ordre dans son organisation, qu’Emery impose enfin son autorité, mais surtout qu’individuellement et collectivement, les joueurs retrouvent leur niveau. Qu’ils jouent en équipe, (re)lèvent la tête et se révoltent. C’est le principal. Parce que tout viendra du terrain. Dans une saison comme celle-là, on devrait retenir que Nice et Monaco, comme l’OM de Bielsa il y a deux ans, tiennent la dragée haute au grand PSG. Pas que le PSG est une équipe qui tremble en prenant la route du Roudourou ou à l’aube d’accueillir Lorient. À la fin d’une saison comme celle-là, en mai prochain, on devrait aussi se dire que les premiers fautifs de la crise de décembre sont devenus les premiers responsables d’une transition réussie…

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