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Les premières flammes de ce diablotin d’Eden
Eden Hazard revient dans la ville qui l'a vu naître au foot, à Lille. S'il n'a pas joué sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy, il a en revanche massacré les défenses de L1 dès 16 ans, avant d'intégrer la sélection nationale un an plus tard. Retour sur une époque où Hazard n'était encore qu'un gamin.
À la retombée d’un corner, le ballon traîne devant la surface. Contrôle de la semelle en s’avançant légèrement le ballon, frappe à ras de terre, petit filet opposé. Rémy Riou est battu, Yohan Cabaye et Aurélien Chedjou lui sautent dessus : Eden Hazard vient d’égaliser contre Auxerre, et surtout de marquer son premier but en professionnel. Nous sommes le 20 septembre 2008, le petit Belge a 17 ans, 8 mois, 13 jours. Un peu moins d’un an plus tôt, à 16 ans et à Nancy, il fait ses débuts au plus haut niveau. Deux mois plus tard, pas encore majeur, il honore sa première sélection avec les Diables rouges, contre le Luxembourg. Une « montée au jeu » à la 67e qui fait déjà forte impression en Belgique. Du stade Marcel-Picot au Josy-Barthel du Grand Duché en passant par le Stadium-Nord, un gamin est en train de grandir.
« Mais ce mec, c’est un extraterrestre ! »
« Je me souviens de sa première entrée en jeu en Ligue 1 » , rembobine Gianni Bruno, formé à Lille et qui s’éclate aujourd’hui du côté du Krylia Sovetov, en Russie. « Avec le centre de formation, on faisait une sortie par mois. Ce jour-là, on était partis voir un spectacle du Jamel Comedy Club. Lui et Badis Lebbihi (aujourd’hui à l’USM El Harrach, en Algérie, ndlr) étaient les seuls à être allés avec le groupe pro. En sortant, on demande le score et on apprend qu’Eden est entré. C’était une fierté pour nous et on était super contents pour lui. » Content, mais pas surpris, car « même s’il a passé les étapes à vitesse grand V, en même temps, c’était assez logique. Il était au-dessus. » Pourtant, trois ans plus tôt, Gianni n’avait jamais entendu parler d’Eden.
C’est qu’Hazard est parti très jeune pour le Nord de la France. Dès 13 ans, alors qu’Anderlecht et le LOSC lui font les yeux doux, son paternel décide de l’envoyer à Lille pour une question de projet sportif et éducatif. Et l’aîné de la fratrie de quatre de pousser tranquillement, à l’ombre, de l’autre côté de la frontière. « Il est parti tellement tôt que les gens ne savaient pas qui c’était. Je me souviens que, quand j’étais au Standard et que j’allais en sélection, quand j’ai vu pour la première fois son nom, je me suis dit : « Tiens c’est bizarre, je le connais pas, il joue à Lille… » Même quand il était à Tubize, ils étaient en 2e division, et les jeunes du Standard jouaient contre des 1re division, donc on ne connaissait pas ceux qui jouaient en 2e. » En sélection U16, Gianni Bruno ne va pas tarder à intégrer le blaze de l’émigré : « Je me souviendrai toujours d’un match contre la Tchéquie, il avait été exceptionnel. J’avais dit à mon père après le match : « Mais ce mec, c’est un extraterrestre ! » »
Du numéro 33 au numéro 26
Celui qui n’était alors qu’un OVNI ne tarde pas à se faire un nom. Il a beau n’avoir qu’un anonyme numéro 33 dans le dos pour ses quatre premiers matchs en pro, en 2007-2008 avec Claude Puel, l’envol est programmé dès la saison suivante. Sous la houlette de Rudi Garcia, jeune entraîneur offensif et, lui aussi, alors plutôt méconnu, il compile trente matchs de Ligue 1 pour quatre buts, comme Adil Rami. Il se fait notamment connaître du grand public par une prestation étincelante contre Lyon un soir de mars 2008. Un but de classe et deux passes décisives – dont une pour faire marquer Nicolas Fauvergue, pas une mince affaire – le propulsent définitivement dans la classe des surdoués.
Mais le tournant date de quelques mois plus tôt. Le 15 novembre 2008, Eden Hazard, numéro 26, fête sa première titularisation en Ligue 1 d’un combo passement de jambes – enroulé filet opposé pour laisser Varrault et Janot sur les fesses et marquer son deuxième but en pro. Le 19, il ouvre son compteur en sélection au Luxembourg. Le 23 enfin, Hazard est envoyé au feu d’entrée pour un nul 2-2 au Vélodrome. En une semaine, le jeune premier est devenu international et a montré qu’il pouvait débuter et être décisif en Ligue 1. À 17 ans. « Il ne nous a pas pris de haut parce qu’il était parti avec l’équipe A, c’est ça qui était beau » , se rappelle avec une pointe d’émotion Gianni Bruno. « On allait le voir dans sa chambre, au centre, il recevait des colis Nike à gogo et il nous les donnait, ça fait partie des souvenirs qu’on a avec lui. »
Un petit bonhomme capitaine
Depuis, Eden Hazard est devenu capitaine et leader technique de sa sélection nationale. Pas forcément une évidence vu de l’extérieur, mais Gianni Bruno donne une piste : « Ah non, il n’a jamais été capitaine en jeunes ! (rires) Comme tu dis, il a un côté dilettante, il ne prend pas tout au sérieux, il estno stressquoi. Il m’a toujours dit : « Moi, je veux être numéro 10, capitaine, et jouer dans des grands stades pleins. » Il m’a toujours dit ça. C’est une motivation en plus pour lui, quand il a ça, il est plus fort. » Une impression confirmée par les statistiques du numéro 10 des Diables dans cet Euro (un but, trois passes décisives) et par les commentaires de Marc Wilmots, après la Hongrie : « Un capitaine ne parle pas toujours avec sa bouche, aujourd’hui il a parlé avec les pieds. Il y a beaucoup de gens qui étaient étonnés que je donne le brassard à ce petit bonhomme, mais il faut qu’il grandisse, il faut lui trouver un contexte où il s’exprime. »
Contre le pays de Galles, Eden Hazard retrouve une ville tombée sous le charme de son insouciance. Si son jardin français sera toujours le Stadium-Nord – il est parti en mai 2012 à Chelsea, trois mois avant l’inauguration du Grand Stade pas encore Pierre-Mauroy –, il va à nouveau jouer sous le turbulent ciel lillois. Lui semble s’être assagi depuis qu’il l’a quitté. En devenant trois fois père, par exemple. Mais, au fond de lui, Eden reste un grand gamin. Talentueux et un brin coquin.
Par Eric Carpentier